[Tribune] Générer des leads ou des dons : les leviers marketing des ONG sont-ils spécifiques ?
Publié par La rédaction le - mis à jour à
Les organismes caritatifs doivent-ils adopter les mêmes pratiques marketing que les entreprises privées ? Ophélie Sauvée, responsable commerciale E-data du groupe ADLPerformance, explique les différents leviers à activer pour trouver des donateurs et créer de l'engagement.
Avec 1 300 000 associations, 16 millions de bénévoles et 1,8 millions de salariés, le monde associatif joue un rôle majeur dans l'économie française. Dans le contexte actuel de crise sanitaire, qui a impacté le pouvoir d'achat de nombreux Français, le monde associatif semble toutefois tirer son épingle du jeu avec des dons plus élevés en 2020. Il ne faudrait pas néanmoins s'arrêter à ces chiffres encourageants car le montant des dons, on le sait, peuvent être fortement impacté par des politiques fiscales fluctuantes et plus globalement par le vieillissement des donateurs. En effet, selon France Générosités, 52 % des sondés se déclarant donateurs ont plus de 50 ans, alors qu'ils ne représentent que 47 % de la population française, quand 24 % des donateurs ont moins de 35 ans, 16 % entre 25 et 34 ans et 8 % entre 15 et 24 ans.
Ce constat établit, peut-on, doit-on appliquer au secteur caritatif les mêmes modus operandi marketing que pour les entreprises privées ? Quels sont les leviers à activer par les associations pour renouveler le panel des donateurs et pousser les jeunes générations à s'engager tout en veillant sur ses fidèles donateurs ? La réponse, sans nul doute, passe aujourd'hui part la maîtrise de l'environnement digital.
Digitaliser les actions marketing des organisations caritatives
Les organisations caritatives sont aujourd'hui confrontées à la nécessité de mieux adresser leur public et d'en convaincre de nouveaux, tels que les jeunes générations, du bien-fondé de leur cause. Or, ces derniers s'informent différemment et utilisent de manière prépondérante les canaux digitaux. Dès lors, il devient indispensable d'aller à leur rencontre, là où ils se trouvent. Si les organisations caritatives en ont parfaitement conscience et mènent déjà pour plusieurs d'entre elles des actions digitales, leur rapport au digital n'est pas encore arrivé à maturité. On observe un rapport au digital paradoxal, entre prise de conscience et actions concrètes, la moitié des associations se déclarant en progrès dans leur degré de maturité et seules 21% expérimentées.
La nécessité de maîtriser parfaitement ce levier est d'autant plus prégnant que plus globalement, en termes de ciblages des donateurs, le digital offre la capacité à élaborer des stratégies fines d'acquisition et de fidélisation. Là encore, si le potentiel du digital est perçu, il est encore sous-estimé et limite donc la capacité des organismes caritatifs à projeter les bénéfices qu'ils peuvent réellement attendre de leurs actions. Prenons un seul exemple, celui de la recherche de financements et de collecte de dons ; quand le potentiel du digital pour contribuer à cet objectif est estimé à 23%, le résultat est en fait plus conséquent : 39%.
Des caractéristiques propres au secteur caritatif à prendre en compte...
La générosité est soumise à une certaine saisonnalité. En fin d'année, les dons tendent à augmenter. En 2019, 40,3% des montants des dons ont été faits entre octobre et décembre, et sur ce seul denier mois de l'année, 22,5%, un chiffre qui va jusqu'à s'élever à 50% pour les dons en ligne.
Par ailleurs, une multitude de causes mobilise les Français. Si les plus de 50 ans sont sensibles à la protection des plus faibles, les moins de 35 ans sont particulièrement attentifs à l'actualité et aux causes urgentistes. On voit bien ici que les motivations sont différentes d'un client effectuant un achat en magasin, le discours à tenir en sera de facto différent et devra toucher la corde sensible des personnes sollicitées.
... et des enjeux similaires à l'ensemble des entreprises
Aujourd'hui, quelle que soit sa nature, une organisation doit s'adapter et personnaliser sa communication et ses leviers marketing pour aller toucher de nouveaux donateurs et les fidéliser. L'objectif va être de capitaliser et garder actif ses donateurs traditionnels, en mesurant l'impact de ses actions marketing pour éviter la sur-sollicitation, et parallèlement convaincre les plus jeunes, en adaptant le ton et les canaux activés.
Partir à la rencontre du profil de ses donateurs actuels et futurs...
Pour répondre à ses enjeux et définir une stratégie marketing efficiente, les organisations caritatives vont devoir mener un travail en profondeur sur la compréhension du profil de leurs donateurs et enrichir les données et informations dont ils disposent les concernant, pour mieux les connaître et ainsi mieux les adresser.
Mieux connaître les donateurs passe par l'étude de différentes sources : pages visitées sur le site internet, cibles sur les réseaux sociaux, base de données propriétaires, etc. L'objectif in fine est de mieux les comprendre à travers différents insights : profil socio-démographique, état d'esprit, rapport aux marques, connectivité, consommation média, passion et intérêts, habitudes de consommation, etc. Cette connaissance pourra permettre par exemple de dresser un portrait-robot de son donateur type et de concentrer ses investissements sur des profils jumeaux, potentiels futurs donateurs.
... pour développer une stratégie marketing structurée
On observe chez un acteur comme UNICEF qu'un déploiement structuré de sa stratégie marketing a permis d'obtenir + 33% de performance dans sa collecte de dons. Cette démarche s'appuie sur plusieurs items : le choix des profils cibles et la connaissance des raisons du don (défiscalisation, défense d'une cause) ; le choix des canaux retenus et activés (mails, téléphone, terrain, réseaux sociaux, etc.) ; l'élaboration des messages qui diffèreront selon l'objectif (relancer, informer, etc.) et le profil des donateurs ou futurs donateurs ; l'évaluation des moyens alloués pour être en capacité de mesurer l'efficacité des actions entreprises.
Arrêtons-nous un instant sur le choix des canaux activés. L'avènement du digital a démultiplié les possibilités avec comme corolaire une complexité accrue mais aussi d'importantes potentialités. Il est indispensable d'en avoir une vision globale pour travailler à l'optimisation du parcours digital du don. Cette optimisation va également dans le sens de l'amélioration de la visibilité de l'association sur différents points de contacts et moment de "consommation" digitale des donateurs et potentiels nouveaux donateurs.
Cette stratégie pourra trouver son terrain d'expression dans des programmes de générations de lead, de display, de native advertising, etc. et également dans le cadre de nouveaux canaux d'appel au don, comme le don par SMS, le micro-don, le don via les réseaux sociaux. Il est ainsi possible de faire un don sur TikTok, depuis maintenant un an, grâce à une fonctionnalité de don accessible in-app. Aussi, les gamers de ZEvents ont recueilli à l'automne dernier 5,7 millions d'euros pour Amnesty International lors d'un marathon caritatif de 55 heures relayé en direct sur Twitch. Il faut néanmoins noter sur ce point qu'il reste encore un travail d'évangélisation à mener, même auprès des plus jeunes, car il existe une méconnaissance de ces nouveaux moyens de donner, à la différence des canaux traditionnels (courrier, téléphone, mail) qui demeurent les plus importants pourvoyeurs de dons.
Dernier point, il ne faut pas oublier d'entretenir sa relation avec ses donateurs, ce qui en d'autres mots signifie animer cette communauté pour la fidéliser et veiller à la garder impliquée dans ses actions. Pour cela, on doit l'informer sur ses projets et opérations. Ainsi, WWF donne la parole à des bénévoles engagés sur le terrain via son podcast L'Effet Panda. Cela signifie également l'informer sur l'utilisation des dons, l'impliquer dans des actions concrètes, lui faire vivre des expériences relationnelles fortes, etc. tout en veillant à développer des approches toujours personnalisées.
Comme pour toute entreprise, et ce malgré leurs spécificités, les organismes caritatifs doivent penser cross canal et être en mesure d'orchestrer leur présence, gage d'être identifié au-delà des profils de donateurs habituels, en véhiculant des messages personnalisés, propices à déclencher le don.
L'auteur : Ophélie Sauvée, responsable commerciale E-data Groupe ADLPerformance. Après un Master en Marketing et Négociation au sein de l'école de commerce IDRAC en 2007, Ophélie commence sa carrière en tant que chargée de clientèle Marketing direct au sein de Adress Company, entreprise spécialisée dans les solutions en marketing direct. Elle a par la suite successivement occupé les postes de Business developer Marketing direct, responsable de la Business Unit Marketing Direct, puis Business developer Assurances Affinitaires pendant 8 ans au sein de SPB, courtier en assurances affinitaires. De 2015 à 2017, Ophélie est responsable grands comptes au sein de KIALA (Groupe UPS) spécialiste de la livraison en point relais. Ophélie est ensuite nommée Business development Manager au sein de Banque Casino.