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Pourquoi accepter le paiement en boutique en cryptomonnaies ?

Publié par Clément Fages le - mis à jour à

Que vous croyez au potentiel des crypto-actifs ou non, il ne coûte rien de les accepter comme moyen de paiement, ne serait-ce que pour travailler votre image auprès des convaincus "early adopters".

"Beaugrenelle, premier centre commercial à accepter les crypto-monnaies en France", pérorait l'enseigne dans la presse, début juin. Plus précisément, il s'agissait de la mise en place d'un stand de la start-up Lyzi, qui édite un wallet permettant d'acheter et de vendre des crypto-actifs, mais aussi de les utiliser comme moyen de paiement, ou, à Beaugrenelle, de les convertir en bons d'achat valables auprès de la centaine de magasins du centre. Si l'on est encore loin de voir les cryptos être utilisées dans toutes les echoppes, l'initiative a, avant tout, une portée pédagogique, au même titre que l'installation de distributeurs de NFTs chez Monoprix en juillet. Reste que, petit à petit, Lyzi fait son nid. Au même moment, le paiement direct de l'addition en Bitcoin, Ether, Avax, Tez et une vingtaine de cryptos était testé à l'Indiana Café de Bercy Village à Paris, avant un déploiement global sur l'ensemble du réseau, qui cherche à offrir une expérience ludique à ses clients.

8 % des Français ciblés

Selon un rapport dévoilé en début d'année 2022 par l'ADAN et KPMG France, en collaboration avec IPSOS, 8 % des Français ont détenu ou détiennent des crypto-actifs. La moitié d'entre eux a moins de 35 ans, mais l'intérêt pour ces sujets se généralise, puisque 30 % des Français sondés envisagent d'en acquérir à l'avenir. "D'un point de vue marketing, accepter le paiement en crypto est un moyen de travailler son image innovante et de s'ouvrir à une nouvelle clientèle, notamment pour les acteurs du luxe ou les entreprises qui opèrent sur des paniers moyens assez élevés. Plus globalement, c'est une façon d'apprendre, car si vous désirez un jour adresser des sujets Web3 et utiliser la blockchain pour vendre des NFTs ou vous emparer du "métavers", vous serez forcé de manipuler des crypto-actifs", estime Nicolas Louvet, CEO de Coinhouse, plateforme pionnière en France.

De nombreux acteurs, petits commerces, grands retailers ou pure-players s'y sont ainsi essayés ces derniers mois. De leur coté, Twitter et Twitch permettent les dons en cryptos. PayPal s'est ouvert au paiement en crypto début 2021, et Shopify s'est rapproché de prestataires comme Coinbase ou Bitpanda, lequel accompagne par ailleurs Lydia dans le développement de son offre de "crypto-trading".

Mais alors que la moitié des possesseurs de crypto-actifs sont entrés sur le marché en 2021, après le début du "bull run", soit le moment où le cours s'envole fortement, une large partie d'entre eux est depuis déficitaire. Or, 95 % des possesseurs de cryptos indiquent vouloir réaliser un profit à plus ou moins long terme. Dans ces conditions, apparaît un décalage entre le potentiel du paiement en crypto et son utilisation réelle pour l'achat de biens et de services au quotidien : "Cet usage est quasiment nul ! En 2021, il s'agit de l'équivalent d'environ 10 millions de dollars chaque trimestre, et cela dans le monde entier, constate Nicolas Louvet. D'où le fait que nous préférons le terme de crypto-actifs à celui de crypto-monnaies : il n'y a pas d'usage autour du paiement au quotidien. Ce n'est pas un problème de volatilité. Il faut voir les cryptos comme un placement d'épargne : on n'y touche quand on a réussi à le faire fructifier, pour financer un projet de voyage, d'achat de voiture ou d'un bien immobilier".

Dans les faits, "ces paiements restent anecdotiques, et même si leur nombre grandit petit à petit, il est encore très loin de Paypal", confirme Diaa Elyaacoubi, CEO de l'e-commerçant Monnier Paris, qui accepte les cryptos depuis le printemps 2022 via un partenariat avec le géant américain Coinbase. Même constat chez Manuel Mallen : "Ces paiements sont très loin d'être majoritaires", explique le cofondateur du joaillier Courbet, qui s'est associé au prestataire de paiement Lunu depuis plus d'un an et demi. Au premier semestre 2021, Courbet indiquait avoir fait une trentaine de ventes en crypto, "à 90 % en Bitcoin et en Ether", pour des montants allant de 500 à 3000 euros.


Depuis, Manuel Mallen estime que "ce chiffre est assez constant, malgré la hausse ou la baisse du cours". Des variations auxquelles il n'est de toute façon pas exposé, puisque comme beaucoup d'acteurs, Lunu calcule le prix en crypto en partant d'un équivalent en euro ou dollar et assure la conversion automatique en monnaies fiduciaires, évitant à ses clients de détenir des cryptos dans leur trésorerie et ainsi de se plier à des règles comptables et fiscales spécifiques.

L'enjeu de la fidélisation

Les deux patrons l'assurent, le paiement en crypto était là encore un moyen, relativement rapide et indolore, de toucher de nouvelles cibles et de nourrir leur storytelling disruptif, Monnier se voulant un précurseur de la Fashion Tech et Courbet s'étant construit autour des diamants de synthèse. Mais manipuler des crypto-actifs, ou mieux, lancer le sien, permet également de créer une communauté d'utilisateurs fidèles.

Ainsi, les principales plateformes crypto ont aujourd'hui passé des accords avec Visa et Mastercard pour proposer leurs cartes de paiement. Pour convaincre leurs utilisateurs de revendre leurs actifs, et donc de s'exposer à une taxation et un éventuel manque à gagner, elles les récompensent via de généreux cashbacks qui s'effectuent dans la crypto native de la plateforme, à l'image de ce que proposent également Lyzi et son token Eazy, ou encore le groupe Skeepers, qui distribue le token Lum aux utilisateurs de son offre Skeepers Rewards.

C'est ce qui fait aussi l'intérêt du stablecoin EURL, lancé par la société française Lugh en mars 2021 avec la collaboration de la Société Générale et du Groupe Casino notamment, qui espère bien utiliser ce crypto-actif dont la valeur est indexée sur l'euro dans le cadre de ses programmes de fidélité. Pourquoi utiliser un euro numérique inscrit sur la blockchain plutôt qu'un euro classique ? Pour Lugh, il s'agit d'automatiser ces programmes tout en offrant des rendements passifs aux utilisateurs, grâce à la blockchain.

Mais l'intérêt des stablecoins pour les entreprises dépasse le simple cas du programme de fidélité. "Il peut s'agir tout simplement de payer les salaires en cryptos, ce qui peut attirer certains profils, ou encore de régler ses fournisseurs ou prestataires à l'étranger, alors que les virements Swift sont coûteux et chronophages pour les DAF", indique Christophe Lassuyt, co-fondateur de Request Finance, un service de facturation et d'automatisation des flux de paiement en crypto qui a levé 5 millions d'euros en juin et vu son nombre de clients multiplié par 20 ces 18 derniers mois. Il estime ainsi que le paiement en crypto peut faire économiser plus d'1 % sur le montant total réglé, le virement étant lui instantané. De quoi vous en boucher un coin !

En chiffre :

8% : c'est le pourcentage de Français qui possèdent ou ont possédé des cryptoactifs. Mais combien sont susceptibles de payer avec ?