#OnetoOneBiarritz Comment bien co-évoluer avec les agents conversationnels ?
Publié par Barbara Haddad le - mis à jour à
Si la relation client intègre de plus en plus les interactions humain-machine, les échanges se veulent davantage humanisés, grâce à la capacité des agents conversationnels à être de plus en plus dans l'émotionnel et dans l'empathie. Explications avec Laurence Devillers, professeur en intelligence artificielle (IA), à l'occasion du One to One Biarritz.
"Êtes-vous humain ?" C'est la question qui suivra bientôt un "Bonjour, comment allez-vous ?", selon Laurence Devillers, professeur en intelligence artificielle (IA) à la Sorbonne Université et chercheuse au CNRS, spécialiste des interactions affectives humain-machine, dans un contexte où les échanges entre marques et consommateurs sont de plus en plus automatisés. Car les bots conversationnels font désormais partie intégrante de la relation client, que ce soit à l'oral ou à l'écrit : en première intention, bien souvent, pour apporter un premier niveau d'information à toute heure, ou à n'importe quel jour de la semaine, et participer ainsi à une plus grande disponibilité des marques. Pour autant, à force que la frontière entre interactions humaines et machine s'estompe, la pérennité d'une relation marque-client saine peut être remise en question.
Des robots qui s'adaptent en fonction de leur interlocuteur
"La tendance est à une détection plus fine de tout l'implicite et des émotions par les agents conversationnels, lors d'un appel notamment, ceci afin de mieux personnaliser les interactions et s'adapter à "l'humeur" du client. L'IA est ainsi plus humanisée, dans le sens où elle donne l'impression de comprendre et d'entrer en résonance avec ce qu'exprime le client", explique Laurence Devillers, rencontrée à l'occasion du One to One Biarritz. L'experte de l'IA cite 3 éléments indispensables pour qu'un robot conversationnel puisse être dans l'empathie : la présence de capteurs pour détecter les émotions, celle de processeurs pour analyser les paramètres recueillis et prendre une décision et, enfin, des "actionneurs" pour agir avec le monde réel et exprimer une réponse émotionnelle.
"Pour autant, rappelle Laurence Devillers, l'intelligence artificielle n'a aucune conscience, ni aucune morale. C'est un fait qu'il faut toujours garder en tête !" Mieux vaut donc ne pas trop s'attacher ou attribuer à l'IA une quelconque faculté de sentiment. Une "dérive" que l'on retrouve pourtant, au Japon notamment, avec l'initiative Gatebox qui propose d'acheter une assistante intelligente présentée sous la forme d'hologramme enfermée dans une box et qui peut rapidement être considérée comme une "copine virtuelle" après quelques semaines d'utilisation.
Nudge marketing : opportunité ou risque ?
"Du fait que l'intelligence artificielle s'adapte en continu à ses interlocuteurs, l'enjeu est désormais de s'assurer qu'il s'agit bien de la considération d'un contexte, de façon éthique, et non une incitation à un comportement en particulier, comme le passage à l'achat par exemple", poursuit la chercheuse. Les équipes en charge de l'élaboration et du suivi des agents conversationnels doivent donc toujours être vigilantes quant aux réponses apportées aux clients, pour s'assurer d'une bonne pertinence d'une part mais aussi de la non-présence d'une certaine manipulation naissante vers un type de réaction ou de comportement.
De l'importance de normaliser les pratiques
Risque d'effet "black box", biais possibles liés à une non-parité homme / femme - 90 % des codeurs sont des hommes tandis que 80 % des IA ont un nom féminin - ou encore à une qualité médiocre de données présentées pour l'apprentissage... "Les travers liés à l'utilisation de l'IA en relation client sont multiples, d'où l'importance de mettre en place des règles valables pour tous. Une des propositions est notamment d'effectuer un naming genré de façon aléatoire lorsque l'on crée un agent conversationnel, qui pourra ainsi être soit masculin ou féminin selon le tirage, mais de fait, cela remet une certaine équité", propose Laurence Deviller. Et de conclure : "Dans un monde futur où nous serons de plus en plus amenés à converser avec des intelligences artificielles, l'enjeu global est réellement celui d'une sensibilisation de la population, adultes comme enfants, sur ce qu'est une intelligence artificielle. Il faut sans cesse, rappeler, que même si la machine semble de plus en plus incarnée, elle n'en reste pas moins dépourvue de conscience et de sentiment".