Data, le ROI c'est maintenant ?
Publié par Floriane Salgues le - mis à jour à
Les data sont de tous les projets... et donc de tous les calculs de ROI. Si l'évaluation exacte de la rentabilité d'un projet data semble alors mission (quasi) impossible, les gains sont bel et bien là.
Comme une ombre, les data planent sur la (quasi) totalité des projets marketing stratégiques du moment. Que ce soit pour trouver de nouvelles offres à commercialiser, pour acquérir de nouveaux clients ou pour fidéliser sa base de consommateurs : à chacun de ces enjeux "business" correspond un projet à forte valeur data ajoutée, à l'instar du déploiement d'un CRM ou d'une DMP, d'outils d'analytics, de push notifications, d'A/B testing, ou encore d'un CRM onboarding. Avec quelle(s) chance(s) de succès ?
Les projets data d'aujourd'hui "relèvent d'une alchimie entre une bonne méthodologie, des technologies adéquates, une expertise et de bons cas d'usage, analyse Dounia Zouine, Senior Manager au sein du cabinet de conseil en digital & data Converteo. Il s'agit de projets protéiformes, pour lesquels chacune de ces composantes peut plomber ou maximiser le retour sur investissement", prévient la professionnelle, qui rappelle que "s'il s'agit d'une alchimie, les data n'ont pour autant rien de magique". Ainsi, calculer le ROI d'un projet data serait une étape "nécessaire", mais "souvent plus complexe qu'on ne le croit", commente Florian Douetteau, CEO de la plateforme de data science Dataiku. "Il faut distinguer plusieurs types de projets marketing, poursuit le cofondateur. Les projets data qui ont l'ambition de mesurer les résultats de son mix marketing, et de prioriser ainsi ses dépenses marketing, et ceux conçus pour changer la stratégie de l'entreprise. Dans le dernier cas, il est difficile de savoir si les résultats ne sont liés qu'au projet data ou à d'autres facteurs."
1. Faire du marketing prédictif
Des résultats qui ne doivent, d'ailleurs, pas uniquement être calculés sous le prisme financier - incrément de chiffre d'affaires, augmentation du trafic ou du panier moyen, ou diminution du churn - mais qui ont "l'obligation" d'intégrer des indicateurs techniques et organisationnels - ce qui n'est pas sans complexifier le calcul. "Au ROI business s'ajoute un ROI technique, mesuré par la qualité des données, le temps de déploiement, la fiabilité de l'outil et sa réactivité, ainsi qu'un ROI sur l'organisation et la conduite du changement, calculé, notamment, par l'adoption de l'outil et le nombre de personnes formées", explique Dounia Zouine, qui conseille ainsi d'établir, avant de se lancer, une courbe à deux dimensions, la complexité technique ou organisationnelle et le potentiel business et reach, afin de déterminer l'action à plus forte valeur ajoutée... à plus court terme.
"La moitié des dépenses des marketeurs est injustifiée, mais le problème est qu'ils ne savent pas laquelle", note Stéphane Amarsy, CEO d'Inbox qui travaille sur l'utilisation des données à des fins opérationnelles, et aide ainsi les marques et les retailers à mieux équilibrer leurs budgets, grâce au prédictif, et à optimiser leur ciblage marketing. Inbox promet ainsi un chiffre d'affaires additionnel moyen compris entre 3 et 9 %, selon les acteurs et les secteurs d'activité. "Nous avions déjà une bonne connaissance clients, mais sans marketing prédictif, il nous était impossible d'aller plus loin pour qualifier le client et, in fine, lui adresser une offre hyperpersonnalisée, témoigne Julia Faure, responsable CRM et marketing opérationnel de Burton of London. Or, centrer notre stratégie sur le client est un enjeu pour la croissance du chiffre d'affaires, pour la digitalisation de la marque et pour la fidélisation des clients." Encore faut-il pour cela récolter les bonnes données : "Il est nécessaire de connaître le rythme du client et ses préférences, pour communiquer avec lui sur ses centres d'intérêt", explique Stéphane Amarsy, dont l'outil D-predict industrialise les process de scoring et les rend auto-apprenants. "L'idée est aussi de travailler sur le futur - ce qui est probable - afin d'être proactif et d'anticiper le cycle d'achat du client et sa fidélisation", complète-il.
Récence d'ouverture des courriers électroniques, fréquence d'achat... sont ainsi surveillées de près. Burton, après avoir constitué des scores de ré-achat, a ainsi mené deux tests pour réactiver ses clients inactifs pendant deux ans - source potentielle de chiffre d'affaires - sur mailing et sur SMS. Le taux de retour de ces inactifs a été multiplié par deux sur le mailing et par trois sur la campagne SMS par rapport aux inactifs non sollicités. La marque note aussi un gain de temps dans la construction des plans marketing relationnels et un arbitrage plus rationnel.
2. S'appuyer sur la data science
"Dans la majorité des projets marketing, l'apport de la data ne va pas venir de l'optimisation de nouveaux clients, mais de la réactivation de clients fidèles", confirme Florian Douetteau, dont les principaux cas d'usage adressés par Dataiku sont l'optimisation de l'expérience de navigation, l'allocation de budget des campagnes ainsi que la compréhension de la base client, du pricing et des offres. Mais, comment mesurer un ROI ? Dans le cas de projets opérationnels, qui utilisent les data pour modifier l'expérience client ou favoriser l'achat, comme l'optimisation d'une landing page, la démarche est de garder un segment de clientèle représentatif non-optimisé et de le comparer à un segment optimisé, afin de mesurer le ROI, rappelle le CEO de Dataiku, qui opère chez des marques ayant déjà une expérience de la donnée et une équipe de data scientists en interne.
"Beaucoup de marques cherchent à réinventer la façon de prendre des décisions marketing, en internalisant la compréhension des données générées par des campagnes gérées sans agence et en les croisant avec des données online (médias sociaux et ventes)", analyse-t-il. La promesse : pour des clients qui ont une base d'achat forte, le fait de personnaliser la homepage augmente la transformation de ses clients en valeur de 5 à 6 %, en moyenne, en globale, fait part Florian Douetteau.
3. Miser sur une CDP...
Transverse, le projet Customer Data Platform (CDP) est alimenté par tous les systèmes en silo de la marque, et "permet d'améliorer la qualité des données - et leur unification - pour faire progresser la rentabilité globale de l'entreprise, explique Christophe Cousin, Chief Data Officer de Webedia. La "bad data" , comme une mauvaise adresse ou des doublons, coûte des milliards aux sociétés. L'idée est donc de réaliser des économies." Des économies que la CDP génère également, poursuit le professionnel, grâce à son rôle dans l'automatisation des process, à l'instar de l'agrégation de fichiers. Mais, l'outil permet aussi de baisser les coûts de prospection : "Le marketeur sait alors quels sont les canaux ou les cibles les plus efficaces, prône Christophe Cousin, et n'enverra ainsi pas d'e-mail à une personne qui ne les ouvre pas".
Autres résultats : l'augmentation des ventes et du panier moyen, ou encore, de la connaissance client, "un indicateur plus difficile à quantifier". Grâce à la personnalisation des campagnes par la CDP, Christophe Cousin note, ainsi, une augmentation du panier moyen de l'ordre de 20 % dans le retail, mais également des économies en termes de masse salariale - ½ ETP environ, grâce à l'automatisation. Le ROI n'est pas immédiat - "Il s'agit d'un projet d'entreprise, relève Christophe Cousin , mais il coûte parfois plus cher de ne rien faire, notamment au regard des sanctions du RGPD en cas de non-conformité."
4. ...Ou sur une DMP
"Quand une entreprise a vérifié que la technologie choisie correspond à son besoin et fonctionne, la clé de réussite d'un projet data est l'exécution de celui-ci, et donc la gouvernance déployée", rappelle Frédéric Olivennes, directeur général France de Weborama, et partenaire d'EDF dans la mise en oeuvre de sa Data Management Platform (DMP). Le premier fournisseur d'électricité en France fait partie des bons élèves, pour Frédéric Olivennes, qui salue "le cadrage du projet par EDF et sa capacité à se mettre en mode projet, avec toutes les parties prenantes - prestataire, agences, directions métier - afin d'associer à une vision en levier d'activation une vision en audience." Car, "une DMP ne doit pas être un projet en chambre qui relève de la R & D", glisse le DG France de Weborama. EDF s'est ainsi lancé dans le projet DMP en 2016, avec de premières activations en 2017, réfléchies bien en amont avec son agence fif ty-five.
"Nous avions la volonté de rentrer dans le good mood du moment, à savoir le bon message, à la bonne personne, au bon moment, témoigne Raphaël de Boishéraud, responsable acquisition digitale d'EDF. L'enjeu était de prime abord marketing, à savoir adresser nos cibles sans les sur-solliciter et ne pas entacher l'expérience client." Premier cas d'usage déployé : la captation des Français en phase de déménagement, soit 3 millions de personnes par an. "Dans le cadre de notre expérimentation de partenariat 2nd party data, nous travaillons avec des acteurs de plusieurs secteurs pour qualifier ce moment de vie, explique Raphaël de Boishéraud. Nous avons ainsi constitué différents segments avec les données 1st party de nos assets digitaux mettant en évidence une appétence plus ou moins forte à la future souscription d'un contrat d'énergie. Ces audiences étant activées à date sur les leviers search et programmatique."
A près un an de rodage, EDF constate une augmentation des conversions et une baisse des coûts. Ainsi, sur du search et du display, dans une logique de retargeting boosté publicitaire - audience de retargeting plus fine grâce à la DMP -, le taux de conversion s'établit à +22 % en volume et -36 % en coût. "Un autre ROI important est l'infusion du digital, enclenché par la DMP, au sein de l'entreprise" , complète le responsable acquisition digitale.
5. Passer au CRM onboarding
Projet data réservé aux marques matures, le CRM onboarding oeuvre à réconcilier les données offline et online des clients. Temelio, société qui a intégré une brique d'onboarding depuis 2014, vient en aide aux marques qui disposent d'une grande base de données clients et ont une approche de fidélisation et d'acquisition, pour leur insuffler une culture d'omnicanalité - la fameuse vision à 360° du client. Attention, "l'onboarding reste une fonctionnalité, un moyen, et non une finalité", rappelle Nicolas Blandel, cofondateur et CEO de Temelio, qui mesure la valeur de la réconciliation sur l'acte d'achat réel (up-sell ou cross-sell) mis au regard de la pression commerciale exercée par la marque. "Nous conseillons de ne pas mener d'action d'onboarding sans un test de contrôle, précise Nicolas Blandel. Le principe : nous prenons un segment inactif pendant 12 mois, et en activons un échantillon en média. Puis, nous regardons les différences de comportement et l'incrément réalisé", poursuit le CEO de Temelio, qui promet un chiffre d'affaires additionnel de 10 à 20 %, en moyenne, et une opérabilité en 48 heures.
Cliente de Temelio, l'enseigne Intersport a souhaité prouver la complémentarité des canaux online et offline auprès de ses franchisés. Pour exploiter le potentiel de sa base de 5 millions d'encartés et mener des campagnes display personnalisées et cross-device, Intersport a digitalisé ses données. Puis, a réconcilié les données online (l'exposition à une bannière display, par exemple) aux données offline (les informations de sortie de caisse, après l'exposition à la campagne). Résultat : un contenu panier en hausse de 15 % sur les clients ciblés vs les clients encartés non exposés, et un revenu par client de +14 %.
Pour aller plus loin :