Régies digitales : Comment trouver le bon mix ?
Publié par Christine Monfort le - mis à jour à

Face à des marques en quête de solutions toujours plus innovantes, les régies digitales rivalisent d'inventivité pour leur permettre de communiquer sur les plateformes. Un univers hyper concurrentiel dans lequel le travail sur la donnée et l'IA s'impose comme un relais de croissance et de performance.
Dans un univers de la publicité digitale toujours en croissance - d'ailleurs attendu pour la première fois à plus de 10 milliards d'euros sur 2024, selon l'Observatoire de l'e-pub -, les plateformes permettent aux marques d'activer tous les grands leviers de communication, notamment des plus dynamiques : le social, la vidéo ou encore le retail media. Encensées par les uns pour leur facilité d'usage et leur performance, décriées par d'autres pour leur part de marché qui ne cesse de croître, ces plateformes sociales, e-commerce, professionnelles... ne laissent personne indifférent, d'autant qu'elles sont au centre des usages de consommateurs plus si faciles à suivre. " Ils passent facilement de la navigation sur Internet au visionnage de contenus en streaming, de la recherche d'informations à l'acte d'achat, sur un nombre croissant de canaux et des appareils variés. Avec une telle fragmentation, il est de plus en plus difficile pour les marques de maintenir leur pertinence tout au long du parcours consommateur" , considère Stéphane Grenier, directeur général d'Amazon Ads France.
Le rôle des réseaux sociaux
Qu'à cela ne tienne ! Comme les consommateurs, les plateformes et leurs régies ont évolué. En alliant la puissance de l'audience à des capacités de ciblage renforcées grâce au travail sur la data, elles répondent à différents enjeux : lancer un produit, travailler la notoriété ou la préférence de marque, l'acquisition de nouveaux clients, la rétention des clients, la saisonnalité, la proximité... " L'interaction avec le produit est plus délicate à aborder lors des achats digitaux. Pourtant, la GenZ attend des marques qu'elles recréent cette proximité. Plus de 9 internautes sur 10 veulent tester les produits grâce à la réalité augmentée avant d'acheter et 80 % trouvent cela plus confortable" , avance Charles Dalibot, manager beauté et grande consommation chez Snap.
En intégrant des plateformes sociales dans le mix média, les annonceurs essaient souvent de toucher des publics jeunes, moins consommateurs de médias mainstream... " On a souvent tendance à prendre l'angle de l'audience et à chercher à adresser sur Snap les 15 % d'audience qu'on ne touche pas en télé, mais l'émotion qu'on va pouvoir faire passer grâce à la complémentarité créative est aussi très intéressante pour l'engagement" , complète-t-il.
Le social est le levier le plus dynamique de la publicité digitale, avec un taux de croissance annuel de 25 %, à 2,75 Md€ pour la période juillet 2023-juin 2024.
L'influence s'avère aussi performante sur ce critère, comme l'a constaté LinkedIn avec son nouveau format Thought Leader Ads, qui permet de sponsoriser les prises de parole d'experts ou d'employés d'une organisation. " Incarner la proposition de valeur de l'entreprise via des influenceurs internes ou externes engage presque deux fois plus qu'un format classique. Toutes les grandes marques ont utilisé ce format : Axa, BNP Paribas, Mirakl... Samsung en a même fait un vrai programme d'ambassadeurs de marque" , témoigne Ioana Erhan, directrice commerciale de LinkedIn pour la France, le Benelux et l'Italie.

Domino’s a expérimenté le format "The Glitch", lancé par Amazon Ads sur Twitch, qui permet aux marques de faire partie des fonctionnalités jouables dans Fortnite. Pour accéder à une pizza party permettant de régénérer la santé des membres
La proposition de valeur de TikTok dans le funnel marketing s'est étoffée pour permettre de travailler la considération, l'influence, d'acheter un produit ou un service sur son application... " La notion de communauté est importante et va d'ailleurs jusqu'au community commerce. Nous avons beaucoup d'exemples de produits qui ont été dévalisés après qu'une petite communauté en a parlé sur TikTok" , atteste Arnaud Cabanis, DG responsable de la monétisation de la plateforme pour la France et le Benelux.
À l'assaut du retail media
Le travail sur la donnée a permis au spécialiste de l'économie circulaire qu'est Leboncoin de devenir également un "acteur classique du retail media". La marketplace alimente le trafic des grands réseaux de retail avec du drive-to-store digital ou phygital et a récemment développé des produits d'extension d'audience. " Pour certaines marques, notamment les acteurs du luxe ou de la grande consommation, Leboncoin n'est pas un écrin escompté ou pratiqué. Elles sont en revanche intéressées par nos 56 millions de profils qualifiés, note Fabien Scolan, VP Re-commerce et publicité au sein de la marketplace . En nous appuyant sur la valeur ajoutée de notre base de données, nous achetons de l'inventaire sur les supports où ces marques ont leurs repères (YouTube, Snapchat, Dailymotion, TikTok, les actifs de Meta...), en direct ou en pratiquant la collaboration de données avec les agences média ou les marques elles-mêmes."
Sur le retail media, TikTok arrive plutôt en complément, par exemple à travers des opérations de cobranding. " Des dispositifs alliant TikTok et du retail media permettent de booster les ventes d'une marque au sein d'un réseau de distribution. Ce type d'opération a été monté entre Levi's et La Redoute, Carrefour et Seb, avec la Fnac pour de la vente de téléphones... Les collaborations avec les distributeurs et les producteurs ont fait évoluer notre modèle vers du BtoBtoC" , explique Arnaud Cabanis, general manager global business solutions France et Benelux de TikTok.
Activer différents types de données aide à découvrir de nouvelles audiences et à optimiser les investissements publicitaires. Les clean rooms, qui combinent et analysent les informations issues de diverses sources propriétaires ou tierces, font désormais partie de la boîte à outils des régies digitales et des marques. Bon nombre de régies travaillent avec des spécialistes de la collaboration de données, notamment LiveRamp.
D'autres ont développé leurs propres solutions. " Avec notre clean room Amazon Marketing Cloud (AMC), les marques améliorent leurs insights sur le parcours d'achat, créent un lien entre leurs boutiques Amazon et leurs points de vente en propre, génèrent des rapports personnalisés pour identifier l'engagement des utilisateurs à travers différents canaux, stratégies et appareils" , fait valoir Stéphane Grenier. Une marque de produits de grande consommation a, par exemple, " augmenté de 103 % le nombre de ses nouveaux clients" après l'avoir utilisée. Le contexte est un autre levier d'efficacité puisque, selon la régie, la publicité sur Prime Video, lancée en avril 2024, est une des solutions les plus efficaces pour atteindre les audiences les plus pertinentes à grande échelle.
L'IA booste la performance
Les régies digitales ont fait de la compétitivité un argument de poids. " Simplifier l'achat, le rendre de plus en plus dynamique et automatique reste un enjeu pour permettre au ROI d'être le plus important possible , détaille Charles Dalibot. Notre algorithme a été beaucoup amélioré et, en un an, 80 % de nos annonceurs ont constaté une baisse du coût par achat moyen sur Snapchat." C'est aussi l'esprit des nouvelles fonctionnalités de la suite Meta Advantage+ : " La promesse de performance va de pair avec des outils très accessibles, permettant un parcours client simplifié et un achat sans friction, y compris dans la programmation qui est devenue un jeu d'enfant. Les éléments à saisir ont été réduits pour permettre de se concentrer davantage sur l'objectif de la campagne" , assure Séverine Six, directrice business partners chez Meta.
Les nouvelles offres de la régie proposent différentes fonctionnalités basées sur l'IA qui optimisent les résultats des campagnes. Avec Advantage+ Shopping, le coût par acquisition s'améliore en moyenne de 17 % et le retour sur investissement publicitaire de 32 %, indique Meta. D'autres outils sont centrés autour du catalogue et permettent de retargetter sur le produit vu quand l'utilisateur n'est pas allé jusqu'à la validation de son panier d'achats ou permettent d'automatiser la sélection d'audience dès la création de la publicité. L'intégration de l'IA dans les outils satisfait aussi le client final : " En fonction des signaux laissés, l'IA leur fait découvrir des marques et des produits qui correspondent à leurs besoins. 65 % des acheteurs ont déclaré apprécier découvrir des articles qui les concernaient, mais qu'ils ne recherchaient pas activement, ce qui montre l'importance de la publicité personnalisée pour stimuler les ventes" , poursuit-elle.
L'IA ouvre aussi la voie à d'importants gains de productivité dans la conception des campagnes. Grâce au dispositif Accelerate de LinkedIn, il ne faut plus que "quelques minutes" pour créer une publicité qui permettra de se faire connaître et de générer des contacts commerciaux : " L'URL du produit ou du service que l'annonceur veut mettre en avant sur notre plateforme suffit à générer un texte d'accroche, un visuel avec Microsoft Designer et surtout le ciblage des campagnes. Les tests sur ces ciblages ont montré une baisse du coût par action de 52 %, révèle Ioana Erhan. Cette approche répond à beaucoup de besoins des petites entreprises qui n'ont pas les ressources nécessaires comme aux grands groupes friands d'AB Testing sur les campagnes, les formats, les ciblages..."
Des arbitrages, quel que soit le KPI
Attention, toutefois, à ne pas miser que sur la performance. " C'est une erreur de ne faire que cela, y compris pour les marques connues. Il faut toujours garder un bon équilibre entre les campagnes de marque et de performance" , souligne la directrice commerciale de LinkedIn. Selon elle, cet équilibre se situe à 45 % sur la marque et à 55 % sur la performance dans le BtoB, " ce que beaucoup de marques sont loin de faire", et passe à 60 % sur la marque et à 40 % sur la performance dans le BtoC. Bien qu'abreuvées de discours sur la performance, les marques sont devenues plus matures sur la rentabilité de leurs investissements en publicité digitale. " Elles s'arrêtent rarement à des investissements sur une seule plateforme, mesurent la performance, comparent tous les supports et arbitrent in fine pour les acteurs les plus performants, quel que soit le KPI" , observe Fabien Scolan pour Leboncoin.
Que pourraient devenir demain les offres et les approches des régies digitales ? Les évolutions structurelles ne sont plus à chercher du côté de la disparition des cookies tiers, à nouveau repoussée par Google. Beaucoup de régies et de marques assurent avoir déjà fait évoluer leurs pratiques sans voir se concrétiser la catastrophe un temps annoncée. " Se focaliser sur ce que les cookies génèrent en digital pour L'Oréal reviendrait à passer un temps fou sur 5 à 10 % du business. Nous avons appris à revenir aux fondamentaux de la connaissance client, à travailler avec des clean rooms et à analyser les tendances plutôt que des résultats exacts. L'impact sur le business est finalement bien meilleur, car nous n'observons pas 5 à 10 % des ventes, mais 70 ou 80 %" , détaille Guillaume Goudal, head of media France de L'Oréal.
Les nouveaux leviers se situeraient plutôt autour du développement du social commerce, voire d'espaces immersifs renouvelés ou encore de nouvelles générations d'agents conversationnels. " Pouvoir demander à un bot personnalisé et à l'IA d'où vient le produit que l'on a vu avec ses lunettes connectées Ray-Ban Meta entraînera un changement assez majeur sur le search" , pointe par exemple Séverine Six. Ce "Search Shift" est déjà en germe. Gartner estime en effet que le trafic des moteurs de recherche va baisser de 25 % d'ici 2026 au profit des chatbots et autres agents virtuels, qui deviendront alors des moteurs de réponses de substitution.
Guillaume Goudal, Head of media France de L'Oréal : "L'expertise nécessaire pour chaque plateforme amène à faire des choix"
Comment s'opèrent vos choix dans l'offre des régies digitales ?
Nous avons toujours recours à ces régies en fonction de leur force intrinsèque et en utilisant des leviers qui répondent aux enjeux de nos marques. Sur ces plateformes très puissantes, notre approche marketing trouve sa cohérence de la manière dont nous concevons nos produits pour un segment de population jusqu'à la publicité. Nous collaborons, par exemple, très bien avec Snapchat, qui permet de travailler la considération, de chercher de l'engagement, d'entrer dans la profondeur de nos contenus, de montrer l'utilisation du produit dans la vie réelle... Les ventes incrémentales générées par ces activations sont suivies sur nos sites e-commerce, sur les sites e-retail comme Amazon, ou autres, et en magasin chez des partenaires retail grâce aux clean rooms de LiveRamp. Notre mix média vise aussi à trouver les leviers qui prendront le relais là où certains s'arrêtent, ou à renforcer l'engagement de l'utilisateur.
La simplicité est-elle un autre critère ?
La facilité d'accès est importante, mais chaque nouvelle plateforme (Amazon, TikTok...) nécessite de nouvelles expertises. Quand elles lancent de nouveaux produits, nous avons aussi besoin de temps pour adapter nos méthodes de travail. Plus le mix intègre de plateformes, plus le ROI global baisse. Ce sont des éléments que nous prenons de plus en plus en compte et qui nous amènent à faire des choix. Quand on a bien compris les forces et les faiblesses de chaque partenaire, on travaille davantage main dans la main avec l'un d'entre eux - comme nous le faisons avec Snapchat - et on en occulte d'autres. Pas du fait de ce qu'ils proposent, mais par choix pragmatique.