OWM : Quelle est cette marque qui a décidé de... boycotter les réseaux ?
Publié par Matis Demazeau le - mis à jour à

Samira Hoummiri, fondatrice de l'entreprise Only What Matters et experte en marketing digital depuis 10 ans, nous présente la génèse de sa marque de mode, sa stratégie marketing, ses ambitions, ainsi que la raison pour laquelle elle remet en question la pertinence des plateformes sociales comme moyen de communication.
Pourriez-vous nous présenter Only What Matters ?
Samira Hoummiri : Only What Matters est une marque lancée il y a un an et demi. Elle est née de ma frustration en tant que consommatrice de mode : trop d'informations inutiles sur les matériaux, des produits souvent de mauvaise qualité et un manque d'authenticité dans les histoires des marques. J'avais envie de basiques intemporels, comme des vêtements à la fois élégants et faits avec des matériaux éthiques et durables. J'ai donc décidé de créer ma propre marque, avec des produits que je pourrais porter tous les jours, à toute heure. Ma première capsule, composée de vestes en cuir, a été inspirée de ma culture, notamment de l'architecture de ma grand-mère. J'ai voulu créer des pièces authentiques avec une histoire, loin des modes passagères.
Only What Matters s'engage à soutenir les artistes émergents. Une partie de mes bénéfices est dédiée à financer des projets artistiques. Ce n'est pas une simple stratégie commerciale : c'est un véritable engagement social. En achetant un produit, les clients participent à cette mission de soutien à la culture. Ils savent qu'ils consomment de manière responsable, avec des produits durables, fabriqués de manière éthique et créés dans une démarche respectueuse des artistes.
Vous avez abordé l'authenticité et le storytelling, mais comment intégrez-vous cela dans vos collections ?
S.H. : L'authenticité est effectivement vraiment au coeur de la marque. Au début, j'ai mis beaucoup de ma propre histoire dans les produits, mais aujourd'hui, je souhaite donner la place à d'autres récits. Je préfère produire des basiques intemporels et plus accessibles, comme des t-shirts blancs de qualité, et exploiter le storytelling dans des collaborations avec des artistes. Cela permet de maintenir l'authenticité tout en évitant l'éphémère. Mon objectif est donc de créer des produits simples et durables et des collections plus personnelles mettant en avant le travail d'autres artistes.
Où vos produits sont-ils distribués ?
S.H. : Actuellement, je privilégie des canaux de distribution directs, comme le site web de la marque et les événements pop-up que j'organise, comme celui que j'ai récemment tenu au Soho House à Paris. Ces événements me permettent de rencontrer un public international. Je suis également en train d'explorer des partenariats avec des distributeurs ou des lieux non traditionnels, comme des galeries d'art ou des salles de cinéma, qui correspondent mieux à l'esprit de la marque. Ce n'est pas mon objectif de me retrouver dans de grandes surfaces comme les Galeries Lafayette.
Quelle est votre cible ?
S.H. : Mon audience n'est pas celle des amateurs de tapis rouges ou des fans de célébrités. Ce sont des gens intéressés par l'art, la culture, qui apprécient les voyages et recherchent des produits authentiques, loin des influences des réseaux sociaux. Ils sont souvent désenchantés par les campagnes marketing classiques que l'on voit aujourd'hui un peu partout et cherchent des marques qui leur parlent vraiment, à un niveau humain et culturel. Ils préfèrent consommer lors d'événements comme des galeries d'art plutôt qu'à travers des influenceurs ou des campagnes digitales.
Vous avez pris une décision audacieuse en quittant les réseaux sociaux. Pourquoi ce choix ?
S.H. : Après dix ans à travailler dans le marketing digital, j'ai réalisé que les réseaux sociaux ont perdu leur but initial : créer une vraie connexion avec l'audience. Aujourd'hui, on crée du contenu pour plaire aux algorithmes, non plus pour engager des discussions authentiques. Je préfère privilégier des interactions réelles, comme des événements en personne, où les clients peuvent découvrir la marque de manière plus significative. Les réseaux sociaux ne permettent plus d'offrir une vraie expérience, et je ne souhaite pas contribuer à cette tendance de création de contenu pour les machines plutôt que pour les gens.
Aujourd'hui, les consommateurs deviennent de plus en plus insensibles face à la saturation publicitaire sur les réseaux sociaux. Si une marque ne raconte pas une histoire authentique, elle risque de nuire à son image. Il est crucial de savoir quand et à qui parler, pour éviter de devenir bruyant et inaudible. Je ne veux pas faire partie de cette course au contenu pour les algorithmes. Mon ambition est de créer une marque qui dure, qui parle à ses consommateurs, qui leur offre de vrais produits et une vraie histoire, sans céder à l'éphémère des tendances digitales.
Comment parvenez-vous à créer du lien avec vos consommateurs sans les réseaux sociaux ?
S.H. : Les meilleures connexions se font lors d'événements pop-up que j'organise, où les gens peuvent poser des questions, échanger et découvrir l'univers de la marque. Mon audience veut connaître les créateurs, comprendre l'impact de leurs achats, et non simplement consommer. Ils cherchent des marques avec un engagement authentique, et c'est ce que je souhaite leur offrir : une véritable relation humaine, hors des canaux traditionnels.
J'utilise tout de même des outils comme WhatsApp pour communiquer directement avec ma communauté. C'est un canal efficace, plus personnel, et avec un taux d'ouverture élevé. Je suis convaincue qu'il existe d'autres canaux digitaux, moins utilisés mais tout aussi efficaces, pour établir une vraie connexion. Mon objectif est de créer une expérience omnicanale, où tout est centralisé et où l'on peut vraiment interagir avec la marque.
Quels sont vos ambitions et objectifs à court terme ?
S.H. : Actuellement, je mène une campagne de financement participatif pour pouvoir développer le projet sereinement pendant les deux prochaines années, sans avoir à me soucier des problèmes financiers. J'ai lancé cette entreprise seule, ce qui a rendu la gestion du financement assez complexe. Avec cette campagne, je souhaite me concentrer sur ce que je fais bien et sur les nouvelles missions à accomplir, notamment le financement des artistes et le développement de la marque. Mon objectif est de réussir ce projet ambitieux, qui nécessite un investissement pour exister. Les événements comme les pop-up et les expositions, ainsi que la visibilité de la marque, nécessitent également des fonds, c'est pourquoi cette campagne est ma priorité.
Visez-vous un marché international ?
S.H. : Oui, je m'adresse à une communauté internationale et en mouvement. C'est pour cela que j'ai choisi l'anglais comme langue de communication. Cependant, mon focus initial reste Paris, car c'est là que je suis basée et où se trouvent mes partenaires et collaborateurs. Mon ambition est de toucher un public mondial tout en restant ancrée localement.