Inflation, marché saturé... Comment les plateformes de streaming s'adaptent-elles ?
Publié par Matis Demazeau le | Mis à jour le
Après avoir connu une importante croissance entraînée par la crise sanitaire et les différents confinements, le marché du streaming est actuellement en phase de stabilisation (voire de décroissance). Plusieurs pistes sont envisagées par les plateformes pour faire face à cette situation.
"Face à un contexte inflationniste et à l'explosion des coûts d'acquisition, les plateformes de streaming doivent repenser leur modèle pour concilier rentabilité et fidélisation." C'est ainsi que Michael Mansard, directeur de la stratégie de l'entreprise de gestion des abonnements Zuora et observateur du marché, synthétise les différents enjeux auxquels sont confrontées les plateformes de streaming comme Netflix, Disney + et Prime Video. Étudiant annuellement près de 70 milliards de données, Zuora a observé 17 % de croissance pour le secteur global de l'abonnement ces dernières années. Cependant, 2022 aura été moins prolifique : une croissance de 12 % a été identifiée. Dans le secteur du streaming spécifiquement, quatre entreprises sur cinq ont continué à croître malgré les différentes crises. Toutefois, ce dernier est, depuis peu, entré dans une phase de stabilisation ou même de décroissance pour certaines plateformes.
Une phase de décroissance
"Nous ne sommes plus dans une situation de croissance pour tout le monde comme c'était le cas durant la crise sanitaire. Les entreprises sont donc amenées à changer leur business model et à faire évoluer leurs offres", analyse Michael Mansard. Disney +, par exemple, a perdu 4 millions d'abonnés au deuxième trimestre de l'année 2023. Le leader du marché, Netflix, a également subi une certaine perte d'abonnés au début de l'année dernière, mais le lancement de son offre moins chère avec de la publicité lui a permis de pallier cette légère décroissance. N'atteignant pas les objectifs initialement fixés, cette initiative répond tout de même à l'ambition de la plateforme d'attirer toujours plus d'utilisateurs. En effet, selon une étude menée aux États-Unis par Antenna, le nombre d'abonnements avec publicité a augmenté de 24,6 % au 1er trimestre de 2023. Parallèlement, Netflix a récemment déployé son dispositif visant à durcir les règles de partage des comptes, interdisant le procédé pour les utilisateurs ne partageant pas le foyer du principal détenteur de l'abonnement. Bien que contraignante pour les consommateurs, cette nouvelle politique représente également une piste intéressante pour redonner une bonne santé au secteur. Déployé au Canada, ce dispositif a effectivement permis à la plateforme d'attirer de nouveaux abonnés. Enfin, disposant d'une offre particulièrement riche et ne se limitant pas à la vidéo à la demande, Prime Video et Canal + parviennent à garder une bonne santé économique.
Une explosion des coûts d'acquisition
Comme l'explique Michael Mansard, il existe trois leviers principaux pour croître dans le marché du streaming : l'acquisition de nouveaux abonnés, la rétention (fidélisation) et l'expansion (vendre plus à des abonnés existants). Pour le premier d'entre eux, une augmentation de 15 à 20 % par an des coûts d'acquisition a été observée. "Ce phénomène pousse certaines plateformes à se poser la question si la recherche continue de croissance est rentable ou non. La fidélisation (rétention) et l'expansion sont donc les pistes privilégiées par les entreprises de streaming", affirme-t-il. D'autant qu'une saturation du marché du streaming est constatée : en 2020, l'Hexagone comptait 78 offres de vidéo à la demande. Le secteur se retrouve ainsi en constante évolution (fermeture de Salto, Lionsgate + a quitté la France en mars 2023, Paramount + vient d'arriver...).
Face à tous ces éléments auxquels s'ajoute le contexte inflationniste, Michael Mansard estime que, pour parvenir à fidéliser les abonnés, les plateformes de streaming devront travailler sur cinq points fondamentaux. Tout d'abord, ces dernières se dirigent vers plus de flexibilité offerte aux consommateurs et vers une personnalisation accrue de l'offre commerciale. "Il ne faut pas prendre l'abonnement comme un encéphalogramme plat mais plutôt comme une aventure avec l'abonné au cours de laquelle ce dernier peut changer d'offre facilement en fonction de ses goûts, de ce qui lui arrive dans sa vie", soutient le directeur de la stratégie de Zuora. Une plus grande sensibilité aux prix chez les consommateurs et une bataille de contenu attendent également le secteur du streaming. Imaginer des offres moins chères et diversifier le contenu proposé aux abonnés représentent des pistes pertinentes pour faire face à ces tendances. Enfin, l'accessibilité sur l'ensemble des canaux est le dernier dossier sur lequel les plateformes devraient se pencher. Des offres de streaming accessibles en voiture ou en avion par exemple ? De nombreux défis attendent les entreprises du secteur.