[Portrait Conso] Qui sont les "Tanguy" ?
Publié par AMELLE NEBIA le - mis à jour à
Une personne sur dix, entre 25 et 44 ans, vit encore chez ses parents. Qui sont ces enfants qui ne quittent pas le nid ? Après le premier épisode sur "Les barbus", découvrez le décryptage d'Ipsos. Deuxième épisode de "Portraits de consommateurs", une rubrique imaginée par Marketing avec Ipsos
Après un premier portrait dédié au phénomène des barbus, découvrez les "Tanguy"...
Étienne Chatiliez, scénariste et réalisateur du film Tanguy, sorti en 2001, avait-il anticipé la réalité des jeunes d'aujourd'hui ?
Les trentenaires dans dix ans seront-ils tous devenus des "Tanguy" ? Des questions qui paraissent farfelues, à première vue, mais qui ne le sont pas tant que ça. En effet, parmi les adultes de 25 à 44 ans, une personne sur dix, aujourd'hui, vit encore chez ses parents. Surtout, cette proportion progresse régulièrement depuis 2010.
Il y avait 6 % de "Tanguy" en 2010, 8 % en 2012 et... 10 % en 2014 (1).
À y regarder de plus près, la galaxie des jeunes restés à la maison est plus complexe. Parmi ces 25-44 ans qui prolongent leur séjour au domicile familial, la moitié est en réalité des "boomerangs". Ils pensaient avoir définitivement quitté le foyer parental mais ils ont été rattrapés par des difficultés personnelles : rupture, divorce, chômage... Ce qui les différencie aux "Tanguy" qui, eux, n'ont jamais quitté le nid. Cette situation de "boomerang kids" est d'ailleurs plus répandue qu'il n'y paraît. Dans la tranche d'âge des 25-44 ans, un tiers déclare être déjà revenu habiter chez ses parents à un moment de sa vie. En outre, une proportion similaire envisage que cela pourrait lui arriver un jour.
Derrière ces phénomènes, une tendance lourde : l'âge moyen de départ du domicile familial avance d'année en année, tandis que les faux départs sont légion. Beaucoup sont tentés de voir là un changement conjoncturel, directement lié à la crise (précarité, problèmes de logement, etc.). Mais l'émergence de cette nouvelle génération de "Tanguy" et de "boomerangs" dit aussi autre chose sur l'évolution de notre société. Cette cohabitation prolongée avec les parents reflète l'évolution des relations entre les générations. Aujourd'hui, les valeurs des jeunes et celles de leurs aînés sont de moins en moins antagonistes.
De plus en plus de parents et d'enfants considèrent qu'il n'y a pas de fossé de valeurs entre eux, mais, au contraire, beaucoup de complicité et de dialogue.
Une société adolescente
Or, il y a encore peu, les jeunes étaient impatients de quitter le giron familial et de devenir indépendants. Mais la principale explication réside peut-être dans le fait que nous vivons dans une société de plus en plus adolescente. La condition d'adulte a longtemps été marquée par l'accès à un emploi stable et à un logement ou par la mise en couple. Or ces étapes sont devenues de plus en plus floues et de moins en moins définitives. L'effet "cliquet" qui les caractérisait n'existe plus : les marqueurs de l'indépendance sont de plus en plus fragiles et remis en cause. Reprise des études, perte d'autonomie financière, retour au célibat ou au domicile des parents : ces situations se banalisent. Jusque-là cantonnées à l'adolescence, elles sont aujourd'hui le lot de tout un chacun, reflet d'une société où l'on ne finit jamais de se construire.
(1) Ipsos, Observatoire des modes de vie et de consommation des Français, 2014.
Catherine Somon, directrice d'études chez Ipsos
Portrait paru dans Marketing du mois d'octobre 2014 (n°180)