Les jeunes sont-ils réellement écolos ?
Publié par Elodie Gros-Désir le | Mis à jour le
Si la plupart des jeunes (18/25 ans) estiment être suffisamment sensibilisés aux questions environnementales, ils sont cependant très peu à réellement s'impliquer pour la cause. C'est en tout cas ce que tire l'institut de recherche Les Humains d'une étude qui a débuté en mars 2020.
Une forte sensibilisation en ce qui concerne les questions environnementales ne signifie pas forcément une connaissance approfondie du sujet. C'est en tout cas ce qu'affirme la majorité des sondés. En effet, ils n'ont que des connaissances superficielles en matière d'enjeux et d'impact de l'activité humaine sur la planète. S'ils en entendent souvent parler, ils ne font pas la démarche de chercher des informations sur le sujet bien qu'elles soient facilement accessibles et abondantes.
Des actions environnementales qui concernent prioritairement la consommation
Quand il s'agit d'impact environnemental, les actions citées par la plupart des 18/25 ans se cantonnent à leurs efforts en termes de consommation. Curieusement, il n'y a quasiment aucune citation des gestes simples comme le tri sélectif. Il n'est pas non plus question de s'engager personnellement dans une association, un projet solidaire, un vote à une élection... Bref, pour les jeunes agir pour l'environnement passe avant tout par le porte-monnaie. Cela explique pourquoi ils citent le niveau de revenu comme premier levier d'action environnemental. Cette prédominance du pouvoir d'achat dans la question de l'action environnementale au quotidien dédouane non seulement les jeunes de la nécessité d'agir mais aussi de la culpabilisation de ne pas le faire, un levier d'engagement très fort chez leurs aînés. Conséquence : la faute et les actions correctrices sont l'apanage des coupables ; à savoir les industriels, voire de façon plus marginale les institutions.
Une imagerie " écologique " presque fantasmée
Cette imagerie écologique fantasmée est majoritairement située hors de France et hors de l'Europe, comme si ces dernières en étaient protégées. De même, les animaux cités comme étant très fortement impactés sont très souvent exotiques (pandas, ours blanc, orang-outan...). Parmi les espèces impactées, on retrouve aussi beaucoup d'animaux marins (baleines, phoques, pingouins). En plus d'effectuer une sorte de distanciation, la réduction de l'impact sur la biodiversité de ces animaux exclue la possibilité d'intervention directe en leur faveur. L'action devient ainsi hors d'atteinte et passe presque obligatoirement par l'intermédiaire d'associations, et d'ONG qui se sont spécialisées sur la question.
Les 18/25 ans : " enfants de la société de consommation " voire " purs produits de la surconsommation "
S'ils se considèrent comme tels, les jeunes ne se sentent pas pour autant partie prenante du système. Comme s'ils n'avaient aucune emprise sur le monde. Ils se considèrent comme des êtres passifs, cherchant à faire leur chemin " malgré tout ". Certains se considèrent même comme victime d'une pression consommatoire omniprésente. Les marques, figures de proue de l'économie marchande, sont largement décriées pour leur omniprésence, leur " emprise sur le cerveau ", leur " bombardement " permanent de messages...
Malgré ce constat, force est de constater que ceux qui se disent victimes des marques ont dans le même temps développé un fort attachement à ces dernières. Le " driver " consumériste du plaisir se retrouve clairement dans cette étude. Les jeunes interrogés sont d'ailleurs un des principaux freins à leur propre volonté d 'agir de manière plus vertueuse. En effet, ils sont beaucoup à percevoir les initiatives responsables comme des efforts, voire des sources de frustration.
Considérées comme des symboles de la société de consommation et donc responsables des impacts négatifs de l'activité des hommes sur la planète, les marques sont clairement attendues sur leur capacité à se saisir de sujets. La négation consciente des 18/25 de leur responsabilité et de leur capacité à agir à titre individuel sur ces questions accentuent d'autant plus leurs attentes d'actions correctrices des marques. Elles sont perçues comme les seuls acteurs suffisamment " puissants " pour agir avec un impact réel face à des Etats , des politiques et autres collectivités jugées désemparées ou tout simplement déconnectées de la réalité.
Les jeunes VS les marques " responsables "
Aucune ne semble vraiment trouver grâce à leurs yeux. La défiance est forte et ils doutent de la réalité des actions derrière leurs engagements " de façade ". La communication des marques sur leurs impacts environnementaux est jugée trop globale et pas assez concrète. Selon eux les messages ne traitent pas assez des problématiques qui constituent leur imaginaire environnemental. Ils mettent en avant le " brouhaha " médiatique des marques sur ces sujets, ayant l'impression que chacun " dégaine " dans son coin " pour dire la même chose que l'autre ". En bref, en communiquant sur leurs engagements, les marques donnent l'impression qu'elles ont " un train de retard ".
En définitive, les jeunes font preuve d'un optimisme sans faille face aux enjeux environnementaux. Ils croient dur comme fer en la capacité de l'humanité de trouver les moyens pour éviter la catastrophe. Cela est révélateur de leur confiance en l'innovation.
Les campagnes de communication adoptant un angle R & D, technologique ou créatif sont prises au sérieux
Le vrai levier de cette génération est finalement la capacité d'une marque à se présenter comme " refondatrice " d'un avenir responsable ou tout simplement différent. Tout l'enjeu est de renouveler leur imaginaire du progrès, de lui redonner un caractère inspirant qui s'est égaré voire perdu dans les méandres du marketing de masse. Les jeunes ont envie de croire en cet avenir positif, surtout en ces temps assombris par le Covid. Cette espérance confiante dans le génie scientifique et technologique pour sauver la planète révèle leur absence de remise en cause du modèle économique actuel. Leurs aînés ont une vision complètement différente de la situation : pour eux, le modèle est peu, voire pas du tout compatible avec la question climatique. Ils attendent des marques qu'elles incarnent davantage une volonté de changement du système, jusqu'à devenir des acteurs plus " politiques ".
Méthodologie
Période
- Cette étude a été réalisée par l'Institut Les Humains entre mars 2020 et avril 2021 pour parution en juin.
- Cette période assez longue s'explique par la difficulté de mener à bien de des interviews et groupes d'étude en présentiel pendant la crise sanitaire. Le présentiel a été largement privilégié vs le distanciel.
Participants
- 238 jeunes de 19 à 25 ans ont été interrogés sur la période, tous étudiants en écoles supérieures ou universités implantées en Ile-de-France.
- Les cursus représentés : commerce, gestion, design, digital, communication, ingénierie électronique, droit, culturel et artistique.
- 77% étaient installés en Ile-de-France depuis moins de 3 ans (pour suivre leur cursus), 23% étaient originaires de la région.
Typologie de recueil de la parole
- Les étudiants ont été écoutés en entretiens individuels, en focus groupe dédiés ou pendant des séquences dédiées au sein de certains de leurs cours. Méthodologie exploratoire, expression libre et semi-guidée.
- Des initiatives de marques et campagnes de communication leur ont été soumises.
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