Publicité extérieure . Sortez du cadre !
En ces temps de communication efficace, la création n'est pas la première roue du carrosse publicitaire. Média réactif utilisé pour son efficacité, l'affichage ne veut pas faire oublier qu'il peut aussi la faire rimer avec créativité.
«En invitant des artistes contemporains qui investissent habituellement
l'espace public à exposer leurs œuvres sur nos panneaux, nous souhaitons
engager Viacom-Outdoor dans une démarche socioculturelle qui donne à la
publicité extérieure une nouvelle dimension au cœur de la cité », expliquait
Michel Cacouault, président de Viacom-Outdoor France, à l'occasion du lancement
de l'opération “La rue aux artistes”. Conçue et mise en musique par MPG Art,
cette opération, qui s'est déroulée du 26 juillet au 8 août derniers, a permis
à vingt artistes plasticiens d'exposer leurs créations sur 6 000 panneaux de 12
m2 installés dans toutes les grandes villes de France, Paris incluse. Cette
manifestation sera également prolongée par une exposition et la diffusion d'un
livre dans le cadre de la trente et unième édition de la Fiac qui se tiendra en
octobre. « Si l'affichage est bien un outil de promotion qui fait vendre, ce
que bien évidemment nous revendiquons, ce n'est pas uniquement cela, indique
François Morinière, vice-président de Viacom- Outdoor France. C'est aussi un
média qui permet une large expression créative. Nous avons souhaité le rappeler
à travers cette opération. » Inédite pour l'afficheur, l'opération “La rue aux
artistes” suit une tendance développée sous une autre forme par JCDecaux avec
“L'affiche en liberté”, un exercice réalisé en partenariat avec le Club des
directeurs artistiques, dont la troisième édition livrera ses résultats dans
les jours à venir. Comme pour les éditions précédentes, les créatifs d'agences
en charge d'une trentaine de marques qui n'avaient jamais utilisé l'abribus ont
laissé libre cours à leur imagination en partant d'un brief existant.
L'affiche média de réflexion
Début 2004, cinq
finalistes avaient ainsi bénéficié d'une campagne d'affichage personnalisée
balisant les sièges des agences et annonceurs concernés. Le vainqueur, en
l'occurrence Imossel des Laboratoires Martin (agence Saatchi & Saatchi), avait
pour sa part remporté une campagne d'une semaine sur les Champs-Elysées. Dans
un contexte où l'affichage évolue en développant une stratégie axée sur
l'aspect de plus en plus qualitatif de ses produits, ce type d'opérations
dépasse largement le cadre de l'anecdote. Si l'éventail des produits qui sont
commercialisés par les afficheurs va en s'élargissant, le marché n'a pas
forcément pris totalement la mesure des possibilités d'utilisation de l'offre.
« On aimerait que les agences nous proposent une panoplie de créations quel que
soit le format, que la création ne soit pas une contrainte en termes de
médiaplanning », dit, par exemple, Jean Minost, directeur du département
affichage de MPG. « Plus que tout, c'est la création qui va déterminer le fait
que le message va exploser, quasiment sortir du cadre, surenchérit Zysla
Belliat, directrice du département études et recherche d'Intiative. Si la
création est percutante, peu importe qu'il s'agisse d'un grand format ou d'un
abribus, on peut jouer avec le format de manière maligne. » Un avis partagé par
Frédéric Girard, directeur du marketing d'Adia, qui affiche une position
“d'agitateur militant”. Depuis deux ans, le quatrième réseau français de
travail temporaire marque, en effet, sa différence avec son concept de campagne
antipréjugés. La création, imaginée par l'ex-agence Leagas Delauney Paris
Centre et perpétuée sur le même ton par l'Entente Cordiale, est axée sur quatre
visuels de personnages accompagnés d'une explication de texte à deux niveaux de
lecture destinée à battre en brèche l'impression première qu'ils évoquent type
“Ce jeune est un casseur” pour un jeune black ou “Cette femme est un poids”
pour une femme enceinte. Amorçée en juin, poursuivie en septembre, la campagne
était déclinée en affichage multiformat chez Metrobus, Clear Channel Transport
et Insert, « pour accompagner le citadin métro - bistrot - boulot - dodo »,
sourit Frédéric Girard. Et ce dernier d'ajouter : « L'objectif est de créer de
la proximité avec une campagne très ancrée dans le réel, qui met en scène des
vrais gens autour de leurs vraies préoccupations. Et c'est presque la création
qui a guidé le média. Nous n'avions aucun parti pris en termes de choix de
médias, mais la volonté de faire passer un message simple, clair. Donc, de ce
fait, particulièrement adapté à l'affichage. L'affichage, comme la presse
quotidienne que nous avons également utilisée cette année, sont des médias
militants, des médias de grande cause qui poussent à réfléchir. Pour moi, rien
ne remplace une campagne d'affichage. C'est un média qui oblige à être
pointu.» Si Adia jugeait sa création adaptée aux différents formats choisis,
ce n'est pas forcément le cas de toutes les marques qui peuvent avoir des
hésitations sur son impact.
Simuler pour convaincre
En cas de doute, annonceurs et agences peuvent toujours réviser leur copie en
utilisant les outils de simulation que proposent la plupart des grands
afficheurs pour mieux l'optimiser. JCDecaux est un des pionniers du genre avec
CreAction, un logiciel qui permet une mise en situation d'une affiche, en
reconstituant une impression de déplacement dans la rue. Le projet d'affiche
est placé en situation réaliste, de jour comme de nuit, à plusieurs distances
(de 5 à 80 mètres) pour en observer tous les détails (taille du logo, du
visuel, etc.). Chez Viacom Outdoor, François Morinière dresse un constat
similaire de progression d'utilisation du Visiotest - un logiciel maison dont
les fonctions ont été optimisées l'an dernier -, qui permet une simulation
grandeur nature de la campagne dans différents environnements avec un recul de
quinze ou vingt mètres. Le recours à ces logiciels est particulièrement
apprécié des marques qui font leur premier pas dans l'affichage, à l'image de
Vichy pour Homme, par exemple. La marque loréalienne a, en effet, réalisé sa
première campagne de publicité extérieure, en avril dernier, dans les réseaux
de JCDecaux et Viacom pour soutenir le lancement du soin régénérant
raffermissant Silicium R. « Nous avons choisi l'affichage dans un souci de
renforcement de l'image de la marque et parce que nous avons un superbe visuel
qui remporte l'adhésion des hommes comme des femmes », explique Christophe
Vaurés, chef de produit. Pour la création, ce dernier raconte que la démarche a
consisté à éviter un certain nombre d'écueils. « A savoir trop de texte ou une
création trop segmentante. Le choix de l'afficheur s'est fait en fonction de la
qualité du support, du taux de couverture territorial et aussi de la
disponibilité, car on ne peut pas se permettre de trop attendre pour
communiquer une fois le produit lancé.» Les clients de JCDecaux, de Viacom
mais également de Metrobus ne sont plus les seuls à disposer d'outils
d'optimisation des créations. Le groupe Clear Channel propose, en effet, à son
tour depuis quelques mois un logiciel baptisé tout simplement Simulateur. « La
démarche existait déjà mais pas sous la forme d'un outil aussi pointu, note
Etienne Reignoux, directeur de la stratégie et du marketing. Nous avons été
amenés à le proposer du fait du développement de la diversité de notre offre. »
Et ce dernier d'ajouter : « Il ne s'agit pas de s'immiscer dans le processus
créatif mais de libérer la création du format. Cette initiative s'inscrit dans
notre démarche d'aide à la création que nous menons notamment à travers
l'alimentation d'une base de données iconographiques. »
Sortir des formats classiques
Si ces différents outils tendent à aider la
création à s'affranchir de formats encore jugés trop rigides, c'est encore et
toujours dans l'affichage dit déformaté qu'elle peut s'exprimer le plus
librement. « C'est le seul domaine vraiment libéré de toute contrainte, et où
on peut mettre en scène des créations totalement différentes de celles d'un
affichage classique », confirme Jean Minost. Insert est le dernier en date à
avoir misé sur cette carte en lançant deux nouveaux concepts. Le premier
baptisé “Sortez du cadre” permet, comme son nom l'indique, de coller des
vitrophanies dans un périmètre de 40 cm autour du cadre. Total Covering, le
second, a été utilisé pour la première fois en juillet dernier par Columbia
lors de la sortie du film Spiderman II. Vingt cafés de dix grandes villes de
France ont ainsi vu leur vitrines habillées aux couleurs de l'homme-araignée.
En matière d'affichage déformaté, certains secteurs sont historiquement plus
utilisés que d'autres, à commencer par celui des transports. « Nous développons
effectivement de plus en plus l'affichage hors-normes, sur-mesure, confirme
Isabelle Courthieux, directrice du département hors-médias Clear Channel
Events. Nous avons beaucoup de demandes de la part des agences qui savent
qu'elles peuvent s'exprimer de manière totalement libre dans les lieux de
transport que nous gérons. » Parmi les créations originales déclinées sur le
média, on peut citer un spectaculaire pelliculage aux couleurs de Nike réalisé
à l'occasion des JO. Du 23 août au 3 septembre, le nez de dix motrices de
cinquante TGV circulant sur l'axe Paris-Sud-Est a été recouvert de l'effigie de
l'athlète française Muriel Hurtis. Parallèlement, la gare de Lyon arborait une
décoration spectaculaire (40 mètres d'habillage) tandis que le sol de trois
quais étaient transformés en pistes d'athlétisme avec des couleurs numérotés
reprenant la signatue de la marque (agence Ubi Bene). Dans un autre registre,
l'aéroport est également un lieu qui permet au créatif de “se lâcher”. Comme le
note Sandrine Mettetal, directrice du marketing de JCDecaux Airport, « le
format n'y est pas contraignant dans le sens où, à côté des standards, il est
possible d'adapter une création à un lieu clairement identifié, par exemple. »
Et de citer le cas récent de Cap Gemini qui, pour mettre en avant ses nouvelles
identité visuelle et image de marque, s'est affiché sous forme de bannières, de
fûts et sur les piliers de Roissy ; ou encore de LG qui a habillé les portes
d'ascenseur d'Orly et Roissy à la manière d'un réfrigérateur recouvert de
petits mots doux. « A la demande de clients, nous sommes en train de tester
certaines campagnes sur le plan de la création, explique Sandrine Mettetal.
Cela montre une prise de conscience, car nous le faisions auparavant, mais pas
forcément de manière aussi poussée. »
La tendance est au King Size
Dans les aéroports comme dans les gares, l'envie de créations
fortes porte le marché vers une demande croissante de très grands formats.
Surfant sur cette tendance, JCDecaux Airport vient de commercialiser, en
septembre, l'intégralité de la surface extérieure d'Orly Sud, ce qui représente
une surface de 1 800 m2. « Les agences ont réagi très positivement en nous
demandant au départ de ne pas trop promouvoir cette offre ; ce qui est toujours
problématique », raconte Sandrine Mettetal. Dans l'affichage transport, mais
aussi plus généralement, cette volonté de faire émerger une création en version
King Size fait également le jeu des bâches événementielles. De Pink TV,
annonçant son arrivée prochaine sur une bâche géante installée sur l'Opéra
Bastille pour accueillir l'arrivée de la Gay Pride, à la Ville de Paris
proclamant son “Amour des Jeux” sur la façade de différents bâtiments
officiels comme l'Hôtel de Ville et la Tour Eiffel, en passant par le magazine
Glamour à Neuilly et les marques qui utilisent régulièrement les bâches de la
Rotonde du Printemps et des Galeries Lafayette, les exemples récents sont
nom-breux. Et illustrent la volonté de sortir du cadre, du 16 m2, dimension
maximum légale de l'affichage publicitaire.
Regards croisés .Le format est-il une contrainte ou une opportunité pour les créatifs ? Réponses de Pascal Grégoire, président et directeur de création de CLM-BBDO, et de Vincent Leclabart, président d'Australie.
Pascal Grégoire : La contrainte fait partie de notre quotidien, quel que soit le média. L'affichage est un média merveilleux dans le sens où il offre toujours une capacité de créer, d'étonner, en donnant à la rue, chaque mercredi, un nouveau décor. A partir de là, tout est une question de puissance du message, pas de format. On peut délivrer un message sur un timbre poste. L'écueil à éviter est plus d'en faire un média de complément qui ne délivre que des messages commerciaux comme c'est beaucoup le cas actuellement. Avec ce média qui permet de toucher les gens dans la rue, on peut, au contraire, aller plus loin, dire des choses fortes comme nous l'avons fait, par exemple, en août, avec la nouvelle campagne de sensibilisation de la Fondation Nicolas Hulot en faveur de la biodiversité. On ne touche pas que la rétine, on touche aussi le cerveau. Vincent Leclabart : L'affichage est un super média quand on a quelque chose d'original à dire, car il offre un relief, une force incroyable, particulièrement le 4 x 3. C'est d'ailleurs le format référent et celui que préfèrent d'emblée les créatifs qui aiment avoir le plus de place possible pour s'exprimer. L'abribus est un format prestigieux, efficace sur les ventes. Il est aussi, en revanche, extrêmement contraignant, car il ne permet pas de délivrer beaucoup d'informations et nécessite un mode d'écriture obligé. Mais, quoi qu'il en soit, ce n'est pas la création qui est déterminante dans le choix du format, c'est le poids de l'achat qui fait pencher la balance. La création ne décide pas vraiment, sauf peut-être dans des campagnes événementielles déclinées sur des formats uniques de type bâche.
Quand créa rime avec format
Un groupe de jeunes filles mi-vêtues, mi-dévêtues, manifestant avec des pancartes proclamant “Je n'ai rien à cacher”. La création conçue par l'agence espagnole Valverde pour la marque de lingerie Variance est vraiment faite pour descendre dans la rue. C'est d'ailleurs là où l'on a pu la voir, du 15 au 21 septembre dernier, sur 5 500 faces du réseau senior national Decaux. « Nous n'avions pas de certitude au moment de shooter sur le fait de savoir quel visuel irait en presse et quel autre en affichage, sachant qu'un visuel presse peut être décliné en abribus, raconte Samar Hussani, chef de produit Variance. Mais, en le voyant, on a eu très envie de le mettre dans la rue. » C'est également la même logique entre la création et le média qui fera retourner Chantelle dans les aéroports pour soutenir le concept de la lingerie des “Femmes du monde”, créé par Saatchi. Comme l'an passé, la marque s'affichera via JCDecaux Airport à Orly et Roissy de mi-octobre à mi-novembre. « Il y a une vraie synergie entre le claim et le lieu, confirme Anne Pointchevla, chef de produit Chantelle. En outre, nous aimons bien utiliser ce média car on y a une qualité d'émergence exceptionnelle, renforcée par le fait que nous sommes la seule marque de lingerie acceptée par Aéroports de Paris. » Selon TNS Media Intelligence, la publicité extérieure est toujours le média numéro un de la lingerie féminine, avec une part de marché de 49,6 % l'an dernier (23 ME à + 112,6 %) devant la presse (32,3 % de parts de marché, 15 ME à + 20,6 %).