Patrice Bergen : "Le big data a légitimé la donnée"
Publié par Catherine Heurtebise le - mis à jour à
Le président du Syntec Études Marketing & Opinion revient sur l'année 2012 et la baisse du marché qui devrait se situer finalement entre 2,2% et 2,5%. Patrice Bergen, qui est confiant pour 2013, commente la révolution big data.
- Après avoir annoncé en début d'année une baisse supérieure à 4% , vos dernières prévisions donnent pour 2012 une baisse d'activité des instituts de 2,2%. Pourquoi ce différentiel ?
- Patrice Bergen : Nous avons péché par pessimisme ! En réalité, les indicateurs d'activité de nos 67 adhérents extrapolés à fin novembre donnaient une baisse entre 4 et 4,5%, avec un plongeon surtout pour les panélistes, les instituts ad hoc étant en léger recul. Le dernier trimestre a été catastrophique. Tout le monde avait le moral au plus bas. Finalement, les indicateurs à fin décembre des 41 adhérents qui nous ont répondu (qui représentent 94% du chiffre d'affaires) montrent une baisse moindre, qui devrait osciller entre 2,2% et 2,5%. Mais il faut attendre la clôture des comptes.
- Par rapport à la progression de 2,4% de 2011, le marché a plongé. Comment expliquez-vous cette chute ?
Trois raisons peuvent expliquer ce plongeon. La première est l'impact de la crise économique, très marquée de façon générale en Europe, mais aussi particulièrement en France, alors que les pays émergents - Asie, Amérique latine mais aussi Europe de l'Est - explosent. La crise entraîne une baisse des investissements des entreprises qui lancent moins de nouveaux produits et donc moins d'études. La seconde raison s'appelle "on line", qui, pour reprendre les termes de Didier Truchot, coprésident du groupe Ipsos, se résume en "quicker, better et cheaper". Ce dernier mot impliquant une baisse de chiffre d'affaires à volume d'études constant. La troisième raison vient de la pression sur les prix. Les services achats des annonceurs rognent sur les prix. De plus, les études ne sont pas un secteur cartélisé. C'est un marché où l'on se tire souvent dans les pattes.
- Quelles sont les grandes mutations du marché ?
PB : La plus importante est le big data. La collecte des données bouleverse le marché. Tout le monde essaie de l'optimiser. L'enjeu est : qu'en fait-on ? Google était très présent au dernier congrès Esomar. C'est déjà un concurrent pour les instituts. La croissance organique de ces derniers a disparu. Il y a des concurrents visibles comme Google, mais aussi d'autres, moins visibles, comme les éditeurs de logiciels de satisfaction clients, certains acteurs du marketing direct, du digital... qui s'affranchissent de toutes les règles. Le monde des études a changé : il faut aller au plus fin, au plus vite, au plus instantané, pour être au plus près du lieu de décision d'achat. La rigueur des anciens est derrière nous.
- Qu'adviendra-t-il en 2013 ?
Nos adhérents prévoient une année meilleure. Et moi aussi ! Au Syntec, nos chantiers 2013 concernent bien sûr la technologie, qui abolit les études, mais aussi les achats. Il faut contrecarrer l'érosion des marges. Il nous faut expliquer aux acheteurs qu'une industrie de main-d'oeuvre comme la nôtre a un coût. Nous avons également un gros chantier sur la réglementation des données, autour du projet de loi européen. Nous sommes d'accord avec la nécessité de protéger les données personnelles, mais il faut que les législateurs fassent attention à ce que les nouvelles réglementations ne nous empêchent pas de travailler. Enfin, le Syntec milite pour une reconnaissance sociale : notre secteur pèse plus de 10 000 emplois à plein temps et 20 000 à temps partiel. Et il fait vivre des régions : Ipsos est le second employeur de la Côte-d'Azur, CSA est très présent à Nice... Il faut faire entendre ce poids social aux pouvoirs publics. Il faut aussi attirer dans notre profession de nouveaux talents, des scientifiques, des psychologues mais aussi des geeks.