[Tribune] "Il faut réunir commerce en ligne et en magasin"
Publié par La rédaction le - mis à jour à
Les achats en magasin sont de retour et cela représente une opportunité pour les e-commerçants, explique Sarah Rolland, Regional Manager France d'AppsFlyer, qui constate notamment l'essor des QR Codes.
Près de deux ans après que les rues commerçantes ont été paralysées par la pandémie, les achats en magasin sont de retour en force. Les acheteurs affluent vers les magasins non pas simplement en raison de la nouveauté de pouvoir y retourner mais à cause des conditions économiques qui affectent de nombreux pays d'Europe. Ces difficultés fournissent de nouvelles raisons aux clients de se déplacer plutôt que de se servir de leur téléphone.
Les consommateurs veulent voir ce qu'ils achètent, selon Linda Ralph, SVP International chez Mood Media. Ces derniers "se ruent" vers les magasins également pour bénéficier de la possibilité de repartir immédiatement avec leur achat plutôt que d'avoir à payer pour la livraison en ligne et attendre chez eux l'arrivée du colis.
Il serait commode d'analyser cette augmentation des achats en magasin et les raisons qui l'expliquent et de supposer qu'il s'agit d'une mauvaise nouvelle pour le secteur du commerce électronique. Cependant, en regardant de plus près, on découvre une multitude d'opportunités pour l'e-commerce de capitaliser sur la croissance des achats physiques.
Plusieurs grandes marques profitent déjà de ces opportunités - nous nous intéresserons ici aux mesures qu'elles adoptent, comment elles le font et combien cela leur rapporte.
Le mobile est de plus en plus intégré à l'expérience en magasin
Les achats en magasin sont en hausse, tout comme les applications de shopping : rien qu'en France, les consommateurs ont passé 770 millions d'heures dans les applications de shopping l'année dernière, une hausse de 8,5 % par rapport à l'année précédente. Dans le monde, ce chiffre s'élève à 110 milliards d'heures.
Les consommateurs ne considèrent pas les achats en ligne et en magasin de manière binaire. Ils désirent que ces deux expériences soient intégrées. Un exemple en est le modèle "acheter en ligne, retirer en magasin", qui leur permet de choisir et commander en ligne et de récupérer leurs achats dans un magasin à proximité.
Les marques s'en rendent compte et veillent à ce que leurs applications soient utiles chaque fois que leurs clients se trouvent en magasin, tout en encourageant ces derniers à se connecter. Le fait de disposer d'une expérience complémentaire en ligne participe à maintenir le client au sein de l'écosystème de la marque, favorise sa fidélité et est susceptible de générer une augmentation des revenus. Une étude de McKinsey montre que plus une entreprise dispose de plusieurs canaux, plus elle gagne de parts de marché.
L'utilisation du QR code monte en flèche
Les QR codes existent depuis 1994, même s'il leur a fallu environ une décennie - et l'avènement du téléphone doté d'appareil photo - avant de trouver une utilisation sérieuse dans le commerce. Les QR codes sont en vogue : en France, le taux de connaissance des QR codes s'élève à 89 % et leur taux d'utilisation à 53 %. Selon une étude récente de Statista, le pourcentage d'utilisateurs de smartphones ayant scanné un QR code a connu une augmentation de 26 % au cours des deux dernières années. eMarketer prédit que le nombre de scans de QR codes évoluera de 19 % d'ici 2035, soit une hausse de 100 millions de scans par rapport à 2022. En 2020, l'utilisation des QR codes aux États-Unis a connu une croissance stupéfiante, de 25 % par an. Environ 53 millions d'utilisateurs ont scanné un smartcode aux États-Unis en 2019 ; 83,4 millions en 2022.
La pandémie a joué un rôle à cet égard, en favorisant l'adoption des paiements et des commandes sans contact dans le commerce et l'hôtellerie. Désormais, les QR codes sont utilisés pour soutenir l'expérience d'achat en magasin par d'autres moyens innovants qui vont au-delà du flux traditionnel offline-application.
Un géant de la grande distribution français souhaitait accélérer l'adoption de son application par ses millions de clients physiques. Cette stratégie a débuté avec le lancement d'un jeu-concours qui consistait à scanner les QR codes en magasin afin de gagner l'un des lots en jeu. Cette campagne a eu un impact positif en matière d'engagement et de téléchargements de l'application avec une croissance d'entre 20 % et 30 % et des installations non organiques et + 300% d'engagement pendant la période de la campagne.
De nombreuses marques utilisent désormais des QR codes uniques sur différents points de contact dans leurs magasins et leurs produits. Cela indique non seulement à la marque d'où vient le client (par exemple, quel type de produit il consultait en magasin au moment de la numérisation), mais permet également aux marques de proposer une expérience d'achat plus personnalisée qui stimule la fidélité des clients et génère des revenus.
Cela favorise également une expérience fluide entre le magasin et l'application. La marque de vêtements H&M utilise des QR codes dans les vestiaires, les points de vente et dans les vitrines pour diriger les clients vers la partie correspondante de l'application H&M. Un espace de l'application dédié au magasin permet aux consommateurs de réserver des cabines d'essayage, de localiser des produits dans la boutique, d'enregistrer un reçu digital et de collecter des points de fidélité sur leurs achats, le tout depuis leur mobile.
Les marques d'e-commerce s'installent dans le monde physique
Les QR codes ne sont qu'un outil parmi d'autres que les marques utilisent dans le cadre d'une stratégie marketing omnicanal plus large. L'utilisation de ses propres médias est en augmentation à mesure que les entreprises de commerce électronique cherchent à tirer parti de tous les actifs à leur disposition.
Nous observons désormais des marques pure players e-commerce aller plus loin et ouvrir leurs propres magasins physiques ou éphémères pour compléter leur présence en ligne - plutôt que l'inverse.
La marque de mode Sézane a été fondée sur internet en 2013. En 2015, elle ouvre sa première boutique, appelée "l'Appartement", à Paris. Il s'agit d'un développement rapide pour une entreprise qui a à peine dix ans. Il reflète la tendance plus large des marques d'associer leur expérience de commerce en ligne avec leurs magasins physiques.
Les marques déjà bien implantées physiquement ne sont pas en reste : Decathlon a investi 20 millions d'euros pour rénover 30 magasins en 2022. En 2023, 37 points de vente supplémentaires auront été modernisés. Le retailer se sert de la réalité virtuelle pour agrandir ses rayons et ainsi pallier le manque de place. La technique a été testée sur les rayons tentes afin d'aider les vendeurs à présenter quatre modèles différents dans trois décors (montagne, forêt et désert). Les utilisateurs peuvent ainsi découvrir les caractéristiques des produits à taille réelle dans un décor virtuel très proche de la réalité.
Sezane et Decathlon ont emprunté des chemins opposés mais sont arrivés à la même destination omnicanale. Ces marques ont compris que l'e-commerce et les achats en magasin ne devraient pas exister comme des parties distinctes d'une même activité, mais comme un écosystème de vente homogène qui offre une expérience d'achat améliorée à leurs clients.
Principaux enseignements
Les achats en magasin sont de retour et les marques d'e-commerce ont compris qu'il s'agit d'une bonne nouvelle pour l'industrie et non d'un obstacle. Investir dans une meilleure expérience d'achat pour ses clients, en garantissant que l'application mobile d'une marque prenne en charge l'expérience en magasin et vice-versa, portera ses fruits :
? Les marques innovantes veillent à ce que le mobile soit intégré à l'expérience en magasin, avec une multiplication d'applications de fidélisation qui récompensent les clients pour leurs achats en ligne et hors ligne.
? L'utilisation des QR codes a augmenté rapidement, les marques les déployant à différents points de contact au sein des magasins pour inciter les utilisateurs à se connecter, obtenir des informations sur leur comportement et les performances des magasins, et pour offrir des parcours utilisateur fluides entre ces canaux.
? Les marques purement e-commerce s'investissent dans les magasins physiques dans le cadre d'une stratégie marketing omnicanale plus large qui reconnaît l'évolution du comportement des consommateurs, ce qui permet aux marques de gagner une plus grande part de marché et d'accroître la fidélité des consommateurs.
? Les marques déjà présentes physiquement redoublent d'efforts en investissant davantage dans leur approche omnicanale.
L'auteure : Sarah Rolland, Regional Manager France d'AppsFlyer. Sarah Rolland a évolué chez AppsFlyer depuis 15 ans dans les rôles d'account manager et de customer success manager avant d'assumer des postes managériaux ces cinq dernières années. Elle cumule plus de dix ans d'expérience dans les solutions SaaS d'attribution mobile, d'analytics et de protection contre la fraude au service des marques et de l'écosystème du marketing digital. Sarah Rolland dispose d'un bachelor en Business Administration et d'un master en Marketing et Communication de l'École Supérieure de Gestion et de Commerce International de Paris (Groupe ESG).