[Billet] Marketing Geek, nouvelle matrice des marques ?
Publié par Jeanne Bordeau, fondatrice et directrice de l'Institut de la qualité de l'expression le - mis à jour à
"Sens dessus dessous" : tous les quinze jours, la spécialiste du langage Jeanne Bordeau analyse le sens et le poids (marketing) des mots. Aujourd'hui, le marketing geek.
Entre les 300 000 visiteurs de la récente Paris Games Week, Geekopolis le festival des cultures de l'imaginaire et Vidéo City le salon des Youtubers, l'univers geek étend sa toile. Marques, réveillez-vous !
Ici, le début de la fin !
Ce billet devrait se terminer ici par "42 ! ". Si vous ne comprenez pas pourquoi alors vous n'êtes pas encore accoutumé aux fondamentaux de cette "galaxie geek".
"42" parce que c'est la grande réponse à la question de la vie et du reste, depuis que Douglas Adams en a décidé ainsi dans son fameux "H2G2". "H2G2" pour "The Hitchhiker's Guide to the Galaxy" ou "Guide du voyageur galactique".
Un chiffre pris au hasard par un auteur de science-fiction devient un élément de "Mythologie Geek". Douglas Adams ne cesse de dire que "c'est une blague", que "ce chiffre 42 a été choisi car il était petit et ordinaire". Cela n'empêche pas les passionnés d'autres dimensions d'aller plus loin. De constater que le "42" joue un rôle majeur dans l'histoire, que par exemple l'Egypte Ancienne possède 42 commandements.
La clé de l'énigme c'est que le geek doit être respecté. Il a inventé un nouvel imaginaire mondial. Marques, découvrez-le et surtout ne blasphémez pas !
Attention séquence à risques !
Comme le souligne justement David Peyron, les marques ont intérêt à séduire ceux qui sont pressentis comme "geeks" car ils sont prescripteurs et leaders d'opinion. Dans un cultissime poster le "cartoonist" Scott Johnson recensait 56 profils de geeks. Mais pour parler à l'une de ces 56 catégories, il faut saisir le principe du "code source".
"Code source" ? Vous vous baladez à "Geekopolis", festival de l'imaginaire ou à "La Paris Games Week" consacrée à ce que l'ancien monde appelait "les jeux vidéos" et vous remarquez qu'un "cosplay" - un individu lambda déguisé en héros de comics, de jeux vidéos... - en treillis militaire ne va pas s'intéresser aux mêmes "topics" - thèmes - qu'une "cosplay " en minijupe tendance mangas !
Conséquence pour les marketeurs de la planète terre ? Ils doivent s'adapter et même connaître les règles et les usages de chaque galaxie geek.
Plus geek que moi, tu bug !
Les marques prouvent chaque jour qu'elles sont vraiment "geeks friendly". A la "Paris Games Week", Coca Cola tenait un stand pour célébrer "le bonheur de gammer ensemble" avec des bornes de jeux d'arcades, un "cinémagraph" pour se filmer dans un décor à la "Tetris" et une distribution gratuite de canettes. Les casinos Partouche venaient eux présenter leur "Roller Blaster", manège en réalité virtuelle bientôt en action au milieu des machines à sous !
Comment être certain de faire chavirer le coeur de ces consommateurs qui ne se contentent pas d'acheter un "mug Dark Vador " ? Ils n'ont rien contre les marques mais ils veulent qu'elles célèbrent leur légende.
Au nom de l'imaginaire préservé, naissent des "Geek Stores" ou "Geeks Factory". Le vendeur n'est pas un vendeur. Il est un joueur capable de débuter une partie avec le client sans même savoir si cela débouchera sur un achat.
"Geek" provient de l'ancien allemand "gek" : un fou exclu de la société. Retournement de situation, aujourd'hui les marques doivent veiller à exister dans la mémoire geek.
Il faut des storytellers mais des storytellers qui connaissent les lois des nouveaux contes ! Trouver le "42" du client geek revient à ouvrir la porte d'entrée de son univers, le fameux "rabbit hole" comme dans "Alice aux pays des merveilles"(1).
(1) Ouvrage Convergence Culture: Where Old and New Media Collide, par Henry Jenkins, éditions New York University Press.