Pour gérer vos consentements :

[Enquête] Mais où est passé le juste prix ?

Publié par Philippe Crouzillacq, Amelle Nebia et Maud Vincent le - mis à jour à

Promos, soldes, ventes privées, déstockage ... Le consommateur est abreuvé de "bonnes affaires". Le prix a-t-il encore un sens ?

C'est l'une des émissions les plus célèbres de l'histoire du jeu télévisé. Tous les soirs, à 19?heures sur TF1, des millions de Français se retrouvent pour jouer au "Juste Prix". Mais sitôt le poste éteint, quel est ce juste prix dans la vie réelle? Déboussolés par la pression promotionnelle permanente, les consommateurs sont devenus des chasseurs de... prix. 75% d'entre eux admettent être fortement influencés par la promotion. Ils n'étaient que 61% il y a sept ans.

En 2014, les Français ont économisé près de 3,7 milliards d'euros grâce aux remises pratiquées dans les grandes surfaces (source : Nielsen). Plus spectaculaire encore, le montant total des économies réalisées a augmenté de 11% en un an, selon Nielsen Shopper Trends. Mais paradoxalement, ces promotions attisent les soupçons sur la sincérité des prix. En 2008, la LME (Loi de modernisation de l'économie) avait d'abord réformé le régime des promotions. "Pour stimuler les ventes quand on n'a pas atteint ses objectifs, on fait du chiffre en faisant des promotions. C'est devenu une drogue dure", constate Philippe Moati, professeur d'économie et cofondateur de l'ObSoCo (Observatoire société et consommation).

1. À qui profite la guerre des prix ?

La guerre des prix, qui a d'abord éclaté dans la grande distribution avant de s'étendre à d'autres secteurs de l'économie, est un phénomène porteur de déflation. À qui profite-t-elle? "Pas aux consommateurs!, tranche Philippe Moati. La confiance a fait place à la défiance. Les consommateurs ont appris à décoder les langages publicitaires et marketing et, même s'ils sont attirés par les promotions, ils ont désormais un vrai doute sur la vérité des prix."

Cela ne semble pas avoir profité non plus aux fournisseurs, sur lesquels les distributeurs - qui se regroupent souvent dans un parfait mariage de la carpe et du lapin - font pression pour obtenir des rabais toujours plus importants. Mais une fois passé l'effet de surprise, gageons que les fournis­seurs ajustent leurs prix à la hausse pour anticiper les demandes de rabais des distributeurs.

Lisez l'interview de Philippe Moati, cofondateur de l'Observatoire société et consommation (ObSoCo) : " Le produit le moins cher n'est pas toujours le moins coûteux "

2. La qualité, juge de paix?

Pourtant, le prix juste n'est pas le prix le plus bas. L'ObSoCo et Kantar WorldPanel (1) battent en brèche l'idée reçue selon laquelle les Français rechercheraient les étiquettes les plus faibles. En période de morosité économique et de pouvoir d'achat en berne, ils intègrent, au contraire, dans leur décision d'achat, d'autres critères, au premier rang desquels la qualité. 39% des personnes interrogées par l'ObSoCo en octobre 2014 estiment que le prix juste relève du meilleur rapport qualité-prix.

"Si le contexte du pouvoir d'achat renforce effecti­vement la sensibilité des consommateurs aux prix et induit des comportements d'achats malins, il semble que les individus soient de plus en plus nombreux à considérer que le produit le moins cher n'est pas nécessairement une bonne affaire. Moins de 7% jugent que le prix juste est le tarif le plus bas possible", résume l'Observatoire. Las des scandales alimentaires, échaudés par l'arnaque de l'obsolescence programmée, 90% de nos concitoyens déclarent porter une attention croissante à la qualité des produits qu'ils achètent. Pour l'alimentaire, si 46% des foyers considèrent le prix comme le critère de choix le plus important, ils sont plus nombreux (47,4%) à se déclarer prêts à payer plus cher pour des articles de qualité (+1 point en 2014 versus 2013, selon Kantar WorlPanel).

Un constat à mettre en parallèle avec la baisse de parts de marché qu'accusent, depuis deux ans, les MDD et le secteur du hard discount. La qualité, notion polymorphe par excellence, s'apprécie différemment selon les catégories de produits. Dans le secteur non-alimentaire, par exemple, les consommateurs plébiscitent la solidité et la durabilité, tandis que dans l'alimentaire, l'attention est portée sur le goût, les garanties d'hygiène et de sécurité et sur l'origine géographique. La notion de service est aussi clé (extension de garantie, dispositif de click and collect, "drive", etc.).
LIRE LA SUITE EN PAGE 2.

(1) "L'Observatoire du rapport au prix, comment la perception de la justice des prix guide-t-elle le choix des consommateurs ?", octobre 2014, sous la direction de Philippe Moati. Et "Sortir de la guerre de prix par la connaissance client", Kantar WorldPanel, décembre 2014.

Lisez l'interview de Gaëlle le Floch, strategic insight director de Kantar WorldPanel : " Les Français valorisent plus la qualité que le prix "
Pour aller plus loin, vous pouvez consulter l'article suivant : La qualité, le levier pour sortir de la guerre des prix.

La rédaction vous recommande

  • Pricing : quatre experts expriment leur point de vue
  • Évolution des prix et des promotions en Europe, selon SymphonyIRI
  • Évian et BETC doublement primés au Grand Prix de la Communication extérieure
  • Le panier moyen des Français passé au scanner
  • Les Magasins U lancent le "libre-prix".