Google AdWords : le mobile pour tous ?
Publié par Jean-François Hélie, SEA Team Leader, Online Media Buying chez LSFinteractive le - mis à jour à
Google oblige désormais les annonceurs à piloter leurs annonces sur mobile et desktop comme un seul et même objet marketing. Implicitement, l'entreprise réserve, pour l'instant, ses formats mobiles premium à ses plus gros clients.
Il y a un peu moins d'un an, Google lançait les campagnes universelles AdWords. Prenant le contre-pied parfait de sa stratégie initiale qui consistait à appréhender le desktop et le mobile comme des investissements distincts, Google oblige désormais les annonceurs à piloter ces deux supports comme un seul et même objet marketing. Pourquoi cette nouvelle stratégie ferme-t-elle les portes du mobile aux petits et moyens annonceurs ? Malgré cela, pourquoi ce chemin est-il celui du succès pour Google dans l'optique de développer son activité mobile ? Et finalement, quelles solutions reste-t-il aux PME pour exister sur Google mobile ?
Juin 2013, moment de flottement chez les account managers de Google. Après plusieurs années à avoir expliqué avec force et conviction aux annonceurs et aux agences digitales qu'il était crucial de créer des campagnes AdWords propres à chaque support, comment justifier avec aplomb qu'il faille faire exactement le contraire aujourd'hui ? Le prétexte d'une gestion unifiée et donc simplifiée des campagnes cross-device est l'arbre qui cache assez mal la forêt. Car à y regarder de plus près, ces campagnes universelles se sont vite avérées être un vrai casse-tête à gérer.
En effet, faisons une brève parenthèse technique pour mieux comprendre les enjeux. Google a profité du passage aux campagnes universelles pour glisser une contrainte assez surprenante dans le fonctionnement d'AdWords : désormais, il n'est plus possible d'enchérir sur un mot-clé sur mobile sans enchérir sur le même mot-clé sur desktop. Par ailleurs, il est impossible de gérer les enchères mobiles séparément : il faut attribuer un facteur de multiplication allant de 0 à 4 à l'enchère desktop pour déterminer l'enchère mobile, et ce ratio s'applique par groupe de mots-clés et non pas pour chaque mot-clé, ce qui devient rapidement ingérable. Enfin, les limites de dépenses quotidiennes sont désormais communes à tous les supports dans ces campagnes universelles.
Concrètement, qu'est-ce que cela signifie ?
1. Que pour investir 1€ sur un mot-clé sur mobile, il faudra investir au moins autant, voire beaucoup plus sur le même mot-clé sur desktop, même si celui-ci n'est efficace que sur mobile. Cela exclut de facto les annonceurs qui ne développent leurs services que sur smartphone. Et cela rend les investissements mobiles nettement moins attractifs pour les PME et start-ups qui se doivent d'être tactiques au moment d'affecter leurs budgets et qui ne peuvent se permettre de se payer le package " all inclusive " mobile + desktop.
2. Qu'il est impossible de maîtriser la répartition du budget entre annonces Adwords sur mobile et sur desktop. Dans le contexte économique actuel relativement incertain, les petites structures ont justement besoin de davantage de certitudes quant à la manière dont leurs fonds seront investis, ce qui rajoute un frein à leur arrivée sur AdWords mobile.
Alors pourquoi Google se permet-elle de se couper d'une grande partie de ses clients potentiels sur mobile à l'heure où elle concentre tous ses efforts pour développer ses revenus publicitaires sur ce support ? Rappelons qu'AdWords n'est ni plus ni moins qu'une place de marché, les prix fluctuent donc en fonction de l'offre (l'espace publicitaire) et la demande (les annonceurs). Or, sur desktop, Google met à disposition onze emplacements de liens sponsorisés par page de résultats, là où il n'y en que trois sur mobile. Google peut donc se suffire d'une demande environ quatre fois plus faible sur mobile pour obtenir une valorisation équivalente de son inventaire publicitaire.
Google peut donc se contenter d'attirer les seuls grands comptes sur mobile pour développer ce support, ceux-ci n'ayant pas d'autre choix que d'y venir, l'audience mobile étant amenée à dépasser l'audience desktop dans les années à venir. D'autant plus intéressant pour la régie américaine que les investissements desktop sont désormais liés aux investissements mobiles, comme expliqué précédemment. Les revenus mobile ne cannibaliseront donc pas les revenus historiques. La boucle est bouclée.
Quelles solutions reste-t-il alors aux petites structures pour annoncer sur les smartphones ?
Ce n'est pas parce que Google bâtit sa stratégie autour des top annonceurs qu'elle laisse pour autant de côté les autres clients et les potentiels revenus incrémentaux qu'ils représentent.
Il existe donc depuis le 2e semestre de 2013 sur AdWords un format publicitaire qui permet de ne diffuser que sur mobile et / ou tablettes. Il s'agit des " annonces pour du contenu numérique " qui permettent de promouvoir une application sur les deux principaux OS mobiles du marché : iOS et Androïd. Un clic sur ces annonces renvoie directement vers la fiche de téléchargement iTunes ou Google Play de l'application. Ces annonces peuvent aussi bien être diffusées sur le moteur de recherche (via la mécanique classique d'enchères sur les mots-clés), sur le réseau display mobile de Google et au sein d'autre applications.
Pour ceux que le développement d'une application mobile effraie, deux rappels utiles : premièrement, il existe des agences de développement qui peuvent convertir vos sites mobiles HTML 5 en applications mobile à moindres frais ; deuxièmement, le trafic des applications a progressé de 48,8% en 2013 en France (données AT Internet). Le développement d'une application est donc crucial tout en restant relativement simple si le site mobile a été développé avec les dernières normes de codage HTML.
Autre opportunité de développement sur mobile sans faire de publicité sur desktop : le display AdWords. Si les campagnes display sont des campagnes universelles à part entière, donc régies par les mêmes règles que les campagnes de liens sponsorisés, il n'en demeure pas moins que les dimensions des bannières utilisées conditionnent les emplacements sur lesquelles elles seront diffusées. En n'insérant dans leurs campagnes display que des bannières aux dimensions mobiles, les annonceurs ont la garantie de ne diffuser que sur les sites dédiés aux smartphones.
Encore une fois, que ceux qui craignent que le display ne soit pas adapté aux objectifs de génération de trafic qualifié se rassurent : le réseau de display de Google est très nettement orienté " direct response " davantage que " branding ". Sa tarification au clic permet par ailleurs une parfaite maîtrise des niveaux d'investissements et de coûts d'acquisition.
Au final, Google réserve pour l'instant implicitement ses formats mobiles premium à ses plus gros clients. Ce n'est pas sans rappeler sa façon habituelle de procéder, lorsqu'elle lance de nouveaux produits en bêta réservés à un petit nombre de testeurs. Il y a donc fort à parier que Google fera évoluer à l'avenir ses règles de diffusion sur mobile pour rendre le support plus accessible à tous, une fois ce format ancré dans les habitudes publicitaires. En attendant, la firme américaine n'oublie personne et propose des formats alternatifs pour que chacun puisse accrocher le wagon du mobile à temps. Les prochains mois et années nous réservent encore de nombreuses nouveautés, gardez l'oeil ouvert !