Mélanie Carron revient sur ses 100 premiers jours à la direction marketing de Paris Aéroport
Publié par Clément Fages le - mis à jour à
Mélanie Carron a quitté Ibis au printemps dernier pour diriger le marketing stratégique de Paris Aéroport. Qu'a-t-elle découvert lors de sa prise de poste ? Qu'a-t-elle déjà mise en oeuvre ? Et quels sont ses projets pour la suite ?
Depuis 2014 et jusqu'au printemps dernier, Mélanie Carron dirigeait le marketing d'Ibis, marque du groupe AccorHotels. Face à l'intensification d'une concurrence menée par Airbnb et une multitude de services en ligne, elle s'est attelée au renouvellement de l'expérience offerte par l'hôtelier afin de séduire les millennials et autres "airbnb natives". "Chez Ibis, il fallait chercher ce qui poussait un client à privilégier un Airbnb à notre offre. L'hôtellerie doit se réinventer, tout en surmontant l'inertie et la lourdeur propre à un secteur traditionnel. La question est la même dans l'aéroportuaire." Une problématique similaire à celle rencontrée explique celle qui a été approchée au printemps dernier pour prendre la tête de la nouvelle direction marketing stratégique du groupe.
J-1. "Paris Aéroport cherchait quelqu'un issu de l'hôtellerie"
Mélanie Carron n'a pas hésité quand Paris Aéroport s'est manifesté: "le projet était irrésistible : c'est une création de poste. Il faut définir une vision de ce que sera l'expérience client que nous offrirons dans dix ou quinze ans. Et alors que nous allons construire un nouveau terminal, c'est une occasion unique de partir de zéro. Le p.-d.g. Augustin de Romanet a l'intuition que, comme les hôtels, les aéroports doivent être des lieux de vie. Pour cette raison, ils cherchaient quelqu'un issu de l'hôtellerie. Et mon plus, c'est que chez AccorHotels, j'ai travaillé sur toutes les marques, aussi bien économiques que de luxe. Or l'aéroport accueille également toutes les CSP..." Autre élément qui joue en sa faveur: "de par son rôle dans l'aménagement du territoire et dans la mobilité, l'aéroport me fascine depuis que j'ai étudié l'économie urbaine à l'ESSEC. Et au-delà de mon expérience dans le tourisme et le voyage chez AccorHotels, j'ai personnellement beaucoup voyagé et vécu à l'étranger", explique l'ancienne consultante de Deloitte à Mexico.
Jour J. " Plus l'on échange avec ses collègues en amont, plus c'est simple "
Une prise de fonction se travaille longtemps en amont, ne serait-ce que pour s'aligner avec la stratégie de sa future organisation: "Je me suis beaucoup documenté, en suivant notamment les interventions d'Augustin de Romanet. C'est important lors de ce genre de prise de poste de bien comprendre la vision de la direction et l'impulsion qu'elle compte donner à l'entreprise." Mais la préparation ne s'arrête pas là: le Jour J, on découvre le fonctionnement de l'entreprise, ses collègues et ses équipes, les dossiers en cours... De quoi être rapidement dépassé faute d'anticipation. "J'avais déjà déjeuné avec certains membres de mon équipe avant la prise de fonction afin de commencer à réfléchir à nos premières actions... C'était impensable de les rencontrer au moment de la prise de poste ! Plus l'on échange avec ses collègues en amont, plus c'est simple." Une préparation qui permet de se focaliser sur l'essentiel, à savoir la mise en place de son management: "ADP est une entreprise traditionnelle, avec un management établi de longue date. Il faut créer une dynamique qui favorise la collaboration. Ma responsabilité managériale, c'est ma priorité : une feuille de route géniale sans équipe pour la faire vivre ne sert à rien. C'est un engagement constant, qui va au-delà des premiers jours." Études, design du parcours client, création de nouveaux services et analyse de la satisfaction sont les dénominations des quatre équipes sous la responsabilité de Mélanie Carron.
J+50. "J'ai mis du temps à appréhender les particularités du secteur"
La satisfaction client est en effet le principal indicateur de la performance de Mélanie Carron: "C'est un de nos principaux KPI. Nous ne raisonnons pas en part de marché. La satisfaction est un indice qui permet de nous comparer avec d'autres aéroports. En aéroportuaire, la notion de concurrence est très différente de ce que j'ai connu auparavant. On ne choisit pas un aéroport comme on choisit une destination ou une compagnie. Le premier découle des deux autres. Le marketing de l'aéroport n'est qu'une question d'expérience client: elle doit être la meilleure possible, puisque nous sommes un passage obligé dans le parcours d'un voyageur. Nous nous battons contre nous-même. J'ai mis du temps à appréhender ces particularités." Pour se faire, elle passe énormément de temps sur le terrain, à parler avec les opérationnels ou à étudier la concurrence. "Si je devais par exemple revivre mes 100 premiers jours chez Ibis, j'irais plus sur le terrain. J'ai eu très peu de temps pour ça à l'époque, et j'ai appris qu'en marketing, il faut être le plus au fait des problématiques opérationnelles."
J+100. "Les aéroports offrent tous la même expérience, il y a matière à nous différencier"
Trois mois après sa prise de fonction, quelles actions ont été menées par Mélanie Carron? "Le secteur aéroportuaire est très normé, il est difficile de mettre en place des actions visibles rapidement. J'ai organisé de nouvelle façon d'aller vers le client, de dialoguer avec les passagers mais aussi avec l'ensemble des acteurs de l'industrie. Je commence maintenant à travailler l'aspect parcours et design de l'expérience client, mais aussi à me pencher sur les éléments qui influencent l'indice de satisfaction client." Ce travail a permis à la directrice marketing de se forger une vision assez claire de ce qu'elle doit mettre en place. "Que va retenir un passager lorsqu'il monte dans son avion? Il faut que ce soit mémorable et estampillé "Paris Aéroport". C'est ma mission. Les aéroports offrent tous la même expérience, il y a matière à nous différencier. Décloisonner les espaces, multiplier les usages dans un même lieu, qu'il s'agisse de travailler, de se divertir ou de se nourrir... Nos passagers passent 2 à 3h en moyenne dans l'aéroport, et parfois 6, 7 voire 8 heures lors des correspondances. Ce sont de vraies tranches de vie et il faut en faire des moments où le passager se sent plus hôte qu'otage."
J+200. "Garder cette fraicheur, cette capacité à s'étonner et à se questionner"
Le but est de formaliser d'ici à la fin de l'année un projet d'expérience client idéale à partir de ces données socio-démographiques et comportementales et de ces éléments de benchmark. Il faut prendre son temps car nous construisons des infrastructures pour les cinquante prochaines années. Après viendront la feuille de route et le plan d'action. Au-delà de ces éléments, Mélanie Carron identifie une autre problématique: "j'ai été recrutée pour avoir un oeil neuf sur ce qui se fait, parfois depuis des années. Tout l'enjeu est de garder cette fraicheur, cette capacité à s'étonner et à se questionner sur ce que l'on fait. Mais comme je l'ai dit, j'ai toujours été attirée par le secteur. Ça aide à garder un certain enthousiasme et à s'immerger dans ces problématiques. S'il y a une chose qui ne change pas, c'est qui vous êtes. Dans une prise de poste, tout est neuf et riche. La clef est de réussir à insuffler qui vous êtes, son oeil et son expérience, sans oublier son envie de grandir et de relever de nouveaux défis."
Les conseils pour bien débuter:
- Quand on découvre un secteur, il faut être confiant dans ses capacités mais humble vis-à-vis de ce qu'on ignore.
- C'est en allant sur le terrain et en rencontrant ses équipes en amont qu'on se familiarise avec de nouveaux enjeux.
- L'important est de garder un oeil neuf sur ce que l'on fait, tout en laissant son expérience et son intuition s'exprimer.
Pour aller plus loin:
[Trophées Marketing 2017] Mélanie Carron (Ibis) amène les millennials à l'hôtel