Le “reverse marketing” ou l'avènement du sur mesure de masse
Internet, et plus généralement toutes les nouvelles technologies
d'information et de communication, ne se sont pas contentés de faire du monde
un village. Ces nouvelles technologies sont en train de donner aux
consommateurs la possibilité de prendre le pouvoir sur la marque. Un
renversement des rôles que traduit l'un des slogans de clust.com, premier site
d'achat groupé français : « On partage nos envies, on fait naître de nouveaux
produits ». « Clust.com est au coeur de la tendance qui va vers l'inversion de
la relation commerciale. Désormais, et de plus en plus, c'est le consommateur
qui crée sa propre demande et l'entreprise qui fait en sorte d'y répondre. Cela
n'a l'air de rien, mais c'est une révolution », analyse François Collet, son
directeur du marketing. Certes, cette révolution annoncée n'en est encore qu'à
ses balbutiements, mais elle est, selon les experts, le modèle qui va s'imposer
aux entreprises. « Les nouvelles technologies nous ont fait entrer dans la
dimension du temps réel, de l'immédiateté. Se faisant, elles changent le type
de relations entre la marque et les consommateurs et sont à l'origine de
l'émergence du reverse marketing. Les consommateurs savent qu'ils ont le droit
à la parole et qu'ils peuvent être entendus », remarque Laurent de Teneuille,
consulting manager chez e-Laser Contact. Et de citer l'exemple d'amazon.com. «
Amazon.com me semble, à ce jour, un des sites les plus aboutis en matière de
"reverse marketing". Les internautes ne se contentent pas d'acheter des livres.
Ils apportent des critiques, livrent des informations, guident les choix
commerciaux du site. Ils interviennent véritablement dans le processus
marketing. Dès l'origine, amazon s'est positionné sur ce créneau, sinon
qu'aurait-il apporté de plus que les autres distributeurs ? Les consommateurs
sont aujourd'hui éduqués, ils attendent d'une marque qu'elle aille au-delà des
minimums requis. »
Web, le laboratoire de tous les possibles
« Les entreprises ont aujourd'hui entre les mains tous
les outils nécessaires pour mettre en oeuvre un véritable marketing-client,
estime pour sa part Jean-Yves Hepp, manager services consommateurs chez Arthur
Andersen Management. Les nouvelles technologies ont permis de "dévirtualiser le
consommateur". Le problème, c'est le manque de cohérence, il y a des bouts
d'outils à droite et à gauche, mais il n'y a pas encore de dialogue entre les
différents services. » « Le Web est le lieu de toutes les possibilités où il
est clair que l'on ne peut pas continuer à utiliser les mêmes méthodes que par
le passé. Mais attention à ne pas confondre le permission marketing et le
reverse. Dans le premier cas, il s'agit, en fait, de demander aux internautes,
s'ils souhaitent être contactés. On est encore dans un discours unilatéral. La
marque, l'entreprise parle aux consommateurs. En ce qui nous concerne, nous
avons fait un autre choix, celui de l'interactivité réelle. Celle qui consiste
à donner la parole aux consommateurs. Ce sont eux qui initient le dialogue, le
contact, qui prennent l'initiative », commente François Collet.
Réinventer des modèles
Bref, plutôt que de s'inscrire
dans une démarche du type "36.15 qui n'en veut ?", les entreprises ont tout
intérêt à choisir la logique du "36.15 qu'est-ce que tu veux ?". D'autant que
le Web est le laboratoire de tous les possibles, le plus grand laboratoire
mondial de recherche comportementale. Bernard Arnault, le très puissant patron
du groupe LVMH, ne s'y est pas trompé. Prévu au printemps prochain, le
lancement de Ze Project devrait révolutionner le monde de la banque et des
finances. De quoi s'agit-il ? D'inventer, ni plus ni moins, le supermarché on
line de la finance et de le faire en invitant les internautes à imaginer les
produits, les services, les offres. Forums, jeux, animations, tout est sujet à
l'instauration d'un dialogue constructif qui doit déboucher sur des offres sur
mesure que la banque en ligne proposera demain à une clientèle captive, voire
déjà fidélisée. « Ce projet est l'illustration parfaite de l'individualisation
et du sur mesure. C'est l'aboutissement du marketing one-to-one. Chaque
internaute va se voir proposer des produits et des services différents »,
insiste Laurent de Teneuille. Si le Web est un formidable outil de
développement, il peut aussi devenir une arme redoutable. Prêts à livrer un
nombre considérable d'informations, les internautes attendent en retour une
relation qui se joue sur le mode de l'invitation plutôt que de l'intrusion. «
Etre intrusif, c'est prendre le risque d'être moins efficace. Le but du jeu est
d'établir une relation de confiance pour que les consommateurs nous disent ce
dont ils ont envie », note François Collet. « Il faut être attentif au "core"
business, ajoute Laurent de Teneuille. Au-delà du débat sur la privacy, l'offre
et les informations doivent être relatives aux centres d'intérêt, sinon elles
n'amplifient pas la relation. Bien au contraire. La marque risque alors un
sévère retour de bâton. »
