Patrice Bergen, président du Syntec Études Marketing et Opinion
Publié par Francois ROUFFIAC le
Nouveau président du Syntec Études Marketing et Opinion, Patrice Bergen, directeur général délégué d'Ipsos, entend poursuivre la valorisation du métier des études auprès de ses différents publics.
Le Semo est, chaque année davantage, le témoin de l’élargissement du marché des études à de nouveaux acteurs, différents des instituts "traditionnels". Comment le Syntec EMO appréhende-t-il cet élargissement ? Et comment compte-t-il se positionner auprès de cette "famille élargie" ?
Il est vrai qu'il existe de plus en plus d'acteurs, notamment dans le domaine du recueil et du traitement de la donnée. Le Syntec Études Marketing et Opinion, qui est déjà fort de plus de soixante adhérents, a une vocation de rassemblement et d'écoute. Nous sommes donc prêts à accueillir de nouveaux membres. Tout en sachant que nous sommes aussi les "gardiens du temple", les gardiens de l'expertise. Et que cet accueil ne peut se faire que sous certaines conditions, déontologiques, éthiques… Car aujourd'hui, il faut se poser la question de la légitimité des instituts face à la banalisation des techniques de recueil. Tout le monde, entreprises, médias… "fait du sondage". Et le consommateur lui-même dispose d'une grande variété de canaux pour s'exprimer sans même avoir été sollicité. Nous, instituts, nous ne pratiquons pas qu'un métier de "sondage". Nous sommes là pour interpréter les données, analyser les réponses, sachant que les annonceurs attendent de plus en plus de nous des recommandations. Notre rôle est d'être très rigoureux sur la qualité de l'information recueillie et en même temps très innovants dans nos techniques. Or, l'innovation vient souvent des nouveaux acteurs Donc, sachant que l'avenir est notre devenir, nous sommes tout à fait favorables à l'élargissement, mais tout en conservant des fondamentaux de rigueur et d'interprétation.
La baisse du marché, prévue pour 2009, et la pression sur les prix pratiquée par les annonceurs, notamment via leur service achats, risquent d'avoir des conséquences sensibles sur la santé financière des instituts. Dans ce cadre, quel doit être le rôle du syndicat et quelles actions allez-vous développer ?
Effectivement, la crise économique ne nous a pas épargnés, alors que l'on pensait que les études étaient une activité plutôt contre-cyclique. Le premier quadrimestre 2009 a été marqué par une baisse sensible de l'activité : absence de commandes, reports, non-réponses… Mais il semble que, depuis la deuxième quinzaine de septembre, on assiste à un redémarrage dans tous les secteurs, quanti comme quali. Est-il simplement conjoncturel, compte tenu de l'approche de la fin d'année, ou est-ce le vrai signe d'une reprise ? Il est évidemment difficile de répondre, mais on peut dire que, probablement, la baisse du marché sera inférieure à deux chiffres.
Cela dit, les résultats 2009 de nos entreprises devraient être médiocres. Face à la situation économique, les annonceurs nous ont demandé de baisser nos prix. Ce que nous avons fait aussi, volontairement, de notre côté, face à ce marché atone. Il nous fallait également donner un signal à nos clients afin qu'ils ne se passent pas des études. Nous avons donc accepté de rogner sur nos marges. Bien sûr, c'est un jeu dangereux car, maintenant, les clients ont pris l'habitude d'acheter moins cher et vont, probablement, vouloir continuer d'acheter moins cher. Comment peut-on s'en sortir ? D'un côté, en continuant de baisser le prix du recueil de l'information, grâce à des gains de productivité et de nouvelles méthodes (on line, réseaux sociaux…) et, de l'autre, en défendant notre qualité d'experts, avec de plus en plus de seniors, qui doivent être rémunérés en tant que tels.
Dans ce cadre, le syndicat entend mener un vrai travail avec les acheteurs pour leur dire que nous avons bien compris leurs demandes de prix raisonnables, que nous allons travailler, collectivement et individuellement, sur les gains de productivité, mais qu'ils doivent être prêts à payer la qualité du travail d'analyse et de recommandations. Nous ne vendons pas de la commodité, pas un produit banalisé, mais un produit d'experts dont il faut accepter de payer le prix.
À la différence du conseil, le secteur des études souffre toujours d'un déficit d'image vis-à-vis des états-majors d'entreprise, mais aussi des pouvoirs publics. Que comptez-vous faire pour modifier cette image ?
C'est tout le sens des campagnes de communication que nous avons menées cette année, et notamment celle réalisée sur BFM Radio, avec "La Minute de la Décision". En faisant témoigner des dirigeants d'entreprise, nous voulions prouver non seulement que les études servent à quelque chose, mais aussi au plus haut niveau. Submergés par les informations, les dirigeants souhaitent avoir à leurs côtés des interlocuteurs capables d'interpréter ces informations et de leur donner des pistes pour prendre des décisions. Ce qui est aujourd'hui notre métier. Nous voulons avoir pour interlocuteurs les présidents, les directeurs généraux, le comité exécutif… soit en direct, soit en accompagnement des directeurs marketing ou des études. On voit très bien cette évolution, par exemple, dans le cadre des études de satisfaction qui, auparavant, étaient réservées aux directeurs qualité ou réseau et qui, aujourd'hui, arrivent sur le bureau du directeur général ou sont discutées en comité exécutif. Nous allons bien sûr poursuivre nos actions de communication dans cette direction.
Tout comme nous allons continuer notre sensibilisation des pouvoirs publics. Nous avons appris, avec plaisir, qu'au sein de la Direction générale de la compétitivité de l'Industrie et des Services, à Bercy, avait été nommée une personne en charge des entreprises de publicité et des études de marché. Nous allons donc pouvoir encore faire mieux connaître et comprendre la spécificité de notre secteur.
Patrice Bergen (Syntec Études Marketing & Opinion) : "Nous devons défendre notre qualité d'experts."