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[Media] La bataille de la valeur

Publié par Maud Vincent le | Mis à jour le

Entretien avec Xavier Romatet, le p-dg du groupe de presse Condé Nast, l'un des trop rares acteurs à croire que la valeur ne constitue plus un luxe. À l'heure du digital, il s'oppose à la réduction des coûts à tous crins.

Prise dans une mutation qui n'en finit pas, la presse est un secteur à bout de souffle. À contre-courant de cette transformation marquée par une réduction des coûts, Condé Nast France continue d'investir massivement dans ses contenus print, digitaux et hors-média. Cette "bataille de la valeur" que mène Xavier Romatet, l'éditeur de Vogue, AD, GQ, Glamour et Vanity Fair, paie. Selon une étude TNS Sofres datant de novembre dernier1, la qualité des contenus rejaillit sur la performance publicitaire. Une stratégie à méditer au sein de groupes qui font du low cost une signature.

À l'ère du Web 2.0, la création de valeur se situerait davantage dans la circulation des contenus et dans leur rayonnement. Dans ce contexte, quelle est la valeur de la presse magazine aujourd'hui et à venir ?
Xavier Romatet : Je pense exactement l'inverse. Le développement fulgurant de la consommation d'informations sur le digital, qui se traduit par une profusion d'informations non hiérarchisées et une forme de fausseté - il s'agit avant tout d'être le premier à diffuser l'information, peu importe qu'elle soit vérifiée -, renforce le rôle prescripteur de nos magazines. Plus il y aura de médias digitaux axés sur l'immédiateté, plus on aura besoin de ce qu'apportent les marques de presse haut de gamme, à savoir de la hauteur, de la réflexion, un parti pris et de la création. La différence crée la préférence, comme le montre Vanity Fair, mélange unique de glamour et d'investigation.

Vous ne croyez donc pas à la mort du papier ?
L'univers de la presse est large, mais sur le segment qui est le nôtre, ce n'est pas ma conviction. Ce qui fonde notre légitimité, c'est le magazine. Ceux qui ont abandonné le papier pour n'aller que sur le digital, comme Business Week, ont échoué. Son pouvoir symbolique reste intact. Condé Nast a besoin de la force de l'imprimé car, comme toute marque de luxe, il nous faut un ancrage matériel et des rites de célébration. Si le digital est indispensable pour faire rayonner nos marques, l'influence vient avant tout du papier.

Quelle place accordez-vous au numérique dans cette stratégie ?

Ce sont les marques qui sont au coeur de la stratégie du groupe, pas le digital. Celui-ci est un moyen d'expression supplémentaire et, bien sûr, crucial pour nos marques, car il permet l'engagement et propage le contenu. Nos magazines ont évidemment une traduction digitale (version enrichie sur tablette, site internet et site mobile) et nous menons une stratégie d'hyperdistribution de nos contenus, en étant présents sur l'ensemble des kiosques numériques et des devices. Le digital est un moyen de rayonnement. Il représente environ 10 % du chiffre d'affaires de Condé Nast international.L'entretien a eu lieu le 20 novembre 2014, veille de la présentation des résultats de l'étude TNS Sofres commandée par Condé Nast : "Image des marques magazine et efficacité publicitaire".

1Etude TNS Sofres commandée par Condé Nast : "Image des marques magazine et efficacité publicitaire".

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