Pas de big data sans confiance du consommateur
Publié par Florence Guernalec le | Mis à jour le
La data, toujours la data. Cette année, le congrès de la Direct Marketing Association était placée sous le signe du Big Data. Les orateurs ont expliqué que l'exploitation des données personnelles imposait aux marketeurs d'instaurer, en échange, une relation de confiance avec les consommateurs.
Big data, big challenge… «Vous avez entre vos mains le pouvoir de transformer le monde…», a déclaré Linda Woolley aux marketeurs lors de l’ouverture de la convention annuelle de la Direct Marketing Association (DMA) qui s'est tenue à Las Vegas, du 13 au 18 octobre. «Et comment vous y parvenez ?, a poursuivi la présidente par intérim et CEO de la DMA, Vous collectez, utilisez et analysez la data. Vous anticipez les intentions d'achat des consommateurs en devinant ce que les clients et prospects veulent.» Au point même qu’un américain a appris par le grand magasin Target que sa fille était enceinte. EAprès avoir analysé les derniers achats de l’adolescente, l’enseigne lui a envoyé, par mail, des bons de réduction pour des vêtements et lits de bébé…
«Est-ce que nous sommes allés trop loin ?», s’est demandé Jordon Cohen, vice-président en charge du marketing de Moveable Ink, un prestataire de l’e-mail marketing. Le président de la Federal Trade Commission (FTC), Jon Liebowitz en semble convaincu. Et le Congrès mène actuellement deux enquêtes auprès d’entreprises sur l’exploitation des données collectées. Pour contrecarrer ces critiques, la DMA a annoncé la création du Data-driven marketing Institute (DDMI), un organisme de lobbying destiné à démontrer à Washington les bénéfices du big data pour les consommateurs et, plus généralement, pour la croissance économique. Linda Woolley a insisté : «Nous utilisons ces informations pour donner aux consommateurs ce qu’ils veulent et attendent». La patronne de la DMA a expliqué que lorsque les sollicitations commerciales sont ciblées, les consommateurs y répondent positivement. Cependant, Linda Woolley a admis que nous n’étions qu’au début de l’ère du big data, et que les entreprises cherchent encore à développer une relation personnelle avec des clients qui souhaitent être reconnus et récompensés pour leur fidélité.
Même sentiment du côté de Bryan Pearson qui est intervenu lors d’une des "Thought leadership series". Le p-dg de LoyaltyOne, entreprise spécialisée dans la création et la gestion de programmes de fidélité, considère, en effet, que les entreprises sous-exploitent les données collectées sur leurs clients et échouent en conséquence à créer une expérience consommateur unique et personnalisée. Résultat, 78% des sondés n’ont pas l’impression qu’ils retirent un quelconque bénéfice du partage d’informations personnelles avec les marques, selon l’étude réalisée par sa compagnie LoyaltyOne (1).
L’auteur du livre "The Loyalty Leap" a pourtant insisté sur l’importance stratégique des données collectées pour renforcer la fidélité de ses clients et générer davantage de bénéfices pour l’entreprise. «Si vous connaissez mieux vos consommateurs, si vous êtes capable d’engager une relation avec eux – et c’est aujourd’hui possible grâce à la data que vous collectez - vous avez davantage de chances de créer un attachement à votre marque», explique Bryan Pearson, qui fait la distinction entre cette "fidélité émotionnelle" et une "fidélité comportementale" fondée uniquement sur les achats. Cette même étude montre qu’il faut au préalable établir une relation de confiance avec les consommateurs : 74% d’entre eux sont alors prêts à donner davantage d’informations personnelles, à condition, évidemment, que les entreprises leur envoient des offres pertinentes sur la base de ces données(1).
Don Peppers, le célèbre consultant marketing co-auteur avec Martha Rogers de "Extreme trust, honesty as a competitve advantage", avait justement fait de la confiance le thème central de sa keynote. Il était venu pour convaincre l’assemblée que demain «seules les entreprises qui sauront inspirer confiance, auront du succès». Don Peppers a expliqué que la confiance a toujours été un critère important aux yeux des consommateurs, mais que plus ceux-ci multiplient les interactions avec les marques, plus ils sont en demande de confiance.
Pour lui, le challenge des entreprises tient en une phrase : «doing things right and doing the right thing proactively». Autrement dit, et en français, la confiance ne vient pas seulement de la qualité des produits et services proposés, mais aussi de la capacité des entreprises à agir dans l’intérêt des consommateurs. Par exemple, rembourser ses clients lors d’un retard d’un vol sans qu’ils aient à faire de démarches comme le fait la compagnie JetBlue ; les alerter lorsque ceux-ci s’apprêtent à acheter deux fois le même livre ou le même morceau de musique comme c’est déjà le cas sur les sites d’Amazon et iTunes.
Mieux : un consommateur, qui aura confiance dans une entreprise après un premier achat, sera enclin à acheter d’autres produits dans le futur. Don Peppers a, ainsi, pris l’exemple d’Apple qui, ayant gagné la confiance de ses clients en vendant des ordinateurs, commercialise aujourd’hui, avec le succès que l’on connaît, de la musique, des smartphones, des tablettes… En prime, les consommateurs qui ont confiance dans une marque, la soutiennent en cas de critiques, postent des opinions positives qui… génèrent des ventes.
Même opinion pour Brian Fetherstonhaugh, président et p-dg d’OgilvyOne Worldwide qui, lors de la keynote consacrée au social CRM, s’est employé à démontrer que cet engagement des clients sur les réseaux sociaux se concrétise par davantage de business et doit être pris très au sérieux. Il a illustré son propos par trois arguments. Le premier est lié au nombre significatif de membres sur les différents sites et aux interactions engendrées. Le site Social Commerce Today estime, par exemple, qu’un partage sur Facebook après un achat sur un site d’achat de billets comme Ticketmaster, engendre 5,30 dollars de revenus additionnels. Le client brésilien d’OgilvyOne, Magazine Luiza, a aussi mesuré le retour sur investissement : le revendeur de produits high-tech et d’électroménager a proposé à ses clients de choisir leurs produits préférés puis de les vendre sur Facebook, accompagnés de leurs recommandations. Les internautes recevaient une commission comprise entre 2 et 5% du prix de vente. Résultat : 20 000 "magasins" créés par ses clients et un taux de conversion 40% supérieur à la moyenne généralement observée. "That’s real money !", a lancé Brian Fetherstonhaugh.
Deuxième argument en faveur des réseaux sociaux : la valeur du consommateur. Selon le p-dg d’OgilvyOne Worldwide, les marques ne doivent pas seulement prendre en compte sa "valeur individuelle" (transactions effectuées) mais aussi sa "valeur réseau" ; c’est-à-dire sa capacité d’influence sur les achats des autres consommateurs, voire celle à collaborer avec les marques. Brian Fetherstonhaugh a illustré cette idée avec l’exemple de deux jeunes femmes. L’une dépense 33 dollars par transaction, l’autre 25 dollars, mais la première, change de marque facilement et n’est pas prête à s’impliquer.Elle a donc peu d’influence sur les médias sociaux, contrairement à la seconde, acheteuse régulière, qui a un blog, 1500 followers et l'envie de cocréer avec les marques. Si l’on prend en compte ces critères, alors la valeur totale de la première est, selon lui, estimé à 68 dollars contre 2036 dollars pour la seconde…
Enfin, troisième argument : la corrélation entre l’engagement du consommateur et sa fidélité vis-à-vis d’une marque. L’étude d’OgilvyOne réalisée avec les données Millward Brown montre que cette fidélité est de 42% supérieure au taux moyen généralement observé(2). Brian Fetherstonhaugh dégage quatre ressorts de fidélisation : financier, structurel, émotionnel et social. Ce dernier facteur permet de créer des liens encore plus étroits entre les marques et les consommateurs... Autrement dit, une utilisation intelligence de la data et l’instauration d’une relation de confiance avec ses clients permet d’accroître la fidélité et l’engagement des consommateurs, deux sources de revenus présents et futurs pour les marques…
(1) "Customer data : privacy, profit and the new paradigm", LoyaltyOne, septembre 2012
(2) "The OgilvyOne viewpoint on social CRM, OgilvyOne, octobre 2012