Que faut-il penser de l'offensive alimentaire d'Amazon ?
Publié par AMELLE NEBIA le | Mis à jour le
Mercredi 23 septembre, Amazon a annoncé son arrivée dans la distribution alimentaire en France. Le colosse américain, habitué des effets d'annonce, s'aventure dans un univers très concurrentiel. Décryptage avec trois experts en retail marketing.
34 000 références dans 25 familles de produits. C'est la nouvelle offre d'Amazon dans l'alimentaire (épicerie et boissons) depuis mercredi 23 septembre dernier. Alors que l'alimentaire n'a jamais vraiment décollé sur le net en France (de 7% du marché selon la Fevad, incluant le drive, aux 1 à 2%, selon le Boston Consulting Group), Amazon dans sa vision universelle du commerce vient aujourd'hui "défier les distributeurs français et le bras de fer est engagé " selon Jean-Marc Megnin, directeur général de ShopperMind (Altavia Group), qui poursuit en s'interrogeant "Amazon Fresh aux États-Unis est une appellation abusive : il n'y a que 4% de produits frais ! En France, la provenance des produits (ndlr : le Nutella arrive du Royaume-Uni, les capsules Nespresso du Portugal par exemple) l'assortiment et les prix sont encore très flous pour les consommateurs français". Des vendeurs tiers (des grossistes) basés à l'étranger vendant des produits, certes globaux, mais avec des packs dans une langue différente que le français et un positionnement prix peu lisible...
Promesse XXL ... mais lancement en catimini
Pour Frank Rosenthal, expert en marketing du commerce, l'arrivée d'Amazon dans l'alimentaire n'est pas " LA nouvelle qui va faire vaciller les distributeurs français. Donc, pas de panique ! ".
L'expert, a par exemple analysé les prix mercredi 23 septembre sur quelques produits ... Il révèle "qu'une place de marché basée au Portugal vend un produit typique du Portugal : les capsules Nespresso. Le lot de 50 capsules est à 33,90€ contre 17,50€ sur le site de la marque. Même mécanique pour le jus d'orange Tropicana, par exemple, qui se retrouve en vente sur Amazon à un prix avoisinant le 18€ le litre, soit sans doute le plus cher de France".
Pourtant la promesse de l'offre est XXL : 34 000 références pour une moyenne nationale avoisinant plutôt les 8 000 produits sur le canal drive des distributeurs (c'est le cas chez E. Leclerc par exemple et jusqu'à 20 000 chez Cora). "Une offre si large n'est pas lisible lorsqu'on regarde les offres éclairs par exemple. Qui veut acheter 5 kilogrammes de piments d'Espelette ? Surtout lorsque l'internaute voit qu'il y a zéro acheteur ? " continue l'expert.
Si les médias économiques s'emballent sur le sujet depuis mercredi, on peut regretter qu'Amazon, du moins sur son site et sur sa page d'accueil, ne parle pas (du tout) de son arrivée dans l'alimentaire. Il faut chercher l'onglet épicerie quelques minutes...Comment le consommateur est-il ou sera-t-il informé ?
Après un petit sondage (non scientifique !) auprès de clients Amazon réguliers, ces derniers n'ont reçu, à ce jour, aucune information officielle de cette diversification ...
Les offres flash sont concentrées sur des produits marginaux
À surveiller tout de même ...
" L'arrivée d'Amazon sur un marché est toujours un événement à surveiller. Certes, leur offre de lancement est décevante par certains aspects, notamment par l'assortiment (il manque bien sûr le frais ainsi que certaines références majeures en épicerie) ou par le positionnement prix (pas compétitif par rapport aux Drives). Mais Amazon est 'le' grand spécialiste de la vente à distance et a montré qu'il savait bousculer des secteurs établis en ajustant le tir rapidement. Les distributeurs traditionnels doivent à mon sens élargir leur périmètre de veille à ce nouvel acteur et accentuer leur présence digitale, car désormais la préférence-client se jouera aussi en ligne " explique Matthias Berahya-Lazarus, président de Bonial.
L'arrivée annoncée (et retardée) de Costco au printemps 2016 dans l'hexagone sera très intéressante à observer car elle est l'exact contraire de celle d'Amazon. En effet, Costco joue sur un assortiment très court avec moins de 5 000 références, contre 34 000 pour Amazon.
Si bataille il y a, elle aura peut-être lieu entre les deux Américains.