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"Le Web 3 est une solution au marketing post-cookies, à la certification des contenus, à la lutte contre les fake news..."

Publié par Floriane Salgues le - mis à jour à

Les tokens vont remplacer les cookies tiers : c'est l'une des convictions de Fabien Aufrechter, directeur du Web 3.0 de Vivendi et maire de Verneuil-sur-Seine, qui décrypte les opportunités offertes par cet "Internet de confiance" qu'est le Web 3.

Emarketing.fr : Alors que le Web 3 a été fortement médiatisé ces trois dernières années, Vivendi a été précurseur en la matière avec des activités dans le domaine dès 2017 ?

Fabien Aufrechter, directeur du Web 3.0 de Vivendi : Le groupe Vivendi a la chance d'avoir comme filiale Havas, agence qui accompagne des clients sur leurs enjeux de com'. Ce sont les besoins des clients de l'agence Havas, comme Orange qui souhaitait lancer une solution de vote électronique sur Ethereum, Carrefour qui avait des enjeux de suivi de la traçabilité des aliments ou encore l'UNICEF qui voulait sécuriser ses levées de dons... qui ont conduit à la création de Havas Blockchain en 2017. Au sein de Havas évolue également l'agence de transformation digitale Ekino dont les ingénieurs comptent parmi les meilleurs en France et en Europe sur les sujets Web 3. Le groupe Vivendi a donc voulu appliquer à lui-même les solutions recommandées par ses entités.

Quels sont les défis auxquels peut répondre le Web 3 pour un groupe de communication et de média comme Vivendi ?

Il y en a beaucoup, même si le Web 3 n'est pas une baguette magique : le monde marketing après les cookies, la certification des contenus ou, encore, la lutte contre les fake news et les deepfakes, pour ne citer que quelques enjeux. Pour protéger le droit d'auteur lors d'une création publicitaire, par exemple, la certification de l'idée pourrait se faire en NFT plutôt que par l'envoi par La Poste de l'idée dans une enveloppe solo. Alors que beaucoup de campagnes sont numériques, comment, par exemple, sceller une campagne de publicité dans une enveloppe ? C'est archaïque... D'autant que la certification se complexifie avec l'intelligence artificielle (IA) générative qui peut produire, simplement, du contenu de manière quasiment infinie et qui rend difficile de faire la différence entre une photo "réelle" - qu'est-ce qu'une photo réelle, d'ailleurs ? - et une photo créée par une IA. Cela pose des questions sur les droits d'auteur, sur les droits tout court.

Sur l'après cookie, le web 3.0 ouvre la voie à des solutions qui sont potentiellement plus éthiques, plus respectueuses, plus transparentes, plus engageantes. Les NFTs sont par exemple une solution pour remplacer le cookie qui était la clé d'entrée pour offrir du contenu en comprenant les utilisateurs. Je ne dis pas que c'est la solution idéale, mais c'est une solution fonctionnelle, opérationnelle, qui en plus résout des problèmes immédiats parce que les marques qui ont lancé des NFTs ne savent pas quoi en faire. Le NFT peut devenir très rapidement, dans les prochains mois, une clé pour accéder à de nouvelles expériences, à de nouveaux médias et à de nouveaux contenus. On parle alors en bon franglais de "Token gated contents".

Capital (groupe Vivendi) a justement annoncé, en août 2023, se lancer sur ce dispositif du token gating. Où en est le projet ?

Le token gating de Capital est en préparation. L'objectif de cette approche est de se connecter à un média par NFT. Des annonceurs qui auraient envie de faire de la publicité différemment que par de l'achat d'espaces en masse et qui posséderaient des NFTs, pourraient, par exemple, permettre aux propriétaires de leurs tokens de pouvoir se connecter gratuitement sur un certain nombre de contenus nouveaux ou exclusifs du site Capital. C'est une nouvelle manière de penser la publicité, d'engager le client et le lecteur. C'est une nouvelle manière de vivre Internet, ni plus, ni moins.

Capital est un exemple parmi d'autres, car de plus en plus de marques se saisissent du "token gating". Cela évite l'identifiant, l'inscription par e-mail puisque l'accès au contenu concerné s'effectue une fois que la connexion au portefeuille crypto de l'utilisateur a été effectuée et que le NFT requis a été identifié. La logique est inversée : ce n'est plus un identifiant unique par marque mais un identifiant contrôlé par l'utilisateur qui lui permet de vivre différents types de produits, de médias, de marques. Grâce à la data que l'utilisateur choisit de partager, il peut également toucher une partie, symbolique, des revenus publicitaires.

Vous citez le CRM 3.0 comme le futur de l'engagement client. Est-ce déjà une réalité ?

L'engagement a besoin de se renouveler et le CRM 2.0 atteint ses limites comptables. Le point de fidélité représente de la dette pour les marques, et cela est difficile à gérer à l'ère du cookieless. D'autant que les marques doivent surenchérir pour obtenir de l'engagement, qui chaque fois est minime. L'arrivée d'un CRM 3.0 est irrémédiable. Il s'agit d'un CRM décentralisé, qui permet de structurer son programme de fidélité sur une même technologie que d'autres marques pour accéder à un même écosystème de clients qu'elles. Ce CRM 3.0 est à l'étude dans beaucoup d'entreprises mais il faut du temps pour le structurer, nouer les partenariats, etc.

Le métaverse a été l'un des sujets en vogue en 2021/2022, est-ce qu'il s'agit finalement juste d'un buzzword pour vous ?

Le métaverse, aujourd'hui, ne fonctionne pas. À part Sandbox, je ne vois pas de vrai métaverse, dans le sens de décentralisation des assets. Sandbox est, comme son nom l'indique, un super "bac à sable" pour apprendre, comprendre, et développer des prototypes. Mais les audiences, elles, ne sont pas forcément encore là. Pour autant le métaverse peut offrir des expériences uniques et de premiers cas existent. Je pense par exemple au DJ et producteur Agoria qui offre dans Sandbox de vraies expériences d'écoute. Il propose par exemple d'inventer un morceau avec des écoutes limitées : au total il n'est possible d'écouter la musique que trois fois et à chaque fois elle évoluera et sera différente. C'est un vrai renouveau car nous ne consommerions pas la musique de la même façon si nous ne pouvions l'écouter que trois fois dans notre vie.

L'IA générative a, elle, été au coeur des discussions en 2023. Comment peut-elle s'intégrer aux projets Web 3 ?

L'intelligence artificielle générative, conçue seule, est d'abord un risque et un danger. À mon sens, elle signe la fin du Web 2.0 puisque les autoroutes de l'information... deviennent avec elle des autoroutes de la désinformation. Mais alliée avec de la certification de contenu, à l'Internet de confiance qu'est le Web 3, c'est un outil prometteur. C'est un outil idéal pour les auteurs, pour les créateurs, pour les consultants, pour les journalistes, pour tout le monde en fait. Plus qu'une tendance, l'IA est un nouveau pinceau que l'on va avoir dans nos mallettes. 2024 sera l'année de son industrialisation comme en témoigne le CES qui se tient actuellement, même s'il faut encore lever des limites à l'IA qui sont éthiques, politiques, sociales, environnementales.

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