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Facebook, Insta, Snapchat: quelles contreparties pour leur gratuité?

Publié par Eloïse Cohen et Amélie Riberolle le - mis à jour à

Gratuité contre monétisation des données à des fins publicitaires. Ce deal est-il perçu, compris et accepté par les utilisateurs? C'est l'objet de l'étude Selfie!, montée et produite par trois acteurs complémentaires du secteur, Adwise, Nexize et Norstat.

Des jeunes qui ne peuvent pas vivre sans leurs "doudous numériques", et n'ont jamais interrogé la gratuité, des aînés, qui semblent prendre un peu plus de distance et identifient bien qu'elle implique forcément une contrepartie: l'attitude face aux réseaux sociaux diffère suivant l'âge. C'est le premier enseignement de l'étude qui a réuni plusieurs acteurs du secteur: l'agence d'études marketing et conseil Adwise Research, l'agence digitale spécialisée dans les data Nexise et l'expert en collecte de données Norstat. Ensemble, ils ont mis en place une méthodologie rigoureuse alliant une approche quantitative, avec une enquête par sondage au début de l'été sur un échantillon représentatif de 1000 personnes âgées de 18 ans et plus, et quantitative avec des entretiens d'une heure auprès de 15 internautes issus des différentes tranches d'âge. "Nous nous sommes attachés à définir et comprendre les perceptions des consommateurs du deal de gratuité que les plateformes sociales leur imposaient", explique Florence Hussenot, la fondatrice d'Adwise.

Et donc, sans surprise, tout est question d'âge. Ainsi, la pénétration est plus grande chez les 18-24 ans, qui sont, pour 100%, inscrits à, au moins, un réseau social (contre 69% chez les plus de 55 ans), dont 93 % à Facebook. Tant et si bien qu'eux ne peuvent pas vivre sans, telles Fanny, 21 ans, qui se dit carrément "accro!" ou Rosalie, 22 ans, qui a "grandi avec ça". La plateforme qui enfonce le clou de sa suprématie avec Messenger, en tête des services de messagerie (78 %, contre 44 % pour Skype et 31 % pour Whatsapp). Même si toutes les plateformes sociales marquent une très forte imprégnation, toute tranche confondue : 79 % se connectent quotidiennement, avec un pic à 94 % pour les 18-24 ans et un taux de 66 % pour les 55 ans et plus. C'est que l'ensemble de ces plateformes répondent à un certain nombre de besoins, d'information, de divertissement, de connexion à ses cercles d'amis ou à son territoire, d'ego, et ce, en résolvant, en plus, des problèmes (recherche de colocation, contacter le SAV d'une marque, etc.)

Les plus de 55 ans, malgré leur usage quasi-quotidien, conservent une certaine distance avec les plateformes sociales. Ainsi, Haim Luc, 53 ans, considère: "J'ai vécu une vie non connectée, je sais faire la part des choses." Du coup, eux cherchent davantage à se protéger, via des adblock, la navigation en statut privé ou des faux profils. "Ils se posent la question de la gratuité, sans connaître pour autant ce qu'il se passe", Marc-Antoine Jacoud, fondateur-associé de Norstat France. Et ce qui intéressant, c'est que tous les utilisateurs n'ont pas forcément peur des plateformes et des usages que ces dernières pourraient faire de leurs données, mais plutôt des autres utilisateurs, comme leurs collègues ou leurs patrons." Ainsi Nicolas, 21 ans, assure qu'il "bloque tout aux inconnus", tandis que Haim-Luc est certain que son "statut est blindé".

Autre enseignement de l'étude Selfie!: la segmentation des usages. Facebook c'est plutôt le terrain amical, surtout pour les plus âgés, tandis qu'Instagram est à la fois un album photo et une source d'inspiration et Snapchat, favori des plus jeunes, qui y suivent les stories des personnages qu'ils admirent le royaume de l'humour décomplexé...

Plus followers que makers, les utilisateurs des réseaux sociaux sont 55% à être fan d'au moins une marque. Une relation plus forte chez les jeunes (73% des 18-24 ans contre 29% seulement chez les 55 ans et plus). Les attentes sont plutôt fonctionnelles et transactionnelles: obtenir des réductions, des informations exclusives ou encore un service client plus réactif. Une relation plutôt top-down : moins de 3 utilisateurs sur 10 ont déjà interpellé ou critiqué une marque sur les réseaux sociaux, les fans de plus de 10 marques étant par exemple plus actifs.

La pub, contrepartie de la gratuité

Et la publicité ? Près d'un utilisateur sur deux a déjà cliqué sur une publicité apparaissant dans son flux, les jeunes étant plus réactifs (56% chez les 18-24 ans contre 32% chez les plus de 55 ans). La curiosité reste le premier levier mais la publicité sur les réseaux sociaux est avant tout considérée comme intrusive (à hauteur de 72%), et près de quatre utilisateurs sur 10 utilisent un adblocker. Mais les répondants à l'étude considèrent que la publicité est un mal nécessaire. Ainsi, Gaëlle, 35 ans, considère que "C'est de la pub, ce n'est pas vicieux", tandis que Nicolas, 21 ans, l'accepte si elle est la contrepartie à un service gratuit. Car tant que cela n'a pas d'impact sur sa vie privée, la publicité apparaît comme un business model nécessaire pour les plateformes. "Pour autant, chez les plus âgés, un sentiment commence à poindre, celui qu'on a glissé d'un esprit de partage à un esprit de commerce", insiste Florence Hussenot.

Notion de data anxiogène

Persiste tout de même une illusion de protection, liée à une connaissance limitée du fonctionnement des plateformes qui empêche de voir la partie immergée de l'iceberg. La notion de données personnelles est assez floue et vaguement anxiogène pour des utilisateurs peu conscients de la masse de données comportementales collectées au fil de la navigation. Tous âges confondus, ils ont du mal à mesurer la valeur de leurs données ... Ils apprécieraient plus de transparence et d'éthique de la part des Gafa sans toutefois remettre en cause le modèle tant ils sont accros aux usages... Le GDPR imminente, qui devrait augmenter la visibilité de la problématique des données personnelles, conduira-t-elle à un new deal ? Réponse l'année prochaine dans une nouvelle version de l'étude. "Il s'agit d'un point 0. Nous souhaitons reproduire cette étude, et monter, sur ce thème, un observatoire", dévoile Marc-Antoine Jacoud.

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