[Enquête] Mais qui a tué le Web ?
Publié par Thierry Derouet le - mis à jour à
Avec une application mobile et un peu de techno, moins de 35 personnes peuvent réinventer le monde et faire naître de nouvelles marques planétaires. Le marketing mobile bouscule tout !
Mais quel est ce titre annonciateur d'un Web en déclin ? Encore un truc de journalistes ? Non, c'est un nouvel état d'esprit. Un "mindset", comme on dit abusivement aujourd'hui. Le premier à avoir titré en septembre 2010, "The Web is dead" n'est autre que Chris Anderson, l'ancien rédacteur en chef de Wired. Depuis, lui aussi est parti, avec une idée en tête: "changer le monde en créant une entreprise pour faire voler, smartphone à la main, des drones". Mais ne nous trompons pas de sujet. Ce Web qui se meurt ne signifie en rien la mort de l'Internet. Nous assistons plutôt à la disparition progressive du navigateur roi, au profit d'un Internet cloisonné au sein de différents environnements web (notamment Facebook et Twitter), d'applications mobiles structurantes et d'applications étroitement associées au cloud. On constate également la disparition d'un Internet fixe au profit d'un Web qui est de plus en plus mobile.
Nous assistons à la disparition progressive du "navigateur roi", au profit d'un Internet cloisonné au sein de différents environnements
Un état d'esprit
Connaissez-vous Grace Choi et son imprimante à maquillage Mink ? Cette ancienne étudiante de l'université de Harvard pourrait faire vaciller certains empires industriels ! Grace Choi réussit à réduire le choix d'un bâton de rouge à lèvres à une seule et unique petite question : "Quelle couleur ?" La commercialisation de Mink est prévue pour 2015.
L'imprimante, vendue aux alentours de 215€ (hors consommables), structurerait à partir d'une base incolore et de pigments mélangés n'importe quel rouge à lèvres, gloss ou mascara... La couleur serait sélectionnée depuis une simple photo numérique ou à partir de la recommandation d'une amie... Les textures employées seraient aussi respectueuses de l'environnement qu'éthiques. Comparez cette simple idée à la dernière application proposée par l'Oréal "Make Up Genius" que vous trouverez sur le store d'Apple. C'est un fossé générationnel ! Comprendre le marketing mobile, n'est pas une question de moyens. C'est un nouvel état d'esprit.
L'imprimante à maquillage Mink
Si le Web a entamé, au début des années quatre-vingt-dix, une fantastique révolution planétaire, le mobile, et plus particulièrement le smartphone, a, depuis, pris le relais. Sauf qu'il n'aura fallu que quelques années (moins de cinq ans) pour que cette télécommande de l'intime soit entre les mains de presque 2 milliards d'individus. L' engouement est partout. Quoi de plus normal que de constater qu'une famille de cinq personnes peut posséder dorénavant... cinq smartphones ? Cet engouement planétaire change la donne du marketing. En effet, comme le révèle ZenithOptimedia dans une étude sous-titrée "mon smartphone, c'est l'homme de ma vie, sans lui, je suis perdu !" plus de 70 % des utilisateurs ce fameux l'appareil se géolocalisent aussi bien pour éviter d'avoir à indiquer où ils sont que pour localiser des services aux alentours.
Ce "maudit" smartphone change alors les codes du marketing. L'exemple de Mink est assez révélateur de ce nouvel état d'esprit. Comment rendre indépendants, à moindre coût, des process qui, jusqu'ici, étaient entre les mains d'industriels, notamment de talentueux marketeurs ? [...] Cliquez ici pour passer à la page suivante.
L'INTERVIEW: Pascal Malotti, directeur conseil Valtech.
Avons-nous des directeurs marketing capables de comprendre cet enjeu qu'est le mobile ?
Cela n'est pas certain, vu que l'on est en train de créer de nouveaux postes dans les organisations, comme les chief data officers (CDO), lesquels n'ont pas vocation à perdurer dans les entreprises. C'est du management de transition.
Pour réussir aujourd'hui cette mutation technologique, il faudrait quelque part agir comme une start-up ?
Nike a réussi sa transformation. Sa ligne de business fonctionne presque à l'ancienne. Puis, à côté, la marque fonctionne en mode agile, en mode test and learn, avec des prototypes. Elle sait qu'elle doit aller vite.
Quel est le meilleur conseil à donner à un directeur marketing pour rattraper le train du mobile ?
Il peut tenter de le faire en interne. Essayer de se poser les bonnes questions sur son parcours client. Il peut aussi tenter de travailler avec les bons partenaires, les bons prestataires, il peut tenter de développer des apps mobiles.
Les marques comprennent-elles qu'elles n'ont encore rien vu ?
C'est la technologie qui façonne les nouveaux usages. Et comme on ne sait pas où va la technologie, on ignore encore ce que seront les nouveaux usages de demain. Le seul rôle des consommateurs, c'est d'embrasser ou de refuser les nouveaux usages. Le consommateur n'est pas stupide. Il prend ce qui lui sert. Et il prend dans les usages ce qui sert à la simplification des services et de sa vie. Les marques vont connaître des éléments de disruption qui vont être assez violents. Tout en sachant que le rôle d'une marque n'est pas de façonner le digital, il y a des start-up pour ça. Il y a les quatre fantastiques (Google, Facebook, Apple, Amazon). Et les marques doivent ré-adopter des usages, ré-adopter la technologie pour pouvoir la réinsérer dans son parcours client. Et créer du sens.
Est-il rentable de penser mobile ?
La vie de l'entreprise évolue. Mais, à côté, il faut préparer l'avenir. Y mettre le bon écosystème humain. L'entreprise vit naturellement avec ses propres codes, ses propres modes de fonctionnement. Sa propre organisation, pour évoluer avec son temps. Et il faut toujours être à la fenêtre pour pouvoir voir les prochaines révolutions. Mais la rentabilité n'est pas là tout de suite. Il faut faire vivre en parallèle deux modèles: le modèle courant et le modèle futur, où tout est possible à partir du moment où l'on est capable d'accepter l'échec. Les idées, il y en a partout. Mais une fois encore, le timing est essentiel.