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[Tribune] Pourquoi l'État français veut-il réglementer les influenceurs ?

Publié par Gwarlann de Kerviler, Associate Professor of Marketing at IESEG - HDR (Habilitation Diriger la Recherche) le - mis à jour à

Influence et législation

L'État a lancé une consultation nationale pour recevoir des propositions de la part des consommateurs concernant l'encadrement réglementaire du marketing d'influence et des influenceurs.

L'objectif affiché du gouvernement est de proposer une réglementation protectrice des droits et des devoirs de chacun autour de 4 thèmes : droits et obligations de l'influenceur, protection des consommateurs, protection de la propriété intellectuelle et gouvernance du secteur. Est-ce vraiment une bonne idée ?

"Oui, car les efforts envers plus de réglementation répondent à de vrais besoins."

Tout d'abord, il semble légitime que l'État s'empare du sujet de la législation quand il n'existe pas encore spécifiquement de lois. C'est le cas pour un influenceur, même si certaines règles plus générales s'appliquent. Tout d'abord, prenant la parole dans un espace public, il doit respecter le droit à l'image, d'auteur ou encore la liberté d'expression, et ne pas oublier que les contenus qu'il publie l'engage. D'autre part, s'il publie du contenu publicitaire, il doit respecter la loi de 2004 sur la transparence et informer du caractère sponsorisé. Cependant, les messages commerciaux apparaissent parfois parmi du contenu non sponsorisé, rendant la distinction difficile. Cependant, un influenceur n'est pas un journaliste et il n'est pas soumis aux mêmes contraintes, notamment en ce qui concerne la vérification des informations. Dès lors, un encadrement plus strict paraît nécessaire.

Par ailleurs, dans mes recherches sur les comportements des consommateurs, j'ai pu constater combien les jeunes souhaitent exprimer leurs opinions et être entendus par les marques, les acteurs publics, les professionnels du marketing, etc. Ils veulent être parties prenantes des décisions qui les impactent. Dès lors, leur proposer une participation au développement des règles répond à ce besoin. D'autant plus qu'en tant qu'utilisateurs des réseaux sociaux, ils ont un avis éclairé sur les usages qu'il est pertinent d'écouter.

Enfin, cette consultation est un outil de communication large qui peut permettre de sensibiliser les jeunes. La génération Z est une cible prioritaire du marketing d'influence mais n'est pas toujours bien informée sur les risques. La consultation est une occasion d'apporter des informations sur les pratiques des différents acteurs et sur leurs obligations.

"En revanche, il existe des risques pour l'État de s'engager sur cette voie."

Tout d'abord, les promesses risquent de ne pas être tenues alors que la concertation peut nourrir de nouvelles attentes. La première difficulté est de réguler une activité aux contours flous et dont les pratiques évoluent rapidement. Comment traiter un influenceur virtuel par exemple ? Comment savoir quelle loi nationale s'applique à une publication sur un réseau social - celle du pays de résidence de l'éditeur ou celle du pays de résidence de l'utilisateur ? D'autre part, il peut être compliqué de faire appliquer la réglementation, comme on le voit avec l'obligation de transparence en ce qui concerne les contenus sponsorisés.

Malgré des améliorations, une partie des contenus sponsorisés ne sont pas présentés comme tels et sont donc difficiles à repérer ou sanctionner. Des stratégies de contournement pourraient émerger si la mise en oeuvre des règles n'est pas accompagnée d'un véritable effort pour expliquer les bénéfices, notamment en termes de confiance retrouvée.

Par ailleurs, les influenceurs souhaitent être considérés comme des créateurs passionnés et ayant un contenu original. Dès lors, un cadre réglementaire trop stricte peut gêner la stimulation créative qui émergent dans les zones floues où les choses ne sont pas encore écrites. Il faut donc trouver un bon équilibre pour laisser cours à une certaine liberté créative.


L'auteur : Gwarlann de Kerviler

Titulaire d'un doctorat en Management Sciences de Dauphine Université, d'un MBA de Harvard Business School et d'un Master de l'ESSEC, Gwarlann de Kerviler poursuit ses travaux de recherche sur les désirs des consommateurs en termes de marketing expérientiel, d'authenticité et d'éthique, et étudie les réactions des clients aux programmes de fidélité, au marketing d'influence...

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