Alain Afflelou: "Le digital, je n'en vois pas forcément l'intérêt"
Publié par Eloise Cohen le - mis à jour à
35 ans après la création de son magasin bordelais, Alain Afflelou continue d'étendre son enseigne de 727 boutiques. Et entend bien mettre au profit d'Alain Afflelou Acousticien les méthodes qui ont fait son succès dans l'optique.
Comme les lunettes il y a 35 ans, les aides auditives sont vécues comme un drame. Quand on en a besoin, on se considère comme sourd, souffrant d'un handicap. Mon approche est donc la même qu'alors: dédramatiser cette situation, en montrant que j'en porte et que je m'en moque.
Oui, car la publicité, pour être efficace, nécessite recul et second degré. Si elle est dramatique, le produit le sera tout autant. À partir de 60 ans, on entend mal... et alors? C'est banal. À 40 ou 45 ans, souvent, on est presbyte. Ce n'est pas pour ça qu'on est aveugle ou handicapé. Et tout l'art de communiquer, c'est de dire, pas sérieusement, des messages qui, pourtant, le sont.
Aucun de nos concurrents ne nous a emboîté le pas. Et je ne m'explique pas pourquoi. Notre arrivée a cependant brassé le secteur. Déjà, en contraignant le marché à réduire la voilure en termes de prix, mais surtout en élargissant le marché en rendant les appareillages plus abordables.
Je maintiens. À l'époque, j'utilisais l'image d'un bateau qui coule. Celui qui crie le plus est sauvé le premier, tandis que celui qui attend qu'on le secoure se noie. Il faut dire, montrer et ne pas avoir peur de se vanter. Si vous ne dites pas que vous êtes le meilleur, ce n'est pas vos concurrents qui vont le faire ! Alors, on peut passer pour immodeste, mais c'est ça, la pub. Regardez le slogan "Omo lave plus blanc"... En quatre mots, les consommateurs ont été convaincus!
En tout cas, ils l'ont accepté. Certains ont dû se dire: "Quel con! Pour qui il se prend?", mais je crois que la majorité a pensé que j'étais sympa!
L'innovation au sein du groupe Alain Afflelou
Le propre des agences et des directeurs marketing dans les boîtes, c'est qu'ils se sentent obligés de tout le temps innover. Or, quand on change, on désarçonne le consommateur. Il faut donc capitaliser sur les forces de la marque, sans les ébranler... Et ne pas forcément se fier aux agences. Nous avons démarré "Il est fou Afflelou" avec RSCG, qui a commencé à faire et refaire tout le temps les mêmes campagnes... Jusqu'à celle de trop où j'étais censé être porté par des filles, sur leurs épaules. Et là, j'ai pensé... "On est fous de quoi ?" On ne savait même plus ce que l'on proposait. J'ai donc voulu, tout en gardant humour et légèreté, revenir à quelque chose de plus profond... Ce que refusait l'agence. Depuis quatre ou cinq ans, nous faisons donc tout seuls. Et cela ne change pas grand-chose finalement. On ne veut plus s'embêter avec des agences qui ne faisaient qu'exécuter ce qu'on leur demandait.
Je travaille avec Bénédicte Vignon, ma directrice de la communication. Je propose souvent des idées, et si on trouve qu'elles sont bonnes, on se lance. Tous les films faits avec Sharon sont sortis de la tête des gens autour de moi.
Il ne faudrait pas lui dire qu'elle travaille pour l'acoustique. Elle ne voudrait pas qu'on apprenne qu'elle entend mal... mais je ne désespère pas de lui faire dire sans qu'elle le sache! [rires]. Déjà, pour les verres progressifs, au début, elle ne savait pas... Je lui fais dire "De près comme de loin"... Mais elle est très cool, elle s'en fout, elle a l'âge qu'elle a, l'assume et est très professionnelle. D'ailleurs, c'est nous qui lui fournissons ses verres et des lentilles progressifs... Gratuits! [rires]