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Hygiène-beauté : la révolution silencieuse

Publié par Catherine Heurtebise le | Mis à jour le

Added Value et Kantar Wordpanel ont analysé les offres des produits d'hygiène-beauté durables au niveau des profils de consommation mais aussi des comportements d'achats réels.

Added Value et Kantar Worldpanel (deux sociétés du groupe Kantar) ont présenté les résultats d'une étude commune sur "La révolution silencieuse" qui analyse les offres d’hygiène et de beauté "durables" et leur impact sur les comportements d’achat des foyers. Cette double approche est intéressante : l'étude fournit ainsi les nouveaux profils de consommateurs établis sur la base de la segmentation développement durable de Kantar Worldpanel mais aussi sur la réalité des comportements d’achat réels de produits d’hygiène et de beauté "durables" (et non sur celle des seules intentions d’achat) via l’étude Greenprint de Kantar Worldpanel(*). Par ailleurs, un décodeur présente les différentes offres et codes de communication utilisés par les marques d’hygiène et de beauté pour les produits durables. L'analyse donne enfin les perspectives d’avenir. Leslie Pascaud, directeur marketing & innovation durable d'Added Value explique ce terme de “Révolution silencieuse” : « Pour ne pas être sans doute taxées de greenwashing, les marques ont du mal à communiquer sur leurs avancées en DD. Certaines cependant, comme Ushuaïa, première marque d'hygiène-beauté bio en GMS ou Nuxe (qui joue sur le plaisir et le luxe) renouvellent les codes ».

Deux profils de consommateurs : les pionniers et les adopteurs

Selon les analyses de l’étude Greenprint de Kantar Worldpanel, 38 % des ménages français sont très sensibles aux problématiques liées à l’environnement et l’écologie, un chiffre plutôt élevé en comparaison avec les pays voisins comme le Royaume-Uni. L’institut a pu identifier deux profils différents de consommateurs responsables.
Le premier profil identifié par Kantar Worldpanel est celui des "pionniers" qui sont les plus engagés dans les causes environnementales. Ils ont de vraies convictions écologiques et sont prêts à agir. Très bien documentés sur le sujet, ils sont peu influençables par le battage médiatique sur l’écologie. En ce qui concerne leur consommation, ils préfèrent les ingrédients naturels, locaux ou issus du commerce équitable. 28 % d’entre eux sont même prêts à accepter un surcoût pour l’achat de bio, pourcentage bien supérieur à la moyenne de la population. Une spécificité mise en avant par l’étude est leur moindre confiance vis-à-vis des grandes marques.
Le second profil, celui des "adopteurs", s’applique aux Français qui sont aussi sensibles aux problématiques environnementales mais semblent moins déterminés que les "pionniers".  Ils sont plus influencés par le discours des médias, la consommation responsable représentant pour eux un moyen de se valoriser au sein de la société. Les "adopteurs" sont davantage sensibles aux packagings qu’ils souhaitent respectueux pour l’environnement. Enfin, contrairement aux "pionniers", les "adopteurs" font confiance aux grandes marques. Au final, les "pionniers" et "adopteurs" représentent 56 % des achats de produits bio au rayon hygiène et beauté, un chiffre considérable, note Added Value lorsque l'on sait que ces deux cibles ne représentent ensemble que 38 % de la population.

Mais, que représentent les produits bio ou naturels pour les Français ? Ces derniers font-ils une distinction entre les deux ? Car, comme l'explique l'étude de Kantar Worldpanel, si pour le bio, il existe des labels de certification officielle, les produits naturels, eux, définissent une catégorie plus floue englobant cosmétiques sans produits chimiques et ceux avec 90 % d’ingrédients naturels. Il est notable que les deux produits ne semblent pas du tout attirer les mêmes cibles : si, en 2011, 30 % des Français ont acheté au moins un produit bio ou naturel au sein des déodorants, bains/douches ou soins pour le visage, seulement 5 % des Français ont acheté des deux. Et si les acheteurs des produits hygiène et beauté bio sont assez "typés" sensibles à l’environnement, on ne retrouve pas cette caractéristique dans les acheteurs des produits naturels. Les produits naturels ne sont donc pas directement une alternative aux produits bio dans l’esprit des consommateurs. Le cahier des charges du bio semble correspondre à certaines attentes de consommateurs les plus sensibles à l’environnement. Il serait important de vérifier quels sont les besoins couverts par les produits "naturels", ceux-ci étant probablement bien différents de ceux du bio.
Alors, que représentent les produits naturels, quels codes véhiculent cette idée de naturalité à laquelle les Français semblent sensibles ? Cette naturalité, répond Added Value, peut être définie de manière simple selon deux dimensions : une dimension d’intensité de la nature allant de la douceur à la puissance et une dimension de maîtrise de la nature pouvant définir une nature vierge ou au contraire une nature complètement maîtrisée par l’homme.

Ces deux axes permettent de visualiser quatre types de naturalité :
- Tout d’abord, la nature qui est à la fois perçue comme vierge et douce, il s’agit d’une nature simple. Ici, les codes importants sont la pureté et l’innocence.
- Le second type de nature identifié est la nature familière qui est à la fois douce et maîtrisée par l’homme. Pour les consommateurs, elle va être associée aux notions de sécurité, d’artisanat. C’est le créneau de marques comme Le Petit Marseillais ou l’Occitane.
- Le troisième type est la combinaison d’une nature vierge et intense. Il s’agit d’une nature puissante et sauvage, c’est la force de la nature qui est libérée. Ushuaïa et Nuxe qui sont deux marques qui se positionnent comme très sensorielles, sont sur ce registre.
- Enfin, la nature peut aussi être intense et maîtrisée. C’est une nature optimisée par l’homme qui va promettre de la performance, de l’efficacité. Yves Rocher communique sur ce segment pour son produit Elixir, tout comme Garnier.

Aujourd’hui, la nature simple est le segment le plus exploité par les marques, en partie parce que cette image de nature est la plus accessible pour les consommateurs. Nivea Pure avec Natural, lancé il y a 18 mois, se place au cœur de ce segment et a réussi son pari en devenant une des trois premières marques des produits naturels en hygiène et beauté. Cependant, le profil des acheteurs est très proche de celui de la “marque-mère”, notamment sur la sensibilité à l’environnement : Nivea et Nivea Pure et Natural sont tous les deux sous-représentées auprès des pionniers et les adopteurs.

A contrario, le lancement de Ushuaïa Bio a permis à cette marque-phare de L’Oréal de recruter une toute nouvelle cible : Presque la moitié des acheteurs de Ushuaïa Bio sont des pionniers ou des adopteurs. Il semblerait que la garantie du bio ait permis à la marque d’attirer les consommateurs exigeants sur le plan des composants produits et aussi à la recherche de parfum et sensorialité moins proposés par les marques bio. Aujourd’hui, on voit donc que les marques du rayon hygiène/beauté ont plus que commencé à s’approprier les codes de la naturalité.

Mais quels pourraient être les profils des marques de produits naturels dans les prochaines années ? Quels codes peuvent émerger ? Toutes les hypothèses sont possibles, mais voici quelques territoires qui nous semblent prometteurs :

- La force de la Nature : Mise à profit du côté sauvage de la nature et de son intensité en développant des produits à base de plantes plus “extraordinaires” voire “vénéneuses” comme les orties.
- Yes to Nature : Proposition d’une vision positive de la nature avec des ingrédients actifs, positivement à contre-pied des produits “sans” (sans paraben, sans sels d’aluminium…). Une communication qui pourra être plus énergique même au niveau des couleurs utilisées.
- Made Here : À l’instar de l’alimentation, l’élaboration de produits avec des ingrédients “à origine”, proches “d’un terroir”. Cela peut signifier aussi des plus petites quantités de produits. Il y a dans ce code, un aspect d’engagement comme du militantisme moderne.
- Green Alchemy : Combinaison de la puissance de la nature, du progrès et de savoirs ancestraux pour proposer des produits cosmétiques à base de plantes rares ou inconnues. Cela peut apporter une valeur mystique aux produits grâce aux secrets de la botanique (à l’image de ce que propose aujourd’hui The Herborist).
- Invisible Nature : Valorisation de la nature comme super-héros, efficace mais invisible. Des produits qui restent naturels mais dont les propriétés ne sont pas forcément communiquées. Il s’agit de promouvoir l’efficacité et la transparence quitte à devoir faire des compromis : ne pas utiliser de produits bio, mais ceux issus de l’agriculture raisonnée.

Tous ces codes ne sont pour l’instant que des pistes de réflexion, conclut Added Value. Certains ont déjà émergé de manière très discrète dans l’hygiène-beauté à l’étranger. Mais la révolution naturelle au rayon hygiène/beauté est bien là et ne demande qu’à grandir dans les années à venir. Reste aux marques et aux consommateurs le choix de la direction qu’ils veulent que celle-ci prenne.

(*) Kantar Worldpanel gère un panel de 20 000 ménages, permanent et représentatif de la population des ménages en France sur lequel sont suivis en continu les achats des ménages à destination de leur consommation à domicile. Chaque année Kantar Worldpanel interroge ses 20 000 panélistes sur leur style de vie, via une centaine de questions portant sur l'argent, les courses, la promo, le bio, l'environnement…

L’étude GREENPRINT est entièrement axée sur les attitudes // les sujets de responsabilité. Elle permet de confronter des comportements d’achats et une typologie de consommateurs sur des questions environnementales. Cette typologie segmente les foyers en groupes d’engagement vs l’environnement et les problèmes écologiques. Elle intègre des motivations et des freins au changement aussi bien sur le court terme et que long terme, personnel et altruiste.

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