Consommation durable : "Autrement, c'est maintenant"
Publié par Catherine Heurtebise le - mis à jour à
Ethicity, présidée par Elizabeth Pastore-Reiss, présente les résultats de la septième typologie de consommation durable. Réalisée avec Aegis Media, cette étude confirme que les Français sont de plus en plus nombreux à être impliqués dans le changement.
Après son enquête parue au printemps en association avec l'Ademe sur la consommation responsable, Ethicity sort la nouvelle typologie des consommateurs en matière de développement durable. Le même fond de carte a été conservé par rapport à 2011, de façon à mesurer les évolutions concrètes de chaque type et d'actualiser leurs leviers de changement.
La septième édition de cette étude sur la typologie de la consommation durable a été menée par Ethicity et Aegis Media auprès de 4 500 Français (échantillon SIMM). Même si beaucoup de choses restent à faire, Ethicity salue l'évolution positive du "autrement, c'est maintenant". "Autrement dans la façon de consommer avec une consommation plus alignée selon les convictions de chacun : moins de gaspillage, moins de superflu, plus d'éthique et de partage de la valeur", résume Elizabeth Pastore-Reiss, présidente d'Ethicity.
En présentant les résultats, Pascale Merzereau, dga d'Aegis Media Expert, a insisté sur les points très positifs de cette édition : "la hausse du nombre de consommateurs qui veulent agir pour une consommation responsable et, parallèlement, la baisse du nombre des moins engagés". Les différents types de consommateurs les plus engagés passent de 40 à 47 % de la population. La famille des consommateurs dans le "déni", moins sensible et sans volonté de changement, ne représentant " plus que" 29 % de la population (vs 35 % en 2011).
Confirmation de ces évolutions en analysant les huit profils du mapping :
- Les éclaireurs (10,5 %) sont stables. Ils sont dans une consommation raisonnée et raisonnable. Ils veulent de la cohérence et surtout de la transparence et de la crédibilité. Cette cible est très influente.
- Les bio beaux (15,4 % vs 14 % en 2011) : ce sont les plus hédonistes et ils assument une consommation plaisir. Ils attendent un bénéfice santé simple.
- Les verts bâtisseurs (9,8 % vs 9,4 %) : ce groupe est dans l'action. Il a acheté moins mais davantage de produits durables. Il attend des bénéfices environnementaux et économiques (pour l'emploi local, notamment).
- Les perméables (11,8 % vs 9,4 %) : sans conviction forte, ils demandent de la pédagogie. Saturés de messages, ils deviennent méfiants et ont besoin de réassurance. Il faut leur apporter une information simple et démonstrative.
- Les consophages (13,6 % vs 17,1 %) : ce groupe en diminution a du mal à composer entre son besoin de consommer et les enjeux du développement durable. Il faut lui parler d'innovation et de modernité, en utilisant les leviers digitaux.
- Les "bonne conduite" (11,7 % vs 6,6 %) : ce groupe en forte augmentation met le sens du devoir et des valeurs éthiques avant la recherche du plaisir. Il faut l'aider à être encore plus exemplaire en lui apportant des indicateurs simples.
- Les éco-restreints (12,4 % vs 15,6 %) : ils se concentrent sur ce qui leur permet de moins dépenser. Ils sont dans la déconsommation et attendent des conseils, des bons plans... qu'ils vont partager via les réseaux sociaux.
- Les minimiseurs (15,3 % vs 17,9 %) : ils sont dans le système et veulent continuer d'en profiter. Pour eux, le développement durable est surtout une contrainte. Pour se rassurer, ils estiment avoir modifié leur comportement. Il faut leur démontrer l'intérêt de la croissance durable de manière rationnelle en parlant de "plus de..." et non de "moins de...".
À noter dans les tendances transversales aux huit typologies : la nette masculinisation et le rajeunissement des groupes les plus engagés. 55 % des éclaireurs sont des hommes et les jeunes ont progressé de 4,4 points chez les verts bâtisseurs. Parmi les autres tendances : la montée du local, l'intégration plus forte des pratiques au quotidien et les attentes plus nombreuses d'exemplarité en DD de la part des entreprises et des politiques. Un bémol cependant : encore près d'un tiers des Français (les consophages et les minimiseurs) ne sont pas concernés par la consommation responsable et continuent de consommer "comme avant".
L'éclairage des neurosciences
Jacques Fradin, directeur de l'IME (Institut de médecine environnementale) apporte un regard différent sur les déterminants psychologiques et neuropsychologiques des comportements DD. Les adeptes de consommation durable sont des CSP+, certes, mais le DD est d'abord une affaire d'ouverture d'esprit (curiosité, souplesse, rationalité...) et d'assertivité (rapport à soi et aux autres équilibré, à l'inverse du rapport de force). Les éclaireurs, les verts bâtisseurs et les bio beaux présentent bien ce profil.
À l’inverse, ceux qui – comme les consophages, les perméables et les minimiseurs – ont davantage un fonctionnement rigide dû à : un état d’esprit routinier ("mode mental automatique"), des blocages sociaux (complexes, tabous, gêne sociale…), une tendance à être "addict", ils sont inquiétés par l’information "alarmiste" ou la surinformation.
Pour Jacques Fradin, la communication en faveur du DD devra "susciter l’ouverture d’esprit en favorisant le recrutement du mode mental adaptatif, prévenir les tendances addictives (au lieu de les encourager) et être plus personnalisée en jouant, tour à tour, sur les motivations profondes des différents profils de personnalité."
L'exemple de Fleur de Colza
David Garbous, directeur du marketing de Lesieur, rappelle la belle histoire de Fleur de Colza et son exemplarité dans le ciblage des typologies de DD. Née en 2004, Fleur de Colza, huile d'origine française, a été relancée en 2010. Sa communication s'est inscrite en 2011 dans la nouvelle stratégie de Lesieur, déclinant le "je veux tout". "Le média télévision était efficace mais pas suffisant, explique David Garbous. Aussi, nous avons travaillé avec Aegis Media sur l'utilisation du support presse." Une campagne presse est donc sortie en 2012, mettant en scène les producteurs de colza travaillant avec Lesieur. Deux copy stratégies ont été testées. L'une descriptive (500 agriculteurs s'engagent), l'autre plus impliquante, (Fier de faire partie...). La seconde a été choisie. Elle a a permis, outre un fort agrément (108) de booster le GRP (132 vs 113) grâce à une surcouverture sur la cible affinitaire. Quels résultats sur les ventes ? "Alors que nous étions à -9 % avant la campagne, nous avons fini à +6 % après", répond David Garbous.
L'Ademe : la place de l'environnement dans l'opinion est en baisse
Tout n'est pas rose dans le monde du vert. "Nous constatons une baisse des préoccupations des Français envers l'environnement depuis trois ans, constate Chantal Derkenne (direction recherche et prospective, service économie et prospective de l’Ademe). Le chômage et la crise en sont la cause. Quand l'économie va bien, le DD monte. Quand l'économie va mal, il baisse.Les consommateurs ont envie qu'on leur parle du futur en positif. Il faut leur parler plaisir, prix, santé et local (lié à l'emploi)".
Serge Papin : "une recherche de sens"
Sytème U, quatrième enseigne française vient d'inaugurer dans la Haute-Vienne, à Aix-sur-Vienne, un Super U "responsable" et éco-conçu. Pour Serge Papin, p-dg de Système U, depuis le Grenelle de l'Environnement en 2007, les comportements ont changé : "Les consommateurs ont acquis une lucidité nouvelle. Ils votent avec leur caddie ! Nous sommes dans la recherche de sens. Trois grands thèmes se développent : la mise en avant du local (enseigne franco-française, Système U favorise l'économie résidentielle, "le commerce qui profite à tous" ; la prise d'engagements forts pour des produits sains ; un rapport différent sur les prix. La rentabilité est un équilibre difficile. Les distributeurs se battent pour être moins chers sur le Nutella ou le Coca-Cola (sur lesquels ils ne gagnent pas d'argent) alors qu'ils margent sur les produits des PME ! On marche sur la tête ! La nectarine du Roussillon finance la démarque de prix de Nutella. La compétitivité sur les prix doit se faire sans écarter les uns par rapport aux autres".
Comment changer les comportements ? La réponse de Serge Papin : "En développant les initiatives et en arrêtant de considérer les produits bio et durables comme des marchés ne niche. Nous vendons ainsi 15 millions de litres de lait bio U provenant de 800 producteurs locaux, ce qui représente 5 % des volumes de lait vendus dans nos magasins. Un lait bio vendu à 99 centimes d'euros, un prix tout à fait raisonnable. L'ensemble de la chaîne de valeur est respecté. Il faut être dans la transparence".
.