[Tribune] IA générative : ne ratez pas ce virage !
Publié par La rédaction le - mis à jour à
Les plateformes digitales ont appris depuis des années à dompter l'intelligence artificielle. Ce mariage gagnant au profit des marques est désormais couronné par l'arrivée des modèles génératifs, une opportunité majeure dont il faut savoir s'emparer, explique Jérémie Leitao, directeur général de Making Science France.
Le sujet de l'intelligence artificielle (IA) n'est pas nouveau dans le marketing digital. Autrement dit, l'IA générative n'arrive pas en terrain vierge, c'est plutôt une superbe brique qui vient enrichir et amplifier des processus qui depuis plusieurs années sont boostés par l'intelligence artificielle au service de la performance des marques. C'est donc un nouveau virage qui se concrétise et qui, comme pour les précédents, il convient pour les annonceurs de ne surtout pas rater.
L'automatisation de l'achat média : quand l'IA précède... l'IA
Prenons un peu de recul juste quelques instants. L'automatisation de l'achat média au sein de plateformes digitales telles que Google ou Meta est la règle depuis au moins cinq ans. Une automatisation nourrie par... le machine learning, en somme par l'intelligence artificielle. Une évolution technologique qui a marqué une véritable rupture, avec en effet un avant et un après.
Jusqu'au milieu des années 2010, le traffic manager agissait comme un artisan, par exemple en excluant des mots-clés sur Google Ads, en monitorant les coûts par clic, bref en optimisant les enchères, ou, sur Facebook, en ciblant des audiences très précises. Dès 2016 cependant, les plateformes digitales commencent à automatiser de nombreuses fonctionnalités de leurs produits, fortes de leurs travaux en intelligence artificielle, en cours depuis plusieurs années. Elles initient alors ce qui s'est avéré plus tard être une véritable mini-révolution au profit de notre secteur.
N'oublions pas qu'à cette époque-là, Google était déjà une entreprise AI first. L'idée chez eux n'était pas de traiter cette rupture technologique en standalone, comme l'a fait bien plus tard OpenAI, mais de l'intégrer à toutes les étapes, échelles et processus de l'entreprise. Google Photo ou Gmail sont boostés par l'intelligence artificielle depuis plusieurs années. Même la température des serveurs du groupe était monitorée par l'intelligence artificielle en 2016 !
Au départ, les professionnels de l'achat média et les marques se sont montrés réticents face à la montée en puissance de l'automatisation, craignant de perdre la maîtrise de leurs budgets dans ce monde nouveau fait de "boîtes noires". Un accueil au compte-gouttes qui s'est vite métamorphosé en large adoption à force d'évidences - les résultats business étaient au rendez-vous - et de nombreuses preuves du bien-fondé de la démarche. En illustrent les retours procurés par Performance Max, de Google.
Première grande transformation des métiers de la pub : du média au business
L'automatisation étant de mise, toute l'attention des équipes s'est alors portée sur la mise en place d'objectifs concrets aux plateformes et l'optimisation des données entrantes et des assets créatifs servant à nourrir ces dernières pour activer les campagnes.
C'est alors qu'un progressif glissement s'est opéré dans nos métiers : d'experts média nous nous sommes transformés également en as du business. Tout en laissant faire la machine nous avons appris à l'apprivoiser en lui disant quoi faire et en la "rémunérant" au résultat : des ventes, des leads, des visites en magasin, etc.
Avec nos clients, il ne s'agit plus de parler média ou mot-clé, mais de décortiquer le chiffre à développer en tenant compte de ce qui est propre à leur métier, à leur cycle client, à leurs marges et gammes de produits ou à l'état de leur stock. Autant de réalités que nous devons traduire dans des indicateurs et objectifs à atteindre auprès d'un Google ou d'un Meta afin de leur montrer la direction à emprunter, ce que ces moteurs font, grâce à l'intelligence artificielle, en allant chercher les audiences cibles les plus justes parce que mieux taillées aux spécificités et objectifs de l'annonceur.
L'IA générative vient challenger les plateformes...
Arrive en 2022 l'IA générative, c'est-à-dire l'IA capable de générer des outputs de type texte, image et vidéo en ayant été pré-entraînée avec de grands ensembles de données et en étant capable de traiter le langage humain. Encore une disruption bénéfique pour l'industrie de la publicité, porteuse au passage d'au moins deux transformations essentielles.
Tout d'abord du côté des plateformes, qui se trouvent à la fois challengées et très bien placées. Il n'est pas exclu en effet que les consommateurs se mettent à questionner davantage les robots conversationnels de type ChatGPT ou Bard au détriment des moteurs de recherche classiques. Un risque pour Google, qui perdrait ses parts de marché, mais un risque circonscrit, Bard étant boosté par des modèles a priori plus puissants que ceux de ChatGPT. Mais avec une difficulté supplémentaire tout de même pour Google : celle d'apprendre à monétiser Bard aussi bien que google.fr.
Les raisons à cela sont nombreuses, à commencer par le nombre de requêtes qui pourrait, selon certains, chuter dans les moteurs conversationnels. Dans une telle hypothèse, l'annonceur se trouvera-t-il avec un coût majoré pour une performance égale ? À vrai dire personne ne sait encore à ce stade mesurer l'impact des robots conversationnels ni sur le nombre de requêtes ni sur le revenu par requête, et il serait prématuré d'en tirer des conclusions ! D'autant que l'impact de Bard sera sans doute moindre sur les requêtes commerciales, le nerf de la guerre de la monétisation chez Google.fr. Par ailleurs, Google commence déjà à tester aux États-Unis l'affichage d'annonces au sein des réponses de Bard à certaines requêtes, commerciales ou non. Enfin, Performance Max a cela de magique qu'elle peut distribuer les budgets publicitaires sur les différentes propriétés de Google, y compris sur Bard, de la manière la plus fluide et rapide possible et en tenant toujours compte de l'objectif escompté pour l'annonceur. Là encore, Google a de l'avance.
... et booster les agences au bénéfice des annonceurs
La deuxième transformation majeure de l'industrie publicitaire entreprise par l'IA générative se trouve du côté des agences, avec pour la première fois la possibilité pour ces dernières de générer les assets créatifs des campagnes at scale. Des assets dont on a vu plus haut le sursaut d'importance qu'ils ont acquis depuis la montée en puissance de l'automatisation.
Cela concerne les images et vidéos mais également toute sorte de texte publicitaire et notamment les flux shopping des annonceurs e-commerçants. Inutile de dire que les équipes chargées d'alimenter Google Shopping de flux de données produits sont ravies de l'arrivée de l'IA générative ! Demain sans doute pourront-elles déléguer aux plateformes la production de ces descriptifs en version améliorée et bien plus adaptée aux objectifs business de la marque, et ce directement à partir des informations disponibles sur les pages produits.
De la même manière qu'en 2016 nous avons pu comprendre l'opportunité extraordinaire que l'automatisation de l'achat média chez les grandes plateformes numériques devait offrir aux marques et aux agences, l'essor des outils d'IA générative ne peut être qu'une excellente nouvelle pour notre industrie et tout particulièrement pour les annonceurs qui sauront saisir cette opportunité sans attendre.