Vente et big data, du fantasme à la réalité
Publié par Jean-Marc Bellot, responsable efficacité commerciale chez Capptain le | Mis à jour le
Désormais, le fantasme de naguère de pouvoir effectuer de la micro-segmentation en temps réel appartient au champ du possible.
Gwenolé Hignet est chef de produit mobile auprès d'une plateforme communautaire européen regroupant plus de deux millions de conducteurs automobiles. La proposition de valeur : permettre aux conducteurs de voitures de communiquer entre eux pour se filer des tuyaux, se passer le mot sur la présence de zones dangereuses ou connaître les perturbations routières. Au bout du compte, la communauté de conducteurs contribue à la sécurité et à la prévention routière à travers le développement de comportements allant dans le sens du respect de la législation en vigueur.
Gwenolé vient de lancer une version mobile de l'accès à la plateforme communautaire. Afin d'attirer le chaland, il propose aux " mobinautes " une période probatoire de 30 jours, c'est-à-dire un mois de test gratuit. Si, à l'issue de la période d'un mois, le mobinaute souhaite continuer d'utiliser l'application, il lui faudra souscrire un abonnement payant et il lui en coûtera de l'ordre de 12 euros par mois.
Or, il se trouve que les motivations présidant au téléchargement d'une application mobile varient du tout au tout d'un utilisateur à l'autre. Untel, par exemple, le fera par pure curiosité, testera avidement l'application pendant quelques jours, puis la laissera tomber. Telle autre, en revanche, mettra un temps relativement long avant de commencer à tester l'application ; mais après avoir validé quelques scénarios d'utilisation qui lui tiennent particulièrement à coeur, elle n'hésitera pas à souscrire un abonnement de longue durée.
Devant pareille diversité de comportements, l'enjeu de Gwenolé consiste à adresser à chaque mobinaute ayant choisi de tester l'application des messages appropriés. Au premier, il s'agira d'attiser la curiosité en l'incitant à découvrir des usages futés de l'application, à la deuxième, plus rationnelle, il conviendra plutôt de lui envoyer des messages rassurants orientés aide à l'utilisation, ce que dans le jargon de la profession, on appelle des " serviciels ".
Et comme de bien entendu, il existe un nombre relativement restreint de profils différents, aisément détectables par simple observation de comportement typiques. A chacun de ces profils se voit associée une logique d'interaction adaptée à la psychologie du mobinaute appartenant au segment considéré. Et donc pour chaque segment correspondra une stratégie distincte d'incitation à l'utilisation régulière et donc à l'achat.
Pour réaliser tout cela, Gwenolé s'appuie sur un partenaire, une plateforme logicielle lui permettant de collecter en temps réel les données d'usage (big data) et de déployer des stratégies de push adaptées pour chaque segment de clientèle.
Trois éléments sont remarquables dans cette utilisation de la technologie de type " big data " :
- D'abord, le fait que le mobinaute soit rattaché à un segment en fonction du comportement dont il fait montre dans l'utilisation de l'application mobile après téléchargement sans qu'il soit le moins du monde sollicité ;
- Ensuite, le fait qu'une fois rattaché à un segment particulier correspondant à son comportement, le mobinaute reçoive de façon dynamique des messages incitatifs personnalisés au sens où ils sont adaptés à sa psychologie et l'aident à progresser dans l'utilisation de l'application.
- Enfin, le fait que l'éditeur de l'application mobile puisse piloter en temps réel la pertinence des stratégies d'interactions mise en place pour chacun des segments en fonction d'indicateurs métiers comme le taux de conversion.
Le " big data " appliqué aux ventes va bien au-delà de l'idée de stocker de gros volumes de données de transactions et d'y appliquer des modèles d'analyse prédictive. Le " big data " appliqué aux ventes, c'est avant tout l'idée de reconnaître en temps utile le comportement du client potentiel et d'imaginer une stratégie d' alignement pour en inférer une logique d'interaction respectueuse, donc bénéfique aux deux parties. Désormais, le fantasme de naguère de pouvoir effectuer de la micro-segmentation en temps réel appartient au champ du possible. Et grâce à cette avancée de la technologie, des acteurs malins comme ce fournisseur de plateforme communautaire peuvent proposer à leurs clients non pas une expérience d'achat unique si intelligente soit-elle, mais bien autant d'expériences d'achat qu'il n'y a de comportements typiques des clients lorsqu'ils téléchargent l'application sur leur smartphone.
Nous voici propulsés dans l'ère de ce que les Américains appellent " The End of the Average ", ce que je traduirais par la fin de la ménagère de 50 ans. Il y a 10-20 ans, il était de bon ton d'unifier la notion de " customer experience " ; très récemment Don Peppers - un des penseurs les plus avisés sur le thème de la relation client - a publié sur LinkedIn un article un rien provocateurs intitulé " The Absolutely Ideal Customer Ideal Experience Is NO Customer Experience ". Ici, notre éditeur va encore un cran plus loin, il propose autant d' " expériences clients " qu'il n'y a de clients potentiels et ce, sans que le client s'en rende compte.
Et puis, j'oubliais un point important... A travers l'utilisation intelligente des facultés offertes par la plateforme en question en termes de couplage " big data " et " push ", notre éditeur a pu faire croître de 30% son taux de conversion entre la phase de téléchargement gratuit et celle de souscription au service. Soit des centaines de milliers d'euros de revenus additionnels sur une base annuelle...