Les chatbots, Docteur Jekyll ou Mister Hyde?
Publié par Jean-David Benichou (ViaDialog) le - mis à jour à
Si les agents conversationnels demeurent pour l'instant cantonnés à des tâches simples, qu'adviendra-t-il lorsqu'ils seront capables de comprendre les complexités du langage et de la communication? Analyse de Jean-David Benichou, p-dg de ViaDialog.
"Dialoguer" avec un chatbot c'est un peu comme discuter avec un enfant de dix ans: la compréhension et la restitution des questions sont correctes, mais les réponses sont stéréotypées et automatiques. Aucun problème pour obtenir une information précise à une demande telle que "Quelle heure est-il?" ou bien "Quel temps fera t-il à Paris?" mais inutile d'attendre une trait d'esprit pertinent en lançant "Quel serait le meilleur président pour la France?" ou "L'énergie nucléaire a-t-elle un avenir?"
Pourtant, l'idée de poser des questions plus ou moins farfelues à Siri, Cortana ou Google Now traverse souvent nos esprits avec l'espoir de recevoir une réponse originale et inattendue à partager joyeusement sur les réseaux sociaux. La plupart des utilisateurs ont vite adhéré au services fournis par les assistants virtuels. Grâce à leur rapidité d'exécution, leur disponibilité permanente, leur humeur constante, ils sont devenus de fidèles secrétaires pour toutes les tâches basiques avec leurs calendriers, leurs notes, leurs séances de cinéma, leurs horaires de transport ou encore la météo et les résultats sportifs.
Les chatbots ne fournissent que des réponses figées
Si le niveau académique des chatbots devait être évalué, on estimerait donc qu'ils viennent d'entrer au collège. En ce sens, les agents conversationnels ont la capacité d'assimiler, de résoudre et de restituer. Ils sont aptes à traiter des questions fermées, précises, directes et non-équivoques, et à y fournir des réponses spécifiques. Les dialogues normés sont leur domaine d'expertise.
En revanche, dès lors que l'on entre dans le domaine des questions ouvertes, à plusieurs sens et susceptibles d'entraîner plusieurs réponses, les bots n'ont pas encore été doté des facultés adaptées pour répondre. Une question à tiroir et à signification équivoque requiert une capacité d'analyse et de décodage très importante. Dans le dialogue automatisé, ces questions sont actuellement traitées par des agents humains, qui prennent le relais des bots. C'est le cas, lorsque l'on fait une réservation avec des choix conditionnels et des paramètres implicites.De même lorsque l'on tente d'avoir une conversation libre sur des sujets d'actualité, où la part de l'émotion et de l'affect est aussi importante que celle des faits.
Pour les entreprises, les chatbots sont déjà une option crédible pour fournir du support automatisé sur des parcours clients bien définis. Le centre de contact de Apple apporte déjà une excellente expérience dans ce domaine, utilisant Siri pour collecter vos informations et qualifier votre besoin, avant de basculer l'appel ou la session de chat à un opérateur humain qui vous assistera pour régler votre problème.
Le passage à une intelligence synthétique
D'ici à quelques années, lorsque nos chatbots entreront au lycée, nous ne nous étonnerons plus de solliciter leurs "conseils" sur des sujets divers et variés, allant de l'architecture à la médecine. Le cloud computing va doper l'intelligence artificielle à base de réseaux de neurones, la croissance exponentielle des capteurs digitaux qui nous entourent va leur fournir des yeux et des oreilles toujours actifs et la modélisation de pans entier du savoir les rendra omniscients. On passera ainsi d'un agent conversationnel qui sait lire et écrire à une intelligence synthétique qui aura appris à "penser" de manière transversale et à postuler.
Cette hypothèse est si vraisemblable que les entreprises les plus avancées sur ce domaine se regroupent pour définir un code éthique de l'intelligence artificielle, conscientes du risque qui pèse sur notre vénérable intelligence biologique. Car il nous appartient de définir aujourd'hui si les chatbots seront demain Docteur Jekyll ou Mister Hyde.
Jean-David Benichou est le fondateur et p-dg de ViaDialog, entreprise spécialisée dans les solutions multicanales de gestion de la relation client. Serial entrepreneur, ce diplômé de l'Institut supérieur de gestion (ISG) de Paris a créé ou investi dans une trentaine d'entreprises du numérique et des télécoms.
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