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TRIBUNE LIBRE Le drive a-t-il besoin d'une loi ?

Publié par Valérie Piotte - DG de Publicis Shopper le - mis à jour à

Valérie Piotte Directrice Générale de Publicis Shopper

Sylvia Pinel, ministre du Commerce, annonce un projet de loi régulant l'ouverture des drive, non soumis à date aux règles de la LME sur l'urbanisme commercial. Que faut-il en penser ? Valérie Piotte, directrice générale de l'agence Publicis Shopper, avance quelques éléments de réponse.

Sylvia Pinel, Ministre du Commerce, annonce un projet de loi pour réguler l'ouverture des drives. Modèle non soumis à date aux règles de la LME sur l'urbanisme commercial. En effet, non considérés comme des surfaces marchandes, mais comme des entrepôts de retrait, l'ouverture des drives é chappe au long process d'autorisation d'ouverture des surfaces marchandes de plus de 1000m2, nécessitant l'accord de la commission départementale d'aménagement commercial .

Est-ce pour cette seule raison, de vide réglementaire et législatif, que le nombre de drives s'est démultiplié en France à la vitesse de l'éclair pour atteindre 2 400 points de vente drive à fin avril 2013 ?

Le drive, avant tout, une réponse aux attentes des consommateurs

Le drive a conquis en 4 ans, 5 millions de ménages et 3% de part de marché . Croissance exceptionnelle, révolution dans le secteur de la distribution, le drive est avant tout une réponse aux attentes des consommateurs. En phase avec les nouvelles habitudes de shopping notamment avec l'augmentation du commerce on line, le consommateur français trouve également dans le format drive une réponse à deux considérations majeures et conjoncturelles : le gain de temps (pour 89% d'entre eux - source Kantar Worldpanel, décembre 2012) et la maîtrise de son budget (pour 63% d'entre eux). L'offre des enseignes qui garantit le même prix qu'en magasin et la gratuité des frais de livraison sur le drive contribue pour beaucoup à l'intérêt de ce format. S'y ajoute sans doute un désamour des courses, considérées comme une corvée par 60% des français (TNS Sofres).

Le drive, un modèle économique fragile

Néanmoins ce sont ces mêmes raisons qui attirent le consommateur, qui font du drive un modèle économique fragile. En effet, offrir le service de la préparation est synonyme de perte de valeur pour les enseignes. Et ce d'autant sur des formats " solo " (drive non accolé à un magasin) où les frais d'investissement, d'aménagement et d'actions de recrutement coûtent chers. Une des réponse des enseignes à ce dilemme économique est aujourd'hui de proposer un assortiment réduit, de grossir le nombre de références de marques propres (MDD) dans l'assortiment et de moins jouer qu'en hyper, la carte promotionnelle, ce qui ne correspond pas forcément aux attentes des clients (78,4% des clients du drive trouvent qu'il n'y a pas assez de promotion et 80% aimeraient y trouver plus de nouveaux produits - Publicis Shopper, Dialog Conso, mars 2013). Risque de frustration et de perte de certains clients à considérer ?

A date les chiffres sont plutôt à la croissance, croissance naturelle car les drives investissent encore des zones non couvertes et donc à fort potentiel de recrutement.

Le drive, une arme concurrentielle pour les enseignes

En effet, les enseignes continuent leurs ouvertures de drives, malgré leur équilibre économique incertain. C'est un moyen pour elles de ne pas perdre de part de marché face à leurs concurrents, voire de faire de la croissance (30% de la croissance de Leclerc venait des formats Drive en 2012 - source Kantar Worldpanel). Concurrence, car le drive cannibalise en partie l'hyper et l'ouverture d'un drive d'une enseigne concurrente à proximité d'un hyper peut être fatal à celui-ci, sur sa part de marché. C'est donc la course aux ouvertures, avec des stratégies différentes selon les enseignes.

Néanmoins force est de constater que les résultats des drives sont disparates et que le réalisme économique fera entendre raison, il y aura très probablement et très rapidement, des fermetures de drives dans certaines régions. L'arrivée des comparateurs de prix spécifiques à ce format devrait encore exacerber la concurrence commerciale et faire gagner non seulement les mieux placés en termes de prix, mais également en termes d'offres, de services, d'animations.

Vers une sélection naturelle ?

La sélection naturelle des drives devrait donc bientôt avoir lieu. A-t-on donc besoin d'une loi qui régule l'ouverture de ces formats ? N'est-ce pas trop tard quand d'ici fin 2013, on annonce plus de 3 000 points de vente drive et qu'il ne restera plus trop de zones commerciales vierges de ce format ?

Ou alors cette loi de régulation vise-t-elle plus à introduire la taxe sur les surfaces commerciales (Tascom) dont les drives sont exonérés à date ? Auquel cas, il est évident que cela aura comme conséquence de grever une équation économique encore non résolue. Rappelons également que le drive est aujourd'hui pourvoyeur d'emplois (plus de 7 000 équivalents temps plein en 2012, selon les calculs d'Olivier Dauvers).

Attendons donc de voir les propositions et les motivations de la ministre sur le sujet pour débattre. Mais il serait dommage de freiner le développement de ce format de commerce, vraie réponse aux attentes des consommateurs, d'autant plus dommage que le drive représente l'innovation majeure du commerce alimentaire depuis la naissance de l'hyper il y a 50 ans ! Ce ne serait pas vraiment encourageant pour l'innovation et l'évolution du commerce dans notre univers connecté...

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