Nicolas Franchet (Facebook) : "Ce n'est plus au dernier clic que l'on doit attribuer 100% de la valeur d'une vente"
Publié par Thierry Derouet le | Mis à jour le
Explications sur la stratégie publicitaire de Facebook avec son responsable monde Retail & eCommerce.
Nicolas Franchet est chez Facebook le " Global Head of Retail & eCommerce ". C'est donc la personne qui, pour tout Facebook, est en charge de définir depuis deux ans la stratégie retail et e-commerce, c'est à dire de définir des " verticales ". Objectif : offrir des solutions spécifiques à différentes catégories d'entreprises comme celui de l'automobile ou des services financiers... Mais aussi proposer les meilleures pratiques pour exploiter la plateforme Facebook. Avec 60% de son chiffre d'affaires qui provient du mobile, un trafic mobile qui explose (14 millions du trafic quotidien des 20 millions de Français se fait sur mobile), Facebook est l'un des acteurs qui sait aujourd'hui le mieux exploiter le potentiel publicitaire de ce nouveau canal. Un potentiel tiré par les utilisateurs de Facebook où en moyenne sur mobile, ils y vont quatorze fois par jour. Un chiffre qui surprend même Facebook. Compte rendu d'entretien.
emarketing : Que signifie pour vous cette notion d'engagement avec les marques ?
Nicolas Franchet : Une partie de mon rôle c'est de connecter ce nouveau media qu'est Facebook avec les intérêts spécifiques des acteurs de la grande distribution, que ce soit pour leurs activités en grand magasin ou en e-commerce. Et quand on prend cette notion d'engagement, Facebook n'a rien inventé. C'est quelque chose tout le monde a en tête dans sa stratégie depuis des années. Que cela soit en magasin ou sur d'autres canaux. L'idée, c'est de générer de l'engagement, qu'il s'agisse déjà de l'un de ses clients que de ses prospects. C'est un besoin primordial pour une marque ou pour un distributeur. Il y a une forme d'engagement qui existe sur Facebook, mais fondamentalement, nous ce que nous voulons, c'est que l'on regarde la plateforme Facebook comme une source pour votre marketing.
emarketing : La publicité sur Facebook répond-elle à une notion d'acceptation de la part de ses utilisateurs ?
Nicolas Franchet : Vingt millions de français se connectent aujourd'hui tous les jours sur Facebook dont quatorze millions sur mobile, le mobile jouant un rôle central dans l'expérience que nous proposons. Ce qui est primordial pour nous, c'est le respect de leur vie privée. C'est quelque chose auquel on tient beaucoup. C'est central dans nos valeurs et dans la relation que nous avons avec nos utilisateurs. Nous avons des données qui enrichissent ceux qui veulent adresser de la publicité. Nous pensons que la publicité peut être, d'une telle qualité avec le micro ciblage, qu'elle peut être aussi intéressante à regarder qu'un post provenant de vos contacts. Elle doit concurrencer une photo de votre famille, de vos copains... A côté de cela, le retargeting occupe une place de plus en plus grande sur votre mur. Et que cela soit d'ailleurs sur desktop ou sur mobile.
emarketing : Pour les marques Facebook n'est pas qu'un enjeu de retargeting publicitaire ?
Nicolas Franchet : Il y a sur Facebook autant l'idée de continuer la conversation avec les marques que de la démarrer. Il y a beaucoup de petites entreprises qui sont découvertes sur Facebook. Quand vous êtes petite entreprise, vous n'avez pas beaucoup de clients au départ. Vous pouvez sur Facebook, par exemple, cibler les mamans dans la région parisienne de 25 à 40 ans. Vous pouvez également utiliser vos propres données combinées avec Facebook en tant qu'audience personnalisée. Si vous avez une petite base de données, et que par exemple dans une base de données de 10 000 clients, vous en avez 2 000 qui sont vraiment vos bons clients, vous pouvez autant continuer le conversation avec eux que les exclure pour ne pas venir leur montrer votre publicité. Vous pouvez algorithmiquement trouver les gens qui sont le plus similaires à ces gens qui sont vos bons clients. On peut vous trouver le top 1% ou 2% des français qui ressemblent le plus à vos clients. C'est très fréquent pour les e-commerçants que d'utiliser ce moyen pour recruter de nouveaux clients. Après tout, on ne sait jamais vraiment qui sont ces personnes qui sont à même d'aimer vos services. Et avec cela, vous pouvez micro cibler avec tous les autres paramètres géographiques possibles. L'idée c'est de rentrer dans un marketing qui est de plus en plus efficient, car il est mieux ciblé.
emarketing : quel est l'engagement de Facebook vis-à-vis de ses clients ?
Nicolas Franchet : Nous parlons de gain d'efficience. La promesse elle est là. Nous mettons en place des outils pour que ce marketing digital soit plus efficient que sur les autres canaux (papier, radio, télé...). Au bout du compte, vous allez moins dépenser que dans le monde que nous sommes en train de quitter. Nous développons des outils pour effectuer le suivi de campagnes publicitaires qui sont optimisées. Par exemple, cela commence avec une enchère. Vous achetez une audience à l'enchère, vous faites une offre, vous dites j'ai un budget de 100 euros et je ne veux pas dépenser plus que vingt euros par jour par exemple. Nous avons un mécanisme qui vous permet de faire une enchère optimisée. Par exemple, vous voulez de nouveaux emails pour votre site Internet. La campagne va optimiser, en fonction de ses conversions, à partir du moment où vous mettez notre pixel sur votre site. Vous faites une publicité sur Facebook, les gens vont cliquer dessus, mais vous, vous ne cliquez pas dessus. Automatiquement la campagne va revenir vers des gens qui, comme vous, n'ont pas cliqué. Le contrat avec le client est simple : ce que l'on optimise, c'est ce que vous me dites d'optimiser. Vous pouvez optimiser pour des téléchargements de leurs applications mobiles, pour cliquer sur des vidéos sur Facebook, pour aller regarder une partie spécifique d'un site...
emarketing : Les algorithmes de Facebook sont sans cesse retravaillées ?
Nicolas Franchet : Nous cherchons à éviter le faux engagement. Constamment, nous améliorons votre fil d'actualité. A chaque fois que vous allez sur votre mur, l'algorithme de Facebook doit choisir parmi environ mille contenus et doit les organiser en fonction de l'engagement. Dans cette optique là, nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir un mécanisme polluant. C'est une technologie qui évolue vite. Nous sommes constamment en train de l'améliorer. Avec Facebook, on est à 1% du voyage !
emarketing : Quelles sont aujourd'hui les meilleurs pratiques que vous recommandez ? Le meilleur format publicitaire ?
Nicolas Franchet : Le format publicitaire le plus utilisé aujourd'hui c'est le " Link Ad ", tout est cliquable dessus. C'est celui là que je recommande le plus. Mais en fait, il y a beaucoup de combinaisons. Car cette notion de segmentation et de personnalisation est presque infinie.
emarketing : Quel est le message que vous aimeriez dire à un directeur marketing qui constate, par exemple dans l'hôtellerie ou les voyages, que cela n'est pas sur Facebook qu'il fait des ventes ? Et qui pourtant doit justifier ses dépenses et actions sur Facebook ?
Nicolas Franchet : L'hôtellerie ou les voyages c'est un bon cas de figure. Car voyager par exemple c'est quelque chose que vous faites une à deux fois par an. C'est une fréquence assez basse. C'est un coût assez élevé et quelque chose qui se prépare longtemps à l'avance. Vous cherchez des idées, vous cherchez des destinations. Les mécanismes d'attribution c'est certainement l'un des éléments les plus discutés actuellement. C'est, pour les responsables marketing, une question qui devient de plus en plus compliqué. Les gens passent d'un outil à l'autre, que cela soit leur PC, leur mobile, leur tablette... Mais aussi les journaux, la télévision, la radio... Et tout cela pour décider. Donc toutes les études que nous faisons démontrent que la décision commence bien avant l'endroit où vous êtes prêt à acheter un voyage. C'est une décision qui peut prendre plusieurs mois. Pour une voiture, c'est pareil. L'achat qui est supérieur à un certain montant, c'est tout sauf un achat impulsif. Il faut comprendre que le processus de décision du consommateur est quelque chose de complexe. Les marketeurs ont besoin d'un système d'attribution. Le système le plus usité, c'est le " last clic ", pour savoir d'où vient mon dernier clic. 100% de la valeur d'un achat est attribué à ce dernier clic. Nous, nous pensons que c'est une mauvaise méthode. Car elle part du principe que, quand vous vous offrez par exemple un bien à 2000 euros, la dernière chose que vous avez cliqué, c'est ce qui a créé 100% de la valeur. C'est faux. Pourtant, dans la plupart des modèles e-commerce, c'est 100%. Il y a cependant une véritable tendance de rééquilibrage qui est en train de d'opérer aujourd'hui. Il faut lier cette tendance avec le lancement de la plateforme Atlas, laquelle a été relancée chez nous cette semaine. Une plateforme qui n'est pas que pour Facebook. Car elle est compatible avec tous les acteurs digitaux. Et qui va permettre aux marketeurs, qui utilisent cette plateforme Atlas, de créer leur modèle multi linéaire en attribuant les bons coefficients. En fonction de segments. En fonction de ce qu'ils vendent. En fonction de la saisonnalité. Ici le voyagiste va pouvoir repenser son modèle d'attribution. Mais cela n'est pas un problème simple.
emarketing : Pour vous, la place du mobile est de plus en plus importante ?
Nicolas Franchet : Dans Facebook, nous avons créé un reporting qui prend en compte les différents devices. Vous pouvez suivre votre campagne publicitaire entre mobile et desktop. Pourquoi nous pouvons faire cela ? Et pas les autres ? C'est que nous, nous ne mesurons pas sur la base de cookies. 67% du temps selon ComScore, un achat démarre sur une plateforme et se termine sur une autre. De mobile à magasin. De mobile à desktop. De tablette à magasin... Tous types de combinaisons sont possibles. Le mobile change beaucoup de choses. La vente commence aujourd'hui bien avant que vous arrivez en magasin. La conversation doit sortir du magasin. C'est une problématique mondiale. Et les français sont plutôt bons. Le mobile est vraiment le liant entre le monde digital et le monde physique.
emarketing : Le e-commerce est mort, car c'est du commerce. Le marketing digital est mort, car c'est du marketing ?
Nicolas Franchet : Tout a fait ! C'est un phénomène mondial et pas spécifique à la France. Ce qui reste encore à faire, c'est au niveau organisationnel. Il faut aller vite. Plus vite. Plus fin. Il faut mesurer tout. Et il faut optimiser. Les gens qui vont faire cela très bien, seront les gagnants. Il faut que les marketeurs augmentent leur rééquilibrage entre le non digital et le digital. Pas que Facebook. Et dans cette approche, repenser leur organisation marketing, leur " go to market ". On est dans un monde qui est plus quantitatif. Et où les rôles de l'agence, de la mesure, de l'optimisation sont nouveaux. Cela va prendre du temps.