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Netflix débarque sous embargo

Publié par Maud Vincent le | Mis à jour le

Netflix débarquerait en France à l'automne 2014. Opportunité ou défi ? La question reste ouverte. Car aussi innovant et disruptif que soit son modèle et fulgurante sa croissance, le géant américain de la SVOD va devoir composer avec un marché français radicalement différent.

La rumeur qui enfle depuis l'automne dernier sur le débarquement de Netflix en France, le site américain de vidéos en streaming, se confirme. Lors de la présentation de ses résultats annuels le 22 janvier dernier, le PDG Reed Hastings a déclaré vouloir s'engager dans "une expansion européenne importante". Après un passage en France en décembre dernier pour prendre le pouls des pouvoirs publics, les représentants de Netflix seront présents ces prochains jours pour entamer des négociations en vue d'une installation en septembre.

L'arrivée du géant américain de la SVOD (vidéo à la demande par abonnement) sur le marché français suscite troubles et remous au sein du PAF tant son modèle révolutionne et bouleverse l'écosystème télévisuel. Qu'on en juge : le groupe a fini l'année 2013 avec un bénéfice multiplié par deux en un an, un nombre d'abonnés fort de 33 millions dépassant celui de la chaîne HBO et représente 34 % du trafic internet aux États-Unis ! Le loueur de DVD par correspondance né en 1997 dans la Silicon Valley s'est transformé en un acteur majeur, à même de dynamiter un marché audiovisuel en pleine mutation numérique.

Figure de proue du phénomène ATAWAD

L'atout de Netflix ? Pour un abonnement mensuel de 7,99 $, les téléspectateurs américains ont accès en illimité à un catalogue XXL de 10 000 programmes qu'ils peuvent regarder quand ils veulent et depuis le device qu'ils souhaitent (PC, smartphone, tablette...). De fait, Netflix incarne bien le phénomène ATAWAD (AnyTime, AnyWhere, AnyDevice). La firme a mis au point un business model performant en dupliquant dans l'audiovisuel le modèle développé par Spotify et Deezer dans la musique. Sur un marché où l'abonnement aux bouquets de télévision par câble et satellite commence à 30 $, Netflix casse les prix du marché tout en proposant un service plus flexible et une offre plus large et, qui plus est, personnalisée. Car la séduction qu'exerce Netflix sur ses abonnés provient en partie de sa capacité, via un algorithme de recommandation, à proposer des films et séries adaptés à leurs goûts.

Le défi du marché français

Reste que si l'arrivée de Netflix, au vu de son et insolente expansion, a de quoi inquiéter les poids lourds du PAF, la plateforme américaine va devoir composer avec un marché radicalement différent de celui américain, caractérisé par un faible développement de la télévision de rattrapage (catch-up TV) ainsi que par un coût élevé des offres du câble. De plus, la chronologie des médias est beaucoup moins souple qu'aux États-Unis, restreignant l'accès d'un futur Netflix France au contenu cinématographique français. Et quand bien même les préconisations du rapport Lescure en faveur d'une exploitation des films plus tôt seraient appliquées, le délai pour la SVOD ne serait divisé que par deux (18 mois au lieu de 36 actuellement) alors qu'il est contractuel aux États-Unis.

L'épineuse question de l'implantation

Les pouvoirs publics multiplient les contacts afin de convaincre les Américains d'installer leur siège social en France. Là se jouent les négociations d'arrière-plan entre le gouvernement français et Netflix. Fleur Pellerin, ministre déléguée à l'Économie numérique, a rencontré son PDG le 7 janvier dernier lors de sa visite au CES à Las Vegas tandis qu'Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, a demandé à la plateforme californienne de "se plier aux régulations en vigueur dans l'Hexagone" et de ne pas "être un passager clandestin qui profite du système sans y participer". Au pays de l'exception culturelle où le financement du cinéma dépend largement des chaînes de télévision, Canal + en première ligne, la question demeure en effet de savoir si Netflix n'émettra pas depuis le Luxembourg pour contourner la législation française. Qu'est-ce qui empêcherait la firme américaine de jouer sur l'absence d'harmonisation réglementaire européenne et de s'installer au Luxembourg afin de ne pas subir normes, quotas et obligations de production ?

Les chaînes françaises en ordre de bataille

Une bataille dont l'issue concerne au premier chef Canal +, premier financeur du cinéma français et dont la chaîne cryptée diffuse nombre de séries exclusives et films inédits. Et ce, alors que sa plateforme de vidéo à la demande CanalPlay, qui revendique 300 000 abonnés, peine à décoller. Coïncidence ? Le groupe multiplie les initiatives afin de préparer le terrain de la télévision de demain. Alors qu'en décembre dernier, il annonçait la création de CanalStart, un incubateur destiné à "infuser l'innovation" au sein des équipes de la chaîne, une nouvelle division Canal OTT a vu le jour la semaine dernière. La feuille de route de cette dernière : déployer l'offre du groupe dans des modes de consommation mobiles ou individuels, et en particulier via l'Internet "ouvert" (over the top ou OTT), c'est-à-dire indépendant du fournisseur d'accès. Sans oublier en septembre dernier, le lancement de Canal+ Séries, une nouvelle chaîne du bouquet premium, qui diffuse des séries américaines 24 heures après leur passage aux États-Unis.

Quant aux autres chaînes françaises, l'anticipation est de mise et le verrouillage, la règle imposée. Tant TF1 que M6 ont acheté les droits SVOD ou bien pratiqué le "hold-back" en payant pour les geler afin de s'assurer que les studios ne puissent les vendre à d'autres, Netflix ou Amazon en tête... Autant dire que les chaînes de télévision fourbissent leurs armes pour éviter que l'offre payante de Netflix ne s'impose massivement en France.

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