Ikea France : soupçons sur l'utilisation frauduleuse de données
Publié par Astrid de MONTBEILLARD le - mis à jour à
Accusée d'espionner certains employés et clients, la filiale française du géant de l'ameublement dément et lance une enquête interne.
Moins d’une semaine après les révélations du Canard Enchaîné sur des soupçons de surveillance illégale de salariés et de clients, et la plainte de l'Union départementale Force Ouvrière 93 (UDFO 93) pour “utilisation frauduleuse de données personnelles”, la filiale française d’Ikea a confié une enquête interne au bureau parisien du cabinet d'avocats new-yorkais Skadden Arps.
Selon Les Échos, le cabinet est visiblement habitué à ce genre d’affaires, puisqu’il a participé à l’enquête interne de la Société Générale lors de l’affaire Kerviel.
Du côté de la justice, le parquet de Versailles a ouvert, jeudi 1er mars, une enquête préliminaire et la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) a été saisie.
Contacté, Pierre Villeneuve, directeur de la relation clients d’Ikea, affirme qu' « en termes de relation client, nous n’avons jamais demandé d’enquêtes sur nos clients. Nous disposons uniquement des informations contenues dans notre base de données de clients membres de la carte de fidélité. »
La filiale française est également soupçonnée d’avoir passé un accord avec des officines privées pour obtenir des fichiers secrets sur le passé de certains de ses salariés. Selon le Canard Enchaîné, Ikea France a conclu un accord avec la société de sécurité privée, Sûreté internationale, pour "passer au peigne fin le passé des salariés suspects". L’hebdomadaire satirique fait état d’e-mails échangés entre la société de sécurité privée et Jean-François Paris, le responsable de la gestion du risque d’Ikea France. Les informations auraient été vendues 80 euros par consultation. La filiale tricolore du spécialiste des meubles en kit aurait cherché à obtenir des données issues du fichier de police Stic (Système de traitement des infractions constatées), mais aussi des renseignements sur le casier judiciaire, les plaques d’immatriculation ou encore les cartes grises.
Mediapart, de son côté, a enquêté sur le magasin de Brest et a révélé que la société Sûreté internationale et Jean-François Paris auraient échangé des e-mails. Toujours selon Mediapart, le responsable de la gestion du risque d’Ikea France n’aurait pas été le seul dirigeant au courant de ces pratiques.
En réaction à ces révélations, Ikea France a mis Jean-François Paris en disponibilité depuis le lundi 5 mars. Il est suspendu de ses fonctions, le temps de l’enquête.
Selon plusieurs médias, la filiale française d’Ikea dément tous comportements contraires à l'éthique et toutes pratiques de surveillance illégales de ses salariés et de ses clients. Et ajoute, dans un communiqué du lundi 5 mars : “Les règles déontologiques de l'entreprise sont claires. Nous travaillons avec honnêteté et transparence, quel que soit le pays où nous exerçons nos activités”.
L’enquête étant en cours, la filiale française du géant de l’ameublement ne souhaite pas s’exprimer davantage. De son côté, la société Sûreté internationale assure n’avoir joué aucun rôle dans cette affaire. Trois délégués syndicaux des magasins du Val-d’Oise ont créé une association des victimes, qui selon Le Parisien, se portera partie civile afin de "fédérer toutes les victimes (…) pour demander des dommages et intérêts".