Récupérer sa souveraineté numérique
Publié par Gérard Haas, avocat à la Cour d'appel de Paris. le - mis à jour à
Les secteurs du marketing et de la publicité sont les premiers à s'être rués vers l'eldorado du big data, car les applications nouvelles sont d'ores et déjà à portée de main. L'Europe est devenue une succursale numérique américaine mais elle n'a pas encore perdu la guerre.
Le XXIe siècle est celui de la révolution numérique. Mais faute d'une vision et d'une stratégie, l'Europe est devenue une succursale numérique américaine. Une grande partie des données personnelles générées se retrouve stockée et conservée sur des systèmes américains. Cette situation est critique. Elle est cause de réduction de valeur, de dépendance numérique et d'un sérieux risque de perte de toute souveraineté. Pour reprendre notre destin en main, il faudrait une mobilisation des responsables politiques européens. L'inertie de la Commission européenne quant aux problèmes inédits de concurrence apparaît préjudiciable face à la complexité de l'économie numérique. Le cas Google le démontre: c'est avec une lenteur coupable que la direction générale de la concurrence a fini par le traiter. Les secteurs du marketing et de la publicité sont les premiers à s'être rués vers l'eldorado du big data, car les applications nouvelles sont d'ores et déjà à portée de main. Amazon affirme aujourd'hui réaliser 30% de ses ventes grâce aux propositions ciblées apparaissant à l'écran en fonction des centres d'intérêt exprimés par l'internaute. Face à ce type d'enjeux, on constate de véritables incohérences, comme celle qui place entre deux eaux les données personnelles des Européens recueillies par des sites américains: protégées ni par les lois de l'Union ni par celles qui s'appliquent aux résidents américains.
Les données personnelles en jeu
Pour contrer ces acteurs, il nous reste la possibilité de fiscaliser la valeur récoltée en Europe par des entreprises non-européennes. En effet, les revenus générés par les Google Amazon Facebook Apple (GAFA) en Europe seraient de l'ordre de 3 milliards d'euros, mais l'impôt acquitté en France par ces quatre sociétés s'élèverait environ à 4 millions d'euros en moyenne. Il est donc essentiel que les entreprises qui utilisent les données privées des Européens laissent une part de leur revenu sur le territoire européen sous forme de taxe. Si l'on veut aller vite et ne pas laisser le nouveau cycle de l'Internet mobile prospérer toujours au détriment des États et des personnes, il faut des propositions simples et efficaces. J'en présenterais donc cinq. Les personnes doivent être propriétaires de leurs données personnelles. Pour collecter les données personnelles de 510 millions d'Européens, les serveurs des GAFA devront être installés en Europe, sous droit et contrôle européens. Si un collecteur de données personnelles européennes veut les transférer hors d'Europe, il en a le droit. Mais il lui faudra alors payer une taxe. Toute entreprise contrevenant à ces règles ne pourra plus avoir accès au marché européen. La reconquête de la souveraineté numérique de nos États doit être érigée en priorité, pour la France et l'Union européenne.