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La pub en pleine crise de conscience

Publié par Clément Fages le - mis à jour à

Attaquée sur sa capacité à être responsable, la publicité réagit, comme en témoignent les nombreux formats solidaires, RSE ou éthiques lancés cet automne. Des initiatives louables et logiques face à la crise, mais qui doivent dépasser le simple effet d'annonce.

" La communication peut devenir le bras armé de la transition ", rappelaient Mercedes Erra, Franck Gervais et Laurent Habib dans leur tribune " Avant d'interdire ", publiée début octobre face à l'éventualité d'une proposition de loi portée par Barbara Pompili, la ministre de la Transition écologique, visant à limiter la publicité de produits et services jugés néfastes pour l'environnement, comme les SUV, les voyages en avion ou les produits utilisant l'huile de palme. Faisant suite à l'une des 146 propositions de la convention citoyenne pour le climat, reprises par Emmanuel Macron, elle ferait ainsi écho à une autre proposition de loi déposée par les députés du groupe Écologie Démocratie Solidarité pour interdire progressivement, à partir de 2022, les publicités pour les véhicules malussés et l'électroménager gros consommateur d'électricité. Alors qu'elle fait tanguer les business model de nombreuses entreprises depuis deux ans, la vague RSE se propage ainsi en aval et éclabousse un écosystème publicitaire poussé à réagir. On citera aussi les résurgences des mouvements Black Lives Matter ou #MeeToo, qui appellent à un véritable examen de conscience sur le rôle de la publicité ou l'appel de l'UFC Que Choisir à limiter la publicité pour la malbouffe ciblant les enfants.

En ce sens, le confinement aura été un véritable laboratoire : bien que les investissements des annonceurs se soient taris, les régies ont mis gratuitement en lumière certaines initiatives solidaires, quand elles n'ont pas reversé une partie de leur chiffre d'affaires à des causes. Cet automne, se sont ainsi multipliés les lancements de formats solidaires, éthiques ou responsables, tant en ligne qu'en TV, radio, DOOH ou print, reprenant tous plus ou moins les mêmes mécaniques : reverser une partie du budget publicitaire à une association (chez Exterion Media, France Télévisions, Media Center, M6, Mediatransports, Teads, TF1 ou Sublime) ou doubler ce budget quand la campagne met en avant une initiative RSE (pour CMI Media, in-Store Media ou M Publicité). Mais à la différence de ce dernier, le format solidaire indique clairement sa nature, et qu'un don est versé à une association. Le risque est donc de tomber dans l'effet d'annonce, alors que la multiplication des formats solidaires laisse craindre une dilution de leur impact, à l'image de ce que l'on peut observer pour certains labels, et une méfiance plus accrue des consommateurs.

Tous les formats ne se valent pas

Utiliser ces formats est avantageux : en plus d'aider concrètement à financer une association, l'annonceur attire l'attention. Le label WhatRocks, qui permet à un internaute de choisir à qui reviendra le 1 % du budget de la campagne reversé, revendique une hausse du taux de clic et du taux de complétion pouvant aller respectivement jusqu'à +16 % et +8,5 %. De son côté, Vincent Touboul Flachawire, fondateur de Goodeed, qui a lancé en 2014 un site permettant aux internautes de faire des dons à des associations en visionnant de la publicité, avant d'adapter le format à la publicité programmatique via l'offre ProgrammaGood et des partenariats avec Exterion Media, Teads, TF1, Sublime et de nombreuses régies, évoque les retombées positives sur l'image de marque : " Une campagne publicitaire avec notre format solidaire offre +11 points d'image de marque auprès des personnes avec enfants et +7 points de l'agrément de marque. " Même constat du côté d'Intermarché, qui est l'un des rares annonceurs à avoir essayé les formats #ComSolidaires de France Télévisions pendant le confinement, puis de Goodeed, WhatRocks et Mediatransports : " Nous sommes un producteur et commerçant solidaire et responsable. Cela se traduit dans le soutien apporté aux filières pendant le premier confinement, mais aussi au quotidien dans nos produits, nos recettes, nos usines et processus de production... Nous devons donc le décliner jusqu'en média ! De plus, nous voulons tester des formats innovants, sans faire du goodwashing. Avec Goodeed, nous aidons l'organisation Fermes d'avenir et nous avons reversé 1 % du prix brut de la campagne menée avec Metrobus au Secours Populaire ", détaille Anne-Marie Gaultier, directrice marketing de l'enseigne, qui évoque un taux de complétion augmenté au minimum de 10 % via les formats Goodeed et WhatRocks, un taux de clic en hausse de 20 % en moyenne et un taux de visibilité " 20 % au-dessus de nos benchmarks, avec 86 % d'impressions visibles au sens IAB du terme. "

Mais quid de l'impact sociétal de ces formats ? Vincent Touboul Flachaire se réjouit de la multiplication de ces initiatives, et rêve qu'un jour, les quelque 11 milliards d'euros dépensés chaque année en France en publicité, " une ligne qui pèse en moyenne 20 % des investissements annuels des entreprises du CAC 40 ", permettent de financer des projets associatifs. Mais il reste perplexe : " Beaucoup de régies TV nous ont contactés pour lancer un format solidaire, mais seule celle de TF1 a signé un accord avec nous. Lorsque nous travaillons en direct avec un annonceur ou son agence, le modèle est fixe : 60 % de l'investissement est reversé à l'association partenaire. Quand une régie ou un éditeur commercialise notre offre, c'est en moyenne 20 à 30 % de la totalité du budget média qui est reversé à l'association. On est loin des 1 % des autres formats ! " Depuis son lancement, Goodeed approche les trois millions d'euros collectés au profit de 200 associations partenaires, grâce en partie aux 350 000 donateurs enregistrés sur le site, lequel ne représente cependant plus que 10 % des campagnes estampillées Goodeed, qui sont majoritairement diffusées par des régies partenaires et touchent chaque mois 10 millions de personnes. La solution devrait ainsi s'engager dans une campagne de branding pour que son format, et les engagements qu'il véhicule, soit mieux identifié par les internautes et les annonceurs. Reste à savoir comment distinguer la pub solidaire de la pub responsable et de la pub éthique, alors que ces nouveaux termes risquent de se concurrencer dans l'esprit des annonceurs. Pour le fondateur de Goodeed, l'éthique concerne le fond du message et l'aspect créatif de la publicité, des problématiques adressées par des agences comme Utopies ou The Good Company, quand la responsabilité relève de la forme : diminution de l'impact carbone du tournage et de la diffusion, arrêt du ciblage des enfants, anonymisation de la data ou juste rémunération des acteurs de la chaîne de valeur. Il reste convaincu que dans l'arsenal de la transition, " la publicité est un bazooka ". À condition que les produits et les offres promues ne soient pas passés dans le tambour du goodwashing. " C'est tout l'enjeu de la loi Pacte, et de la question de la place de l'entreprise dans la société. Il est facile de taper sur la pub, mais tant que les entreprises ne rechercheront que le profit... "

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