Comment Smiley réaffirme son rôle d'icône de la pop-culture ?
Publié par Clément Fages le | Mis à jour le
Pour fêter ses 50 ans, la marque déposée Smiley multiplie les activations destinées à réaffirmer son importance culturelle, mais aussi à développer ses partenariats commerciaux et son chiffre d'affaires. Nicolas Loufrani, fils du créateur de l'ancêtre des émoticones, détaille son plan de communication.
En 1972, Franklin Loufrani, journaliste chez France-Soir, avait la bonne idée d'utiliser un Smiley pour illustrer les bonnes nouvelles qu'il partageait dans le titre, à l'époque où ce dernier prêtait encore à sourire. Le design n'est pas nouveau, mais il sera alors pour la première fois déposé. En 50 ans, l'ancêtre des émoticones a fait du chemin, et chacun aura un souvenir spécifique associé aux symboles : beaucoup les utilisent au quotidien pour ponctuer leurs conversations en ligne, mais certains se souviendront de leur utilisation par la mouvance hippie et anti-guerre aux Etats-Unis, ou par les groupes de la scène acid-house britannique dans les années 70.
D'autres citeront le Smiley servant de logo au groupe Nirvana à partir de 1991, ou sa mise en scène en 1994 dans Forrest Gump, qui en aurait été l'inventeur. Enfin, de la robe Smiley designée par Jean-Charles de Castelbajac à son utilisation dans le film Les Intouchables, en passant par ses détournements dans le cadre du comic Watchmen ou encore d'une collection capsule de Marc Jacobs... qui voudra au créateur un procès pour plagiat.
Smiley fait vendre pour 350 millions d'euros de produits dérivés en 2021
Fondée dans les années 90 par Franklin Loufrani et son fils Nicolas, la Smiley Company possède les droits sur le célèbre logo dans plus de 100 pays, réussissant à bâtir une affaire prospère : au-delà des montants récupérés devant les tribunaux, la marque collabore avec près de 400 partenaires licenciés dans le monde, lesquels réalisent grâce à leurs produits floqués d'un Smiley un chiffre d'affaires qui s'élève en 2021 à 350 millions d'euros. De son côté, Smiley Company a touché la même année 16 millions d'euros de royalties.
Mais contrairement à d'autres ayants droit, l'entreprise emploie des designers pour élaborer la charte graphique et collaborer avec ses licenciés. "Plus de la moitié de notre activité est réalisée avec les enseignes de mode, mais nous travaillons aussi avec des marques de distributeurs, ou encore avec les industries du cadeau, de la décoration ou de la beauté. Au total, nous avons développé des dizaines de milliers de produits. Nous sommes assez proactifs dans la recherche de partenaires avec lesquels nous souhaitons co-créer, dans le respect de notre charte et de notre identité axée sur la positivité", explique Nicolas Loufrani.
Il capitalise autant sur ce positionnement pour expliquer la croissance de la marque que pour imaginer les festivités autour de ses 50 ans : "Quand on observe les récents anniversaires de marques comme Mickey chez Disney, Hello Kitty ou encore Rubik's Cube, sur lequel j'avais collaboré, on se rend compte que ce n'est pas l'anniversaire qui intéresse le public, mais l'expérience qu'on va lui offrir. Bien sûr, nous allons mettre en avant notre histoire, mais nous allons surtout insister sur ce que nous faisons aujourd'hui pour redonner le sourire à chacun ! Cela passe par la sortie du livre 50 years of good news, un clin d'oeil à l'origine du Smiley, mais aussi par les activations que nous faisons en street art avec André Saravia, ou encore dans la musique avec David Guetta."
Un partenariat monté par l'intermédiaire de l'agence My Love Affair, est qui est un des axes forts du dispositif des 50 ans, pour lequel Smiley Company a prévu un budget marketing "très important". Depuis le 1er janvier, le Smiley revisité par "Mr. A" est par exemple projeté dans des lieux iconiques au travers le monde, mais aussi lors des concerts de David Guetta, tout en apparaissant dans son clip Silver Screen et les campagnes mise en place par les licenciés comme les Galeries Lafayette, qui offrent ainsi un précieux relai de visibilité. Sont également associées à l'opération une cinquantaine de marques comme Eastpack ou Reebok.
Smiley se repositionne sur les univers sport, streetwear et lifestyle
Des partenariats caractéristiques de l'évolution de la stratégie de la marque ces dernières années : "Il y a trois ou quatre ans, nous avons décidé de recentrer le positionnement de Smiley Original, le design de mon père, sur les segments sport, streetwear et lifestyle, avec une approche par le haut, en collaborant avec des marques iconîques. Nous avons fait une montée en gamme, sans montée en prix", avance Nicolas Loufrani, expliquant l'intérêt de ces marques par l'augmentation des interactions avec leurs publics : "Auparavant, une marque ne prenait la parole qu'au travers de 3 à 4 vagues de communication annuelles. Aujourd'hui, elles le font chaque jour sur les réseaux sociaux. Elles ont besoin de storytelling, car elles réalisent que ce qu'elles avaient l'habitude de dire n'intéresse plus les nouvelles générations, qui sont tournées vers la culture urbaine ou encore les univers gaming et numérique. Elles se tournent donc vers des artistes, des influenceurs, ou d'autres marques comme la nôtre pour faire du co-branding."
D'où le repositionnement de Smiley Originals sur ces univers. L'autre partie de l'entreprise, Smiley World, qui comprend les déclinaisons de Smiley en émoticône et en 3D, "et qui a auparavant représenté jusqu'à 80 % de notre business, été trop concurrencé par des produits reprenant des emojis génériques et qui ont inondé le marché il y a quelques années", indique Nicolas Loufrani. Aujourd'hui, Smiley World ne pèse plus que 60 % des produits vendus sous licence, alors que le patron de Smiley Company rappelle sa volonté de sortir du discours "émoticône", pour s'orienter sur l'intelligence émotionnelle : "le vivre ensemble, l'empathie et les interactions positives... C'est ce dont nous avons malheureusement de plus en plus besoin aujourd'hui, alors qu'il se passe des choses terribles dans le monde."
Bientôt le Smiley en NFT
On pourrait s'étonner de ne pas encore retrouver Smiley Originals sur la blockchain. "Le projet est en phase de callage" nous rassure Nicolas Loufrani, qui révèle que les dessins originaux à la base des premiers émotîcones, qu'il considère comme "le plus grand phénomène viral du digital" et la base d'un nouveau langage universel, sont en train d'être tokenisés. "Nous sommes en train de réfléchir au projet artistique et à la valeur que nous allons donner à ces NFTs. On voit émerger tout et n'importe quoi en matière de projets, et l'offre sur ce marché et plus importante que la demande." Le projet sera dévoilé dans les prochains mois.