Idée.zip n°1 : « L'acte d'achat : un processus à deux vitesses ? »
Publié par Richard Bordenave, directeur marketing et innovation du groupe BVA le | Mis à jour le
Le directeur marketing et innovation du groupe BVA, Richard Bordenave, analyse une idée force du best-seller de Daniel Kahneman ("Système 1, Système 2, les deux vitesses de la pensée") appliquée au marketing.
Comment l'économie comportementale peut-elle transformer le marketing ? En complément de la nouvelle rubrique idée.zip parue dans le numéro 162 (pages 16/17) de "Marketing Magazine", Richard Bordenave, directeur innovation et marketing du groupe BVA, nous livre ici sa "critique" de l'ouvrage Daniel Kahneman, "Système 1, Système 2, les 2 vitesses de la pensée" qui vient de paraître en français chez Flammarion.
"Et si l’évolution nous avait dotés de deux systèmes pour prendre nos décisions ? C’est ce que nous propose Daniel Kahneman dans son livre "thinking fast and slow" (les deux vitesses de la pensée) :
Le système 1, en permanence connecté à nos sens, opère automatiquement, évalue intuitivement l’environnement, avec des règles d’approximation et des associations qui lui permettent de prendre des décisions très rapides, sur lesquelles nous n’avons que peu de prise consciente.
Le système 2, mobilisé plus ponctuellement, demande de l’effort, s’occupe des opérations complexes, calcule, formalise le jugement dans un dialogue avec le système 1 (qui a lui plutôt tendance à sauter aux conclusions). Après délibération, il sait alors en verbaliser le résultat.
Kahneman montre que deux facteurs conditionnent la voie d’aiguillage du système 1 vers le 2, et l’influence de chacun dans nos décisions : le contexte (environnement physique et attentionnel) et surtout le temps mobilisé pour traiter l’information.
Conséquences pour le marketing ?
Nous nous identifions tous bien volontiers au système 2, celui de notre jugement rationnel (lent). Or c’est le système 1, celui de l’intuition ou de l’émotion (rapide), qui oriente d’abord nos choix, et souvent bien malgré nous. Pourtant beaucoup de méthodes d’études se limitent aujourd’hui à n’interroger que le système 2 du consommateur avec des questionnaires faisant abstraction des effets de contexte, de durée et d’attention. C’est la raison pour laquelle remettre le consommateur dans un scenario au plus près de la vraie vie, et observer son comportement en contexte, préside à la fiabilité de nos modèles de prédiction chez BVA. Les nouvelles technologies de recueil (micro-caméras, smartphone) et l’afflux de données digitales (navigation, données transactionnelles et bientôt internet des objets) sont autant d’opportunités pour capturer ce comportement dans nos design d’études. Car si le marketing doit devenir un facilitateur de choix il doit commencer par comprendre quelle pondération du système 1/ Système 2 est en jeu dans la décision d’achat de sa catégorie de produit.
En effet, les leviers d’action qui sont efficaces pour notre système 1 : ceux qui agissent en première impression, intuitivement, émotionnellement, s’opposent souvent aux logiques persuasives argumentées (orientées système 2) qui dominent pourtant dans les raisonnements marketing : ex le discours insight/bénéfice/preuve. De plus, en qualité d’institut, connaitre finement les « biais humains» de nos chemins de décision lors des moments de vérité d’un parcours d’achat, c’est éviter de s’attacher aux mauvaises causes tirées du discours du consommateur post-rationalisé. Mais c’est surtout le moyen de découvrir les véritables raisons non-verbalisables qui contribuent à la décision d’achat d’un produit ou service : facteurs environnementaux, filtres mentaux inconscient… Et ce afin de recommander les leviers d’action les plus efficaces car adaptés aux systèmes à l’œuvre dans nos têtes de consommateurs une fois en contexte".
Psychologue émérite et prix Nobel d’économie, fondateur de l’économie comportementale, il est ce mois-ci l’invité d’honneur du plus gros congrès mondial des Etudes marketing aux Etats-Unis (Market research Event). Ecoutez D. Kahneman présenter ses idées (dans un Français parfait) dans son interview sur France Inter. Ou bien découvrez ses conférences (en Anglais).