Pour gérer vos consentements :

Le Darkplanneur milite pour un luxe postdigital

Publié par Stéphanie Marius le | Mis à jour le

Pour le planeur stratégique de Publicis Et Nous, Éric Briones, alias Darkplanneur, le luxe n'a pas peur du digital. Néanmoins, les acteurs du secteur sont sur la corde raide : il leur faut conserver une logique de rareté et élargir leur magie à tous les points de contact.

Le luxe bashing, organisé par les acteurs du digital, est "l'ennemi numéro un de la tranquillité du secteur." C'est par cette attaque frontale qu'Éric Briones, plus connu sous le nom de Darkplanneur, ouvre son dernier opus (Luxe et digital) consacré à son secteur fétiche. Le directeur du planning stratégique de Publicis Et Nous dénonce un "lobbying organisé par des pure players" bien décidés à s'attaquer aux clauses de distribution sélective des marques de luxe. En invoquant le retard de ces dernières sur le Net (notamment sur la vente en ligne, l'expérience client et la communication omnicanales) les e-commerçants militent pour obtenir le droit de vendre leurs produits à forte valeur ajoutée.

Pour le Darkplanneur, le luxe est "postdigital" et ne s'embarrasse pas d'une prétendue frontière entre les touch points numériques et les points de vente physique. Sauf que les marques prestigieuses ne veulent pas d'un espace digital au rabais. Exit les sites web sur fond blanc inspirés d'Amazon, aux relents d'hôpital. Exit la jouissance permanente (à grands coups de promotions et de communication agressive), le sur-mesure généralisé qui réduit le désir de consommateurs habitués à ne plus être surpris. "Le luxe s'est donné pour mission de civiliser le digital et de le mettre au service de l'humain, affirme Éric Briones. Il introduit un espace de calme et de rareté." Bref, le haut du panier s'est bel et bien attelé à la digitalisation, mais sa stratégie demeure en phase avec les exigences d'unicité et d'excellence du secteur.

Premier prérequis : les marques de luxe postdigitales doivent sortir d'une approche muséale et se montrer clairvoyantes. "Pendant longtemps, le luxe a refusé les appels du pied du marketing. C'est une aberration car le marketing est la compréhension des désirs des consommateurs", s'insurge le Darkplanneur. Ainsi, une marque telle que Vuitton utilise le big data à des fins de connaissance client. Le maroquinier organise en septembre 2015 le hackathon "Unlock the future of luxury". Durant 48 heures, la marque invite programmeurs et data scientistes à travailler sur les tendances de demain, à partir de ses chiffres de vente, qu'elle communique en open data.

À l'inverse, certaines marques haut de gamme, telles que The North Face, tombent dans un marketing "commun": grâce à une partenariat avec la technologie Watson d'IBM, le site e-commerce de The North Face demande au client sa taille et son poids lorsqu'il choisit un vêtement. Pour chaque taille, le site indique le taux de retour des clients de mêmes dimensions qui ont choisi cet article. De même, les marques Tiffany et Burburry se sont dévoyées en adoptant une stratégie de blockbusters et en inondant les réseaux sociaux. Cette absence de magie est l'écueil que le luxe postdigital doit éviter.


Selon Éric Briones, "la notion de secret demeure fondamentale. Les consommateurs de luxe doivent demeurer des initiés. Il importe de créer des espaces VIP sur l'espace ouvert qu'est le digital, à l'image de la marque Everlane, qui lance des Instagram privés." Pourtant, les belles maisons pèchent encore par excès de prudence envers l'Internet des objets. "Elles sous-traitent encore tout le volet technologique. Or, il devient urgent d'intégrer les artisans digitaux dans le processus de création des objets connectés, afin de ne pas ravaler cette dimension au rang de gadget." Que penser d'un Vuitton dont la valise connectée qui ne se perd pas (lancement prévue en 2017) est en partie sous-traitée? "Les marques prestigieuses doivent enfin développer une intelligence émotionnelle digitale", conclut le Darkplanneur. Luxe et digital, une expérience désormais sans couture.

Biographie:

2003 Devient directeur du planning stratégique de l'agence Publicis Et Nous (agence de luxe de l'année 2013).
2005 Créateur du blog Darkplanneur.com.
2015 Nommé professeur associé de l'ISG Moda Domani Institute.
2014-2016 Coauteur des livres Buzz Marketing, La Génération Y et le luxe Dunod (avril 2014) et Luxe & digital (2016) Dunod.





La rédaction vous recommande

  • Le courrier publicitaire, l’élément tangible des stratégies du luxe
  • Luxe 3.0 : quand le luxe épouse le digital
  • Michel Campan : "Les marques de luxe sont entrées dans l'ère du digital service"
  • Tribune " Pourquoi les étudiants boudent-ils le digital ? "
  • Les groupes de luxe devraient rattraper leur retard sur la Toile