Pierre-Jean Bozo (UDA): "En matière d'achats médias, ce n'est plus la vente qui compte mais le ROI"
Publié par Maud Vincent le | Mis à jour le
Le directeur général de l'Union des Annonceurs revient sur les mutations du marché de l'achat média, davantage centré sur la performance.
emarketing.fr : Quelles sont les attentes des annonceurs en matière d'achat média?
Pierre-Jean Bozo, dg de l'UDA : L'achat média se transforme en profondeur sous l'effet du digital, et notamment du programmatique, qui affiche une forte croissance. Par ailleurs, on note une montée en puissance de l'earned et de l'owned media, au détriment du paid media. Les annonceurs déportent une part croissante de leurs investissements publicitaires sur le Web, où ils trouvent à la fois plus de possibilités de conversion et d'engagement de leur consommateur.
De fait, aujourd'hui, les annonceurs exigent de la performance. Ce n'est plus la vente qui compte mais le résultat et le retour sur investissement (ROI). Or, c'est justement la force du programmatique qui offre un coût plus bas et un ciblage beaucoup plus fin, et donc un meilleur ROI. Mais cette performance économique n'est viable dans le temps que si elle bénéficie d'un bon contexte de diffusion : c'est la question-clé de la transparence et de la qualité des impressions délivrées (la visibilité, les faux clics, les sites illégaux). Par ailleurs, vous ne pouvez pas parvenir à un bon ROI si vous n'obtenez pas un vrai engagement de vos consommateurs : c'est pourquoi le brand content est devenu si stratégique. Il donne un sens aux investissements médias.
Dans ce nouveau paysage, quel rôle jouent les agences et les éditeurs?
Le marché est de plus en plus désintermédié. Les médias propriétaires (owned media) et les réseaux sociaux (earned media) permettent de toucher directement le consommateur, sans passer par les grands médias. Le contenu, qui se multiplie, n'est plus la valeur ajoutée des éditeurs, qui doivent devenir des gestionnaires de data. C'est dans la combinaison des données médias de l'éditeur et de celles de l'annonceur que se situe davantage la création de valeur. Quant aux agences, leur mission a évolué de l'achat d'espace vers un rôle de conseil sur les meilleures façons de toucher les clients. On se dirige vers des offres qui mélangent performance et branding, conseil commercial et expertise pointue, via l'activation de multiples leviers médias et hors-médias (affichage, événementiel, relations publiques).
Vous militez pour une application de la loi Sapin dans le domaine des achats digitaux. Pour quelles raisons?
L'extension de la loi Sapin aux achats digitaux est impérative pour garantir la confiance. Sur 100 euros déboursés par l'annonceur, 40 % proviennent des médias. Les trading desk et les ad exchanges représentent 60 % de la facture de l'achat programmatique. La transparence manque et ce, alors même que les technologies sont directement accessibles sur le marché. On note d'ailleurs un véritable mouvement de fond vers l'internalisation des achats programmatiques, à l'instar d'Air France, qui a bâti son propre trading desk en interne.