Idée.zip n°3 "Le paradoxe du choix : et si la satisfaction client était ailleurs ?"
Publié par Richard Bordenave, directeur innovation et marketing du groupe BVA le | Mis à jour le
Offrir trop de choix au consommateur n'est pas la clef du bonheur ! C'est une des idées fortes de l'ouvrage de Barry Schwartz, "The Paradox of Choice - Why More is Less" (en français : "Le Paradoxe du choix : pourquoi la culture de l'abondance nous éloigne du bonheur").
Dans son ouvrage "The paradox of choice – why more is less" (en Français : "le paradoxe du choix : pourquoi la culture de l’abondance nous éloigne du bonheur"), Barry Schwartz a recensé et vulgarisé, dès 2004, les apports de l’économie comportementale. Il s’appuie sur les expérimentations menées par les chercheurs de cette discipline (dont Kahneman, cf Idée.zip n°1 et article print Marketing Magazine N° 162) pour montrer qu’offrir trop de choix au consommateur n’est pas la clef de son bonheur.
Si vous souhaitez acheter un jean par exemple et que la vendeuse vous demande : plutôt slim fit ou baggy, uni, couleur, délavé, à zip ou à bouton, enduit ou usé ? … Il arrive un moment où l’abondance d’option ne séduit plus : elle tyrannise. Je veux juste un Jean ! Trop de choix nous stresse, voire nous paralyse devant l’effort à fournir pour décider : qu’il s’agisse de placements, d’éducation, de santé ou même de rencontres amoureuses. Poussé à l’extrême, Schwartz avance que c’est un facteur de dépression dans notre société de consommation ou la pression sociale vous rajoute la frustration de n’avoir pas le "dernier modèle"…
Dans ses travaux, il montre que nous n’avons pas tous la même propension au bonheur, en particulier suivant les types de choix à faire :
- Les maximizers ne veulent que le meilleur. De fait ils vont plus souffrir à balayer l’ensemble des options, et s’exposer à des pensées qui vont altérer leur satisfaction : les regrets potentiels et opportunités ratées. Par exemple : en quête d’un restaurant pour diner ils compareront toutes les cartes, prix et ambiances, au point parfois de rater l’heure du service. Mais heureusement nous ne "maximisons" pas tous les types de choix !
- Les satisficers se contentent d’une solution convenable et accessible. Ils réduisent leurs champs d’investigation au départ et savent ce qu’ils cherchent. Les satisficers ont ainsi plus d’aptitude au bonheur car ils profitent mieux du temps qui leur reste. Ainsi conseille Schwartz, s’en remettre à quelques "règles de vie" simples, même si elles semblent limiter notre liberté, procure paradoxalement plus de satisfaction.
Une mine d’idées pour la réflexion marketing : la psychologie du bonheur
S’il dénonce clairement la sur-segmentation marketing, l’auteur, recense aussi des mécanismes psychologiques qui trouvent des applications utiles en matière d’études et de satisfaction client.
Le phènomène du "peak-end" par exemple, qui montre que notre satisfaction perçue à l’issue d’une expérience client, n’est pas une moyenne des différents évènements qui la compose. Ce sont les moments les plus forts (positifs ou non) et les plus récents qui contribuent le plus à notre jugement global. Ne vous est-il jamais arrivé de dire qu’un film est mauvais simplement parce que sa fin est ratée, ou qu’un concert est ruiné uniquement du fait d’un couac mal placé ? D’autres expériences montrent que la durée de l’expérience n’y change rien : seuls certains évènements sont mémorisés par notre cerveau comme "représentatifs" de l’expérience globale. Ainsi, le souvenir des vacances est meilleur quand ces dernières ont été marquées par une expérience mémorable et une fin agréable, et ce même si le séjour fut très court.
Lors de nos études de parcours client ou de satisfaction nous utilisons ce cadre d’analyse pour identifier in-situ les "moments de vérité" qui auront l’influence la plus forte sur l’évaluation finale. Le couplage de mesures a posteriori (mémorisées, déclarées post-expérience) et à chaud (observées ou auto-administrées in situ : type smart-phone ou tablettes) permet d’identifier des effets de leviers d’amélioration de l’existant. Mais il nous permet surtout de recommander la création de moments qui n’existent pas encore. Il est en effet possible de modifier la perception de l’expérience globale en créant un évènement positif à un moment critique de votre relation client (type renouvellement d’abonnement par exemple). Si cette nouvelle interaction peut transformer l’ensemble de l’expérience, par définition elle n’est pas mesurable a priori, car il convient le plus souvent de l’inventer.
Les effets d’adaptation dans "la course au plaisir" : selon cette théorie (Hedonic Treadmill), notre niveau de satisfaction prérequis, ou point de référence individuel, finit par augmenter à mesure que nous courrons après de nouvelles expériences. Nous ne sommes donc pas tous égaux en matière d’exigence : car nos expériences passées conditionnent notre évaluation. Notre profil "maximiser" ou "satisficer", ainsi que nos routines d’achat l’influencent aussi. Ce ne sont donc pas les notes de satisfaction que nous portons dans l’absolu qui comptent, mais leur appréciation relative, et leurs évolutions. Il convient donc de manipuler les "normes" avec précaution, car les variables de contexte et de cible sont clefs pour apprécier un score et ses déterminants. En effet, une eau à 25° peut vous paraître froide si la température extérieure est tropicale ; avant que vous ne finissiez par vous y habituer. D’où l’importance d’inclure autant que possible un volet comportemental à ces études : il permettra de déterminer les leviers cachés d’amélioration de la satisfaction client. Ou bien il servira à définir les bons assortiments sur des critères observés : car la gamme idéale est celle qui développe les achats réels des shoppers en rayon, et pas nécessairement le choix revendiqué a priori par le consommateur.
A propos de l’auteur :
Psychologue et Professeur en Sociologie et Action sociale, Barry Schwartz est un des premiers auteurs à avoir vulgarisé les apports des théories à la frontière entre l’économie et la psychologie : aujourd’hui baptisée économie comportementale. Best-seller en business-book aux US en 2004 (Top 10 business week), il est plutôt classé en thématique "société" ou "développement personnel" en France. Si vous souhaitez savoir si vous êtes plutôt un "maximizer" ou un "satisficer" avec les échelles de l’auteur : téléchargez son papier. Si vous souhaitez écouter l’auteur en conférence TED (en Anglais).