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Aéroport de Paris : "Nous voulons faire vivre aux passagers un moment mémorable"

Publié par Floriane Salgues le | Mis à jour le

À la tête de la direction marketing du Groupe Aéroport de Paris (ADP) depuis 2021, Caroline Blanchet a une obsession : faire des terminaux aéroportuaires des lieux d'expériences mémorables. Pour y parvenir, la CMO a lancé Extime, marque de retail et d'hospitalité d'ADP, qui a fêté son premier anniversaire en février 2024. Rencontre avec la Personnalité marketing 2023.

Emarketing.fr : Vous avez été désignée par nos lecteurs Personnalité marketing de l'année 2023. Qu'est-ce que ce prix représente ?

Remy Deluze

Caroline Blanchet : C'est une belle récompense professionnelle, mais je crois que la personne la plus fière, c'est ma fille. Elle m'a donné comme consigne de rapporter le trophée à la maison, et il trône actuellement dans la bibliothèque de sa chambre. Nos enfants font partie de notre vie professionnelle ; ils s'adaptent à nos contraintes, aux retours tardifs chez soi après le travail, aux emplois du temps qui changent. Ce trophée redonne finalement du sens à cette vie à 2 000 à l'heure que nous leur imposons parfois.



Vous avez rejoint le Groupe Aéroport de Paris (ADP) en 2019 avec comme feuille de route de mettre "l'hospitalité" au coeur de l'expérience en aéroport. Qu'est-ce que cela signifie ?

C. B. : Nous avons mené des études qui démon­trent qu'il y a deux temps importants pour les passagers dans les aéroports. Le temps de la zone publique, pendant lequel les voyageurs enregistrent leurs bagages, passent les contrôles de sécurité et de police aux frontières (pour les vols internationaux). Ce temps-là est souvent perçu par les clients comme stressant. Le deuxième temps est celui de l'attente en salle d'embarquement avant de pouvoir s'installer dans l'avion. Comment occuper ce temps suspendu, qui dure en moyenne 2 heures ? L'idée nous est venue comme une évidence qu'il fallait faire vivre aux passagers, à ce moment-là, une expérience hors du temps, mémorable. C'est avec cette ambition que nous avons créé la marque de retail et d'hospitalité Extime, en février 2023, dont le nom est à la fois une contraction d'"extraordinary time", d'"excellent time" ou d'"extra time". C'est-à-dire un temps en plus pour les passagers, pour que leur voyage soit une fête.

Quelles expériences proposez-vous au travers d'Extime ?

C. B. : Nous avons revisité le terminal 1 de l'aéro­port de Paris-Charles-de-Gaulle sur le modèle des "boutiques-hôtels". Une fois les contrôles passés, le passager est accueilli par un maître de maison - l'équivalent d'un directeur d'hôtel - et son équipe. Son rôle est d'incarner l'état d'esprit du lieu et de fédérer la communauté aéroportuaire qui travaille pour Extime (et qui se décline en plusieurs joint-ventures et métiers) mais, aussi, d'être, pour les clients, le maître du temps qu'il leur reste avant l'embarquement. Il va ainsi les conseiller et les guider, à l'image d'une conciergerie de luxe, vers du shopping, de la restauration ou du divertissement, par exemple.

ADP / Karel Balas



Via la société commune Extime Duty Free, nous proposons le meilleur de l'art de vivre à la française (parfums, cosmétiques, mode, gastronomie), la personnalisation des produits, comme la gravure d'un flacon de cognac, l'accès à une cave à cigares et à une cave de grands crus de vins et de champagnes, avec l'accompagnement d'un sommelier ou, encore, la mise à disposition d'un barbier et d'un make-up artiste. Extime Food & Beverage regroupe quant à elle notre offre de restauration rapide (McDonald's, Starbucks) ou gastronomique (avec le Bistrot Benoit du chef Alain Ducasse). Enfin, Extime Lounge propose un accès à un espace plus confidentiel, pensé comme un appartement parisien. Ouvert, pour un prix à partir de 65 euros, aux passagers de toutes les compagnies, ce lounge a la particularité de disposer d'une terrasse ouverte sur l'extérieur.

Votre ambition a aussi été de démocratiser le confort dans la salle d'embarquement ?

C. B. : Oui, nous avons souhaité transformer l'expérience des passagers dans la salle d'embar­quement pour qu'ils bénéficient du même confort que dans un lounge. Pour réaliser la salle d'embar­quement du terminal 1, nous avons sélectionné Maxime Liautard et Hugo Toro. Ces deux designers français se sont inspirés de l'ambiance des années 1920 du livre Paris est une fête d'Ernest Hemingway. Les sièges, fauteuils ou canapés sont en cuir. Le laiton, matériau caractéristique des bistrots parisiens, est à l'honneur. L'ambiance rappelle celle du mythique restaurant La Coupole ou du train de luxe Orient-Express . Côté fonctionnalité, chaque siège est équipé de prises électriques. Un lounge pour bébés est accessible gratuitement, ainsi qu'un cinéma pour les enfants, une agora pour la diffusion d'événements sportifs, deux pianos à queue, des Playstation PS5 avec de nouveaux jeux vidéo, des baby-foot, des jeux de plateau ou encore, un Photomaton.

ADP / Karel Balas


Extime a fêté son premier anniversaire le 2 février 2024, quel bilan dressez-vous ?

C. B. : Après un an de recul sur ce projet, nous avons en main des indicateurs sur la qualité de service perçue et sur la mémorisation de l'expérience. Globalement, nous avons des retours très positifs. Les clients sont agréablement surpris par le décorum et par l'éventail de l'offre proposée, qui répond à leurs usages. En 2023, Roissy-Charles-de-Gaulle a été élu meilleur aéroport d'Europe pour la 2e année consécutive par l'organisme indépendant britannique Skytrax. Cela nous oblige à maintenir une qualité de service. Nous sommes d'ailleurs en constante courbe d'apprentissage : nous requestionnons le choix des matériaux qui, pour certains mobiliers, s'abîment plus vite que nous le pensions ; nous faisons tomber nos préjugés en observant que les jeux vidéo que nous pensions dédiés aux adolescents sont plutôt utilisés par de jeunes adultes. Nous passons beaucoup de temps dans les terminaux à écouter ce que disent les passagers, à observer leurs comportements, pour nous améliorer.

Le concept d'Extime a ainsi vocation à s'exporter dans d'autres terminaux ?

C. B. : Dès la création de la marque, nous avons réfléchi à ce que son nom se prononce en anglais et soit compréhensible de tous. Déployé en pilote à Paris, Extime a vocation à se franchiser et à essaimer dans des aéroports internationaux, en priorité en Amérique et en Asie. Nous sommes encore à la phase de réflexion. L'idée est que cette marque, standard dans ses fondements et ses valeurs, ­s'exprime localement. Elle doit raconter une histoire qui fait sens dans le lieu où elle est présente et avoir un sourcing de partenaires locaux pour l'accompagner et éviter de tomber dans des représentations clichées. Pour Charles-de-Gaulle, nous avons ainsi choisi, après concours et appel d'offres, des designers français pour exprimer au mieux la Ville Lumière et des opérateurs certifiés de la région parisienne, partenaires industriels champions dans leur catégorie, qui travaillent sous la bannière Extime à l'instar de JC Decaux pour la régie publicitaire (Extime Media), de Lagardère Travel Retail pour Extime Duty Free et Extime Travel Essentials et de SSP pour Extime Food & Beverage.

Comment travaillez-vous la fidélisation des clients ?

C. B. : Nous avons lancé, au premier semestre 2023, le programme de fidélité Extime Rewards, qui nous permet de continuer la relation avec chacun des clients passés à l'aéroport, en les comprenant mieux et en leur adressant les meilleures offres, en adéquation avec leurs passions, ou du contenu pour préparer leur prochain voyage. 1,8 million de personnes font, à date, partie du programme relationnel. Les membres d'Extime Rewards gagnent des points lors de leur passage dans le duty free, les établissements de restauration ou, encore, sur la marketplace Extime.com lancée aussi en 2023. Ils bénéficient d'avantages spécifiques et exclusifs : de -10 % sur la beauté à des expériences plus VIP, comme l'accompagnement par un personal shopper ou par une conciergerie (Meet & Greet by Extime) qui peut, par exemple, attendre le passager au dépose-minute et l'accompagner jusqu'à son vol.

Pour revenir sur la marketplace, comment vous aide-t-elle à faciliter l'expérience client ?

C. B. : La marketplace, et le digital plus large­ment, nous permettent d'anticiper cette phase d'attente. À travers la plateforme d'e-commerce, les passagers peuvent réserver en amont un parking ou commander les produits en duty free qui les intéressent - et s'assurer ainsi de leur disponibilité - avant de les récupérer en click and collect au plus proche de leur porte d'embarquement, dans leur terminal de départ. Extime.com a vocation à répondre à deux usages principaux : gagner en efficacité, pour les personnes qui ne disposent pas de beaucoup de temps avant leur vol, et gagner en sérénité pour les personnes qui veulent rapporter des souvenirs précis. La marketplace s'enrichit au fur et à mesure de nouvelles offres et partenariats, comme l'intégration de prestations de voyage (achat de billets d'avion ou de packages d'hôtels).

Avez-vous prévu des campagnes de communication autour d'Extime ?

C. B. : Nous travaillons actuellement sur ce sujet avec nos partenaires. Contrairement à un grand magasin ou un hôtel, notre enjeu n'est pas de faire venir, puisque les voyageurs passent forcément par l'aéroport. Nous allons donc mettre l'accent sur l'expérience qu'il est possible de vivre à l'aéroport, et pourquoi les passagers sont spéciaux pour nous. La toute première campagne de communication Extime devrait voir le jour sur le premier semes­tre 2024 avec un déploiement in situ et en digital.

2024 est une année importante pour la France, avec l'organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Comment vous préparez-vous à l'afflux de voyageurs "atypiques" ?

C. B. : Le Groupe ADP est partenaire officiel des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, avec cette chance d'être à la fois un partenaire d'image, mais, aussi, et surtout, un partenaire qui va vivre les Jeux et faire vivre les Jeux. Pour un certain nombre de personnes, l'aéroport va être leur première et leur dernière expérience des JO. C'est une grande responsabilité pour nous et en même temps une vitrine pour montrer à quel point l'hospitalité nous tient à coeur. Notre premier enjeu est de s'assu­rer de la fluidité du parcours avec, évidemment, un trafic qui va être très resserré autour de la cérémonie d'ouverture des JO, le 26 juillet, et de la cérémonie de clôture, le 11 août. Nous n'aurons pas plus de trafic au global (1) , mais nous allons devoir faire face à des pics d'accueil, avec des spécificités liées à une typologie très différente de passagers : touristes, délégations sportives, officiels, médias. Nous avons notamment un sujet autour des bagages qui ne sont pas standards, puisque les athlètes transportent leurs matériels qui sont parfois hors norme (perche, fleuret et épée ou canoës-kayaks). Pour les Jeux paralympiques, nous devons aussi veiller à ce que le parcours passager soit adapté aux personnes à mobilité réduite (PMR). Aujourd'hui, il n'est pas possible de passer un portique de sécurité avec votre fauteuil roulant sans déclencher le signal du détecteur de métaux. Nous devons nous adapter, faire évoluer les infrastructures de sécurité, notamment, et inscrire ces avancées dans la durée.

Quelles expériences imaginez-vous pour cet événement des JO et JP ?

C. B. : Les terminaux vont se mettre aux couleurs du Look of the Games (l'identité visuelle qui accompagne spectateurs, sportifs, bénévoles, et tous les acteurs des Jeux pendant la compétition, NDLR). Des fans zones vont également être déployées dans toutes les salles d'embarquement pour suivre les compétitions sur des écrans et être dans l'ambiance des Jeux. Nous organisons également des défis pour nos passagers et pour nos clients qui ne voyagent pas forcément durant la période des JO et des JP afin de leur faire gagner des places pour assister aux épreuves sportives. Enfin, nous devons faire en sorte que la compétition soit aussi une fête pour la communauté aéroportuaire. Nous allons mettre en place de nombreux challenges sportifs avec à la clé des centaines de places à gagner pour les JO.

(1) Les aéroports d'ADP ont désormais retrouvé 98,7 % du trafic de 2019, soit plus de 336 millions de passagers. Concernant les seuls aéroports parisiens, le trafic est en hausse de 15,1 % à 99,7 millions de passagers.

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