Ipsos prédit une année 2012 plus humaine
Publié par Catherine Heurtebise le | Mis à jour le
Ipsos Public Affairs identifie six tendances internationales clés autour du thème de la "réhumanisation". L'effet boomerang d'une connexion outrancière.
Ipsos Public Affairs identifie dans de nombreux domaines les signes avant-coureurs du retour à l'humain, à travers Trend Observer (*) "Jamais la demande d’humain n’a été aussi forte que ces derniers mois au sein des sociétés développées", insiste Rémy Oudghiri, directeur du département Tendances & Insights en rappelant les particularités de l'année 2011 : Printemps arabe, Fukushima, Affaire DSK, Berlusconi, crise de l'euro, mouvements des Indignés...
En toile de fond : la course à la connexion : les ventes de tablettes et de smartphones ont dépassé celles d'ordinateurs, on passe d'internet au mobile, virtualisation (Facebook crée sa monnaie...). Pour Lise Brunet, directrice d'études, cette révolution ne pouvait que susciter un besoin de "recréer du concret, des contacts physiques, de rehumaniser". des exemples parmi d'autres : McDo teste en France le service à table, les joueurs de jeux video on line se donnent des RV physiques via une appli... La performance à tout prix a ses limites. Les gens assistent en spectateurs à une course à la technologie. « On veut des gens derrière les machines », résume Lise Brunet. On consacre moins de temps aux autres. 30% des Français passeraient moins d’une heure par jour avec leurs enfants. Pour vivre mieux, les femmes auraient besoin de 4 h 54 de plus par jour (3 h 36 pour les Françaises) et les hommes de 5 h 06 (4 h 24 pour les Français).
En conclusion, on sera de plus en plus connecté mais l’humain sera de plus en plus fort. Des humains parlent aux humains. Concret, émotion, lien, douceur, empathie, stabilité… sont les nouveaux mots aspirationnels.
Les six tendances décryptées par Ipsos avec, en fil rouge, le facteur H (pour humain)
La société de la connexion généralisée crée un besoin croissant de relation humaine
La place grandissante de la technologie dans nos vies suscite, en réaction, le besoin d’expériences concrètes, le retour à la réalité « physique », et la valorisation du plaisir et de l’émotion. Ce constat, cumulé à la virtualisation, renforce l’impression que le digital se substitue de plus en plus à l’humain. De fait, les individus, même s’ils ne développent pas un sentiment « anti-technologique », ont conscience de passer de moins en moins de temps ensemble. En France, 60% des personnes interrogées par Ipsos le constataient en 2006. Ils sont 73% en 2010. Le dernier rapport du médiateur de la République a constaté une hausse de 7% des réclamations à propos du manque de moyens « humains ». « On ne gère pas les souffrances de la société par le tout technologique », indique le rapport. Et demain ? « On va peut-être vers une fusion humain/technologie ? » s’interroge Rémy Oudghiri.
Les individus, de plus en plus méfiants, sont en quête de réassurance via la proximité humaine
Face aux crises en tout genre des derniers mois (alimentaires, financières, dettes…), la méfiance des consommateurs n’a cessé d’augmenter : tout ce qui est « global » semble échapper au contrôle des individus comme des institutions.
Retrouver la confiance : telle est la priorité, qui s’incarne dans des demandes accrues de traçabilité, de retour au local, de « made in France », bref d’une consommation à visage humain.
Syndrome Dexia, variations climatiques. De plus en plus de personnes se disent dépassées. « Une étude que nous avons réalisée pour la Foire de Paris révèle qu’un Français sur deux dit qu’il faut aller moins vite », note Lise Brunet, en donnant l’exemple des mori girls, cette association de filles de la forêt au Japon qui revendiquent de pouvoir prendre leur temps. Aux USA, le Mariott Renaissance Hotel propose à ses clients de déposer leurs appareils technologiques à l’arrivée. Les nouvelles du monde auxquelles le citoyen-consommateur est quotidiennement exposé (variations permanentes des cours boursiers, des matières premières, etc.) font irrésistiblement penser au mouvement du « yoyo ». Le besoin de stabilité et de cohérence est de plus en plus ressenti et exprimé dans les enquêtes.
Cela passe notamment par une envie de réduire sa vitesse, reprendre le contrôle sur sa vie, renouer avec son histoire pour réintroduire de la continuité dans une existence « trouée » de toutes parts. Les consommateurs ont à cœur de transmettre des valeurs, notamment en optant pour des produits qui possèdent un héritage et qui reposent sur un savoir faire authentique.
Le sentiment que l’agressivité des gens ne cesse d’augmenter provoque la nostalgie des « bonnes manières »
Signe de la hausse de la méfiance : les ventes de coffre-forts ne se sont jamais aussi bien portées (+20%), l’or est une valeur refuge (JP Gaultier a même siglé un lingot). Crise du concombre, du lait infantile, du Bisphénol A… Les stress alimentaires se suivent. Les consommateurs se rassurent dans le bio et le local. Les formats de proximité se multiplient : Auchan à 2 Pas, Carrefour City, Casino Shopping, Daily Monop…
Le « manque de savoir vivre, l’agressivité des gens » sont cités comme la première source de stress en France, en Grande Bretagne ou en Allemagne (cités respectivement par 60%, 59% et 47% des personnes interrogées). C’est la deuxième source de stress aux Etats-Unis (50%). En France notamment, l’agressivité est particulièrement mal ressentie dans un environnement social qu’elle perçoit de plus en plus comme insécurisant. Face à ces évolutions, les personnes interrogées expriment une attente accrue de politesse et de civilité. Les consommateurs ont l’impression d’être agressés. Et la politesse, valeur désuète, réapparait : au Japon, les agences matrimoniales misent sur cette valeur refuge. En France, la RATP invite les voyageurs à faire attention aux autres dans sa campagne contre les incivilités, sorite du « Petit Eloge de la gentillesse », du livre « Le Principe de la délicatesse » de Michel Delon, du film « La délicatesse »… Benetton va plus loin avec sa campagne Unhate.
L’ère de la « performance insignifiante » engendre le désir d’humaniser les progrès technologiques
La spirale de la performance a de moins en moins de sens aux yeux des individus. Ils sont ainsi 35% en France à se sentir « de plus en plus dépassés » depuis 2005 face aux nombreuses prouesses scientifiques ou techniques, qui selon eux, n’apportent pas de bénéfices tangibles. Toujours plus vite, plus optimisée, plus rationnelle, la technologie « oublie » progressivement les humains. La place dévolue à l’improvisation, à l’incertitude, à l’erreur est de plus en plus marginale.
Cette situation engendre une recherche forte de lisibilité et de sens et ce auprès de toutes les générations.
Les individus ont de plus en plus de mal à accorder leurs emplois du temps les uns avec les autres et à entretenir des relations suivies (trop de sollicitations, trop de contacts, manque de temps). Ainsi 34% des Français ont-ils « l’impression de voir de moins en moins de gens ». L’une des raisons à ce constat vient du grand nombre de projets que les individus poursuivent. De fait, 59% des Français âgés de 15 ans et plus reconnaissent qu’ils ont « trop de choses à faire dans leur vie ».
Se retrouver ensemble est un besoin croissant : « passer beaucoup plus de temps en famille » est ainsi plébiscité par 74% des Français.
(*) Chaque année depuis 1997, Trend Observer détecte, explicite, et hiérarchise les tendances qui vont se développer dans le futur. L’analyse repose sur plus d’une soixantaine d’interviews conduites dans six pays auprès de trend setters et d’experts ainsi que sur une veille annuelle réalisée dans chaque pays. L’étude est reconduite chaque année. Périmètre géographique en 2011 : France, Grande Bretagne, Suède, Italie, Etats-Unis, Japon.