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Marketing multiculturel : à la recherche de l'authenticité

Publié par Stéphanie Marius le | Mis à jour le

À l'heure de l'hyperpersonnalisation, le ciblage en fonction des origines culturelles présupposées des consommateurs pose encore question. Comment parler vrai sans cliver ou tomber dans le cliché ? Retour sur cette tendance de plus en plus porteuse venue des États-Unis.

C'est un cas d'école en matière de marketing multiculturel. Lors de la dernière édition du SXSW, la campagne Facebook du film Straight Outta Compton, consacré au groupe NWA, prévoyait non pas une, mais trois bandes-annonces, diffusées en fonction des "affinités ethniques" des internautes : l'une en espagnol pour population hispanique, la seconde destinée aux Afro-Américains, censément plus connaisseurs en matière de "gangsta rap", et la dernière centrée sur la figure de Dr Dre, plus connu de la cible "blanche non hispanique". Une stratégie réussie, le film ayant totalisé 160 millions de dollars au box-office, soit environ 150 millions d'euros.

Pouvoir d'achat en hausse

De fait, aux États-Unis, les marques ont saisi l'enjeu crucial de répondre aux attentes spécifiques de cibles dont le pouvoir d'achat est important et en croissance. Ainsi, selon le rapport "The rising multicultural edge : rising super consumers" (Nielsen/2016), les consommateurs "blancs non-hispaniques" font usage de leur pouvoir d'achat pendant 36,7 ans, contre 42,3 ans pour les Afro-Américains, 52,3 ans pour les personnes d'origine asiatique et 56,5 ans pour hispaniques.

" Les entreprises ne se demandent pas si elles doivent les inclure davantage dans leur stratégie marketing, mais plutôt comment ", affirme Samuel Edouard, market researcher du cabinet Sorgem. " Il convient toutefois d'établir une différence entre les marques qui vendent leur identité, ou une identité qu'elles s'approprient, et les marques globales ", affirme Maria di Giovanni, managing partner de Sorgem.

De fait, si Barilla met en avant ses origines italiennes pour séduire les amoureux de l'Europe aux États-Unis, le mondial Apple ne vend pas une culture. Cela provient du caractère technologique d'Apple mais également de l'impérialisme des entreprises américaines, multiculturelles dans leur essence mais persuadées que ce qui convient aux États-Unis vaut pour les autres pays, selon Maria di Giovanni. Anecdote révélatrice : le personnel international d'Esthée Lauder, par exemple, ne peut s'envoyer, outre-atlantique, que des e-mails en anglais. Parmi les exemples réussis, citons Nike et Beats by Dre, qui ont su s'écarter des méthodes traditionnelles de promotion de la diversité. Et, déploient, au contraire, de façon fluide le concept d' "inclusion".

L'autre n'existe pas

Tandis que les autres présentent un clivage entre "les blancs" et "les autres", les deux entreprises font état du multiculturalisme comme d'un prérequis et d'une évidence. L' "autre" n'existant pas, leurs concepts marketing non uniformisants se fondent sur une pluralité authentique, loin du "token black guy". C'est d'ailleurs une marche à suivre : il ne faut pas que ce soit tout l'un ou tout l'autre. " Les entreprises disposent d'assez de ressources et publient sur suffisamment de médias pour laisser une place à chaque consommateur. On ne vend pas à un seul type de clients ", insiste Samuel Edouard (Sorgem).

Le marketing multiculturel fait, depuis deux ans, des émules sur les réseaux sociaux, notamment Facebook, qui propose, depuis 2014, une option "ethnic affinities", soit un ciblage ethnique "détourné ", sans contrevenir à la loi américaine. sachant que les membres peuvent renseigner leur religion, mais pas leur origine ethnique, comment est-ce possible? En se concentrant sur les centres d'intérêt des utilisateurs ou en fonction de leurs réactions à des contenus. Un ciblage qui, dénonce le journal ProPublica(1), exclut certaines "affinités ethniques" de leur liste de diffusion, notamment dans les secteurs de l'immobilier et des offres d'emploi.

Le Fair Housing Act (FHA) interdit pourtant de publier dans le domaine immobilier une publicité discriminante sur des critères d'origine ethnique, sexe, religion ou handicap. Facebook a réagi à cette annonce en condamnant les pratiques discriminatoires de ce type, sans pour autant revenir sur son positionnement en faveur des "options publicitaires multiculturelles".

(1) Article du 28 octobre 2016 intitulé "Facebook lets advertisers exclude users by race".

La France, beaucoup plus restrictive que les États-Unis

La législation française demeure très stricte concernant le marketing ethnique. Ainsi, le code pénal interdit aux entreprises de conserver des données ethniques. Cependant, la législation n'interdit pas aux marques de cibler un groupe de personnes en fonction de leurs préférences de consommation, lesquelles sont distinctes des critères ethniques, religieux ou sociaux. Aux États-Unis, l'établissement de statistiques ethniques est autorisé et consultable par les marques. L'Association of national advertisers (ANA) a récemment créé the Alliance for Inclusive & Multicultural Marketing (AIMM), destinée à regrouper les leaders d'opinion d'origine hispanique, africaine, asiatique, mais également LGBT pour faire évoluer la segmentation des consommateurs. Son président, Bob Liodice, affirme : " Tandis que le marché de la publicité se diversifie considérablement, l'évolution stratégique du marketing multiculturel devient de plus en plus importante pour les marques. "



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