[Tribune] "Et en gaming, on fait quoi en 2023 ?"
Publié par La rédaction le - mis à jour à
Avant de lancer une initiative dans le métavers, les annonceurs sont de plus en plus nombreux à tenter des expériences immersives en gaming, notamment pour toucher de nouvelles audiences. La vision d'Arnaud Robin, Head of Gaming chez Swipe Back.
Avec ses 2,95 milliards de joueurs dans le monde et ses nombreux terrains d'expressions, le gaming est en passe de devenir un incontournable des stratégies marketing des marques en 2023. Comment les jeux vidéo sont-ils devenus si ouverts et accessibles et comment ont-ils su séduire les annonceurs ? Une des raisons est évidemment l'avènement du métavers, ou du moins sa promesse d'un nouvel internet décentralisé, plus communautaire que jamais et surtout où l'on navigue à travers des mondes en 3D interactifs et interconnectés. Si cette vision du métavers portée entre autres par Mark Zuckerberg n'existe pas (encore ?), l'industrie de la tech est d'accord sur le fait que les jeux vidéo sont ce qui s'en rapproche le plus à ce jour.
Consciente qu'il ne faut pas rater le coche de cette évolution du web, les marques se sont dans un premier temps mises à explorer les opportunités offertes par ces mondes virtuels. Comme souvent, ce sont les marques de mode qui se sont livrées aux expérimentations les plus poussées via la création d'expériences numériques immersives ou la virtualisation de leurs produits, que les joueurs peuvent acheter afin d'habiller leur avatar dans leur jeu favori. Dès 2007, H&M avait lancé une extension des Sims 2 qui comprenait une collection complète de tenues pour les personnages du jeu.
On pouvait jusqu'alors observer qu'il s'agissait surtout d'une évolution naturelle de ce qui se faisait déjà sur les réseaux sociaux avec les activations de communautés à travers des concepts accrocheurs et des mécaniques conversationnelles bien huilées. C'est l'apparition de plateformes de création vidéoludiques accessibles aux utilisateurs, aux annonceurs et aux agences qui a changé le paysage de façon pérenne. On peut ajouter à cela un ticket d'entrée plus bas qu'auparavant, des plateformes de création de jeu qui requièrent peu ou plus de connaissances techniques pour être utilisées et des jeux accessibles quel que soit l'appareil avec un minimum d'efforts nécessaires de la part des utilisateurs.
Une pluie d'expériences interactives
Après des années d'expérimentation, ces marques ont complètement intégré le gaming dans leur mix marketing, à l'instar du social ou encore, plus traditionnellement, de la télévision. Le jeu vidéo est devenu un écosystème média à part entière, avec des audiences conséquentes et une largeur d'offre susceptible de couvrir la majeure partie de la population. Conséquence directe : en quelques mois, c'est une pluie de vêtements virtuels et d'expériences interactives qui s'est abattue sur les titres phares du secteur.
Pour n'en citer que quelques-unes : Balenciaga a fait parler d'elle sur Fortnite en proposant une collection tant physique que virtuelle. Les joueurs pouvaient s'acheter les tenues mais aussi une danse personnalisée unique à la campagne et avoir la chance d'apparaître sur les affichages publicitaires à l'intérieur du jeu. Sur Minecraft, les joueurs pouvaient profiter d'un nouvel espace de jeu aux couleurs de Burberry, accompagné d'une collection de quinze tenues spéciales. Des QR codes étaient cachés dans les boutiques Burberry et permettaient aux joueurs de débloquer des items uniques dans le jeu. Dior a quant à elle collaboré avec le jeu Gran Turismo 7 lors du World Series Showdown 2022 (championnat du monde eSport automobile). La marque a ainsi proposé des équipements de course Dior exclusifs pouvant être appliqués à l'avatar du joueur : combinaison, gants, chaussures et casque en plus d'une nouvelle voiture conçue par une équipe design Dior Homme.
Si la plupart de ces collections et activations se déroulent sur quelques semaines tout au plus, d'autres, comme Nike, ont décidé d'investir le gaming à plus long terme. A cet effet, le jeu Nikeland créé sur Roblox se met à jour régulièrement en fonction des événements saisonniers tels que le Nike Air Day ou Halloween. C'est ce qui lui a permis de générer plus de 21 millions de visiteurs en un an. Mais l'incursion de Nike dans le gaming ne s'est pas arrêtée à la construction verticale d'une expérience sur Roblox : le "footballverse" Nike FC est lancé à l'occasion de la Coupe du Monde 2022 pour rassembler les fans de football où qu'ils soient. Dans une même activation, on a pu retrouver des tournois spéciaux et des customisations sur Rocket League, un nouveau jeu de football dans leur expérience Nikeland sur Roblox, des NFT uniques à acheter avec RTFKT, sans parler des activations physiques, du film "all-star" de 4 minutes et évidemment la sortie d'une paire de chaussures de football exclusive.
S'intégrer aux communautés... sur leurs plateformes de discussion
Mais être actif dans le gaming, ça n'est pas uniquement développer une expérience de jeu. Les marques ont d'autres possibilités pour toucher les audiences fédérées par le gaming. On cherchera plutôt à devenir acteur à part entière de la culture gaming et à capitaliser sur sa présence dans les mondes virtuels afin d'y générer soit de l'affinité avec les audiences qui y sont présentes, soit des nouveaux types de revenus lorsque que ça s'y prête.
Faire partie de la culture gaming et s'intégrer aux communautés, c'est aller au-delà des jeux et se rendre sur les plateformes fréquentées par les joueurs lorsqu'ils ne jouent pas. Parmi les espaces les plus plébiscités, on trouvera Discord et ses 150 millions d'utilisateurs mensuels où les joueurs peuvent se regrouper et discuter de leurs jeux préférés sur des serveurs dédiés. Crédit Agricole, très habitué aux partenariats dans le domaine du sport, s'est tourné vers cette plateforme pour s'adresser cette fois aux fans de eSport. La banque s'est associée avec Team Vitality et eFFF pour proposer un serveur intitulé "Shortcut" et qui propose des actualités eSport, des bons plans, des conseils professionnels pour les joueurs et des informations sur les événements régionaux. Une équipe dédiée de joueurs a été constituée pour en assurer la gestion et la modération, tout en respectant les codes des communautés gaming.
D'autre part, les marques ont naturellement convergé vers Twitch, plateforme de streaming en direct aux 140 millions d'utilisateurs mensuels et dont la plupart des contenus sont liés au gaming. Les partenariats avec les streamers les plus vus sont devenus une évidence mais il est maintenant question de maximiser la visibilité de clips issus des streams, qu'ils soient sponsorisés ou non. Les clips sont de courts extraits allant de quelques secondes à quelques minutes, issus d'émissions qui elles peuvent durer plusieurs heures. En créant un challenge particulièrement corsé sur Rocket League, Dacia a attiré les joueurs professionnels qui ont passé plusieurs centaines d'heures cumulées sur Twitch à essayer de le terminer. Les clips des meilleurs essais étaient particulièrement appréciés des spectateurs, comme celui de Kaydop de la Team Vitality qui a généré plus 2 millions de vues organiques en quelques jours.
Il est aussi possible de s'approprier les codes de la plateforme en tant que marque et lancer sa propre chaîne Twitch. Kellogg's a par exemple créé un streamer virtuel en 3D sous les traits de sa mascotte Tony Le Tigre qui, à l'occasion d'une soirée de live, a joué à Fall Guys avec quatre autres streamers bien réels.
Toutes ces tendances et ces nouvelles façons d'appréhender le gaming vont ultimement nourrir la réflexion des marques qui cherchent à se réinventer et à toucher de nouvelles audiences dans des espaces où les expérimentations ont laissé place à des stratégies se développant sur le long terme. C'est pour cette raison qu'en 2023, les annonceurs se poseront tous la question : "Et en gaming, on fait quoi ?".
L'auteur : Arnaud Robin, Head of Gaming chez Swipe Back. Il a 12 ans d'experience en publicité et en marketing digital (Gafa, telecom, banques...). Arnaud Robin est un expert en web marketing, capable de piloter la stratégie des medias sociaux, la création de contenu social et la production d'experiences intéractives. Avant Swipe Back, il est passé par We are Social Paris, puis par We are Social Singapour.