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Sylvain Orebi (Kusmi Tea): "Pas de marketing efficace sans bon produit"

Publié par Eloise Cohen le - mis à jour à

Kusmi Tea et Løv Organic, c'est l'histoire de deux marques qui ont su s'imposer par leur positionnement singulier et leur packaging détonnant. Et qui ont ainsi permis ainsi à leur propriétaire, Sylvain Orebi, d'intégrer le cercle très fermé de dirigeant d'ETI françaises indépendantes.

  • On ne dirait pas, mais Kusmi Tea, sous ses airs de marque pop et pétillante, célèbre ses 150 ans. Une année que vous fêtez en grande pompe avec l'ouverture de 25 boutiques, dont 15 en France... Soit un total de 90 magasins, répartis dans 12 pays à travers le monde. Un succès que l'on impute souvent à vos bons coups marketing: la premiumisation du produit thé, la distribution chez Monoprix et, bien entendu, les thés Detox en 2007. Êtes-vous d'accord?
  • Non, car nous n'avons jamais fait de "coups" marketing. En revanche, ce que nous faisons bien, c'est du marketing. Car il faut rappeler à ceux, nombreux, pour qui le marketing est un gros mot, qu'il ne s'agit, ni plus, ni moins, que mettre un produit sur le marché. "To market a product", rien d'autre. Et cela englobe un tas de techniques que nous déployons pour vendre et que nous revendiquons!
    Mais notre premier métier, c'est créateur de thés, et nous avons à coeur de concevoir des produits bons, utiles et beaux. Car nous avons bien conscience qu'il n'y a pas de marketing efficace sans bon produit. Nous sélectionnons les meilleures feuilles, les meilleurs arômes, nous concevons les mélanges en interne avant de les conditionner dans nos propres ateliers, au Havre. Et nous attachons beaucoup d'importance à ce savoir-faire et cette authenticité. Ensuite, il nous faut trouver la clientèle à laquelle il s'adresse. Et savoir ce qui la fait vibrer.

  • Que mettez-vous en place pour accroître votre connaissance client?
  • "Notre atout, c'est notre accès direct aux consommateurs"

    Déjà, au lieu d'études de marché, nous préférons suivre nos intuitions et notre perception du marché forgée depuis le rachat de Kusmi, il y a 14 ans. Notre atout, c'est notre accès direct aux consommateurs, via notre site e-commerce et nos boutiques, près d'une centaine dans le monde. Depuis un an, le KusmiKlub, notre programme de fidélité, rassemble plusieurs centaines de milliers de KusmiKlubbers que nous connaissons parfaitement. Quant aux autres, ceux qui achètent dans les corners, les grands magasins et les épiceries fines, nous ne les connaissons pas nommément, mais avons malgré tout une idée assez précise de ce qu'ils recherchent.

  • Vous vous êtes développés sur de nouveaux segments, notamment le detox en 2007. Peut-on encore aujourd'hui innover sur votre marché?
  • La preuve avec Evian infused x Kusmi, qui premiumise le marché des boissons au thé, jusqu'ici très mainstream. Et qui réinvente le segment avec cette boisson, très peu sucrée, à base d'eau minérale d'Évian. N'oublions pas que tous les ice teas sont faits à base d'eau non identifiée... Cette innovation va faire grand bruit car, si elle n'est commercialisée aujourd'hui qu'en Suisse et en France, nous allons bientôt la produire en bio et la déployer en Europe et aux États-Unis.

  • Aujourd'hui, est-ce le produit qui continue de guider les actions marketing? Ou est-ce plutôt les moyens technologiques déployés pour en faire la promotion?
  • Je maintiens que c'est le produit qui fait la différence et qui paie son marketing. Ce n'est pas le marketing qui aide à lancer le produit! Prenez le Detox, créé il y a tout juste 10 ans... S'il est toujours là, ce n'est pas parce qu'on a réussi sa communication, ni qu'on a su utiliser la techno de l'époque, c'est parce qu'il a ses "addicts", ses fans. Et donc qu'il a prouvé son utilité!

  • Vous avez un flagship sur les Champs-Élysées. Est-ce rentable d'investir dans une telle adresse?
  • Bien sûr. Je ne vous donnerai pas le montant du loyer, mais il est raisonnable, en adéquation avec les pratiques sur l'avenue. Il ne faut pas oublier que notre produit, dont nous sommes fabricants, dégage une marge raisonnable. La boutique est donc rentable en soi, sans qu'il soit besoin d'affecter une partie du loyer au budget communication comme le font beaucoup de marques. Au-delà de cette considération, être sur les Champs-Élysées, c'est, en quelque sorte, revendiquer un marketing puissant et assumé. Car il ne s'agit pas uniquement de faire du chiffre, mais de construire une image extraordinaire, pour notre clientèle française évidemment, mais également internationale. Cette adresse, c'est un véritable sésame dans de nombreux pays. Quand j'arrive au fin fond de l'Asie et qu'on me demande ce qu'est Kusmi Tea, je parle de notre flagship aux Champs-Élysées. Et la messe est dite. Faire partie de la centaine de boutiques de l'avenue nous positionne immédiatement comme une marque forte et, à l'international, capable de se déployer dans tous les pays.
    Ce qui est sûr, c'est que pour passer le cap, il ne faut pas forcément attendre d'avoir les reins solides, mais plutôt d'être audacieux. Lorsque, en 2009, j'ai ouvert un pop-up store de 50 m2 sur les Champs, il paraissait même incongru, pour une si petite boîte, de faire ce choix. Et lorsque trois ans plus tard, le propriétaire, qui faisait des travaux, m'a proposé 200 m2, la boîte n'était pas très grande, mais j'ai eu cette audace...

  • Toutes les marques peuvent-elles se le permettre?
  • Oui, si tant est qu'elles soient internationales et sachent parler aux touristes... au monde, en fait. Si elles ont une histoire, un produit très premium, un packaging iconique, elles ont toute leur place ici.

  • Ça fait beaucoup de conditions...
  • Oui, mais il en faut beaucoup pour qu'une marque réussisse et qu'elle parvienne à faire la différence. Il faut se dire, comme la publicité pour la Clio des années quatre-vingt-dix, qu'on a tout d'une grande! Certes, nous sommes une ETI, mais nous utilisons les mêmes recettes que les grands groupes, sans rien s'interdire. Tout le monde devrait penser grand.

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