Efficacité de la publicité digitale : la transparence des mesures est indispensable
Publié par Arabella Ignatieff le - mis à jour à
Si le passage de la publicité "traditionnelle" à la publicité digitale a permis de multiples avancées, cela s'est également accompagné d'une difficulté accrue à connaître véritablement son audience. Il est urgent d'y apporter transparence et clarification, tant pour les annonceurs que les agences.
Avant l'arrivée du digital dans la publicité, les choses étaient claires: les annonceurs étaient précisément au courant du lieu, de l'heure et du format de la parution de leur publicité. Avec l'arrivé de l'achat programmatique, il est devenu quasiment impossible pour les annonceurs d'obtenir ces informations. Comme l'explique Fred Cavazza dans son article Faisons-nous trop confiance aux machines, "avec l'avènement de l'achat programmatique, les produits de ciblage publicitaire et de personnalisation sont de plus en plus complexes. Ils sont surtout la résultante d'un assemblage de nombreuses briques technologiques, formant un mille-feuille dont nous n'avons plus réellement le contrôle". C'est assez inquiétant.
Le système est devenu de plus en plus automatisé et, par voie de conséquence, de plus en plus opaque.
Dans les faits, connaître son audience véritable est plus que difficile pour trois raisons. Tout d'abord, une partie des publicités est mal dispatchée sur des sites inappropriés. En tapant "Viagra", par exemple, dans la barre de recherche de Google, on a pu tomber sur une publicité de Vichy... Ce qui est fort dommageable pour l'image des marques.
Une autre possibilité est que le lien de la publicité "back link " soit mis sur une page cachée du site. Conséquence: le consommateur ne verra jamais la publicité, mais le lien est bien comptabilisé comme étant présent.
Enfin, il y a les robots. Ce phénomène est important puisque 51,8% des visiteurs de sites sont des robots, selon le Blog du modérateur. Parmi ces robots, il y a ceux qui sont du côté clair de la force (ceux qui permettent d'indexer les sites) mais il y a aussi ceux qui sont du côté obscur (les robots qui se font passer pour des internautes).
En outre, les consommateurs sont littéralement inondés de publicités provenant de marques lorsqu'ils naviguent sur la toile. Ils ont donc développé une faculté permettant d'éviter de voir les bannières, que l'on nomme "banner blindness". Enfin, les internautes utilisent de plus en plus massivement les bloqueurs de publicité, les fameux "adbloquers". Par conséquent, les expérimentations de Facebook sur son fil de news pour influencer l'humeur de ses membres ne permettent pas de créer une relation de confiance, comme le révèle cet article du Guardian.
Le système est devenu de plus en plus automatisé et, par voie de conséquence, de plus en plus opaque. Aussi les annonceurs commencent-ils à se mobiliser car c'est pour eux une question de survie, mais surtout une question financière. En effet, les investissements dans la publicité digitale sont conséquents, avec 1,651 milliard d'euros de chiffre d'affaires net au premier semestre 2016, d'après les chiffres de l'Observatoire de l'e-pub réalisé par pwc pour le SRI en juillet 2016.
Pour aller plus loin
De l'obscurité à la transparence
Le sujet de la fraude en ce qui concerne la publicité était jusqu'à présent un sujet extrêmement tabou, mais il est devenu récemment un sujet de préoccupation. Des articles écrits par des experts dans le domaine ont commencé à apparaître sur le sujet en 2016. D'un autre côté, les annonceurs ont commencé à se rebiffer, notamment le directeur des données des médias digitaux de Ford, Pierre Louis Fontaine, qui s'exprimait le 13 avril 2016 lors de la conférence ATS Paris.
Marc Pritchard, le chief brand officer de Procter et Gamble, a quant à lui demandé à Facebook et Google plus de transparence dans leur mesure d'efficacité. Pour atteindre cet objectif il leur a demandé d'utiliser des organismes indépendants. En outre, tous ses fournisseurs vont devoir obtenir la certification TAG. Celle-ci oblige les compagnies à fournir une plus grande garantie de sécurité à la marque que ses annonces n'apparaitront pas à côté de contenus qu'elle juge inappropriés.
Enfin, des annonceurs se sont associés avec des entreprises qui proposent des solutions pour mesurer l'audience véritable de la publicité et pouvoir ainsi mieux analyser son efficacité.
Un avantage pour les annonceurs et les agences de publicité
Ce travail pour obtenir une transparence dans la publicité digitale de la part des annonceurs, des agences et des éditeurs est très positif puisqu'il permet d'un côté d'améliorer le ciblage des publicités donc leur pertinence pour les internautes. Pour les agences, cela leur permet de proposer une mesure juste de leur service et d'améliorer leur réputation, idem pour les éditeurs. Enfin, cela permet aux annonceurs de payer uniquement pour de la publicité qui a été effectivement regardée par les internautes et donc d'optimiser leur budget publicitaire (seules 35% des bannières placées sont réellement vues si l'on en croit l'agence britannique Lumen). En outre, cela leur permet de développer une relation de confiance avec les agences et les internautes!
Dans un environnement ultra compétitif pour les annonceurs et un scepticisme généralisé de la part des internautes vis à vis de la publicité et des marques, cette clarification des mesures d'efficacité de la publicité digitale est une excellente nouvelle qui va permettre à tous les acteurs d'interagir de manière transparente pour pouvoir redonner à la publicité digitale son but premier, qui est de développer les marques et les ventes. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'a été voté le décret du 9 février 2017, applicable à partir du 1er janvier 2018, qui étend la loi Sapin à la publicité en ligne et obligera notamment les prestataires à fournir des indicateurs de performance mais aussi la liste des outils technologiques utilisés et des acteurs de conseil mandatées pour la réalisation des campagnes.
À propos de l'auteur
Après avoir exercé comme chef de produit dans le domaine de la grande consommation et de l'agroalimentaire, Arabella Ignatieff est partie neuf ans au Canada. Elle est maintenant enseignante chercheuse à l'Institut Supérieur de Gestion à Paris en marketing digital.